Les jours défilent dans une rigueur ennuyeuse. Jamais un jeudi n'était assez galant pour laisser un vendredi lui passer devant, ni un lundi assez distrait pour arriver en retard.
Les maîtres du monde se mobilisèrent comme jamais pour libérer le pétrole koweïtien de l'invasion irakienne, pour rendre au monde une justice qui se quantifie au baril de brut, alors que les enfants de Sierra Leone et du Liberia, armés jusqu'aux dents de lait, périssaient dans la rage des guerres civiles, et que le tonnerre du conflit ethnique grondait dans les Balkans.
L'amour le plus pur est un regard qui naît avant les mots, qui se fiche de l'histoire, et qui se moque des contraintes.
Mais ce n'est pas seulement grâce à ses explications posthumes et à ses certitudes qu'un homme avance, c'est aussi grâce à son imagination et à sa capacité à croire en la subtilité de ce monde qui se dévoile. Ce monde est loin d’être cet enchaînement de mécanismes.
Celui qui aura compris cela, résoudra toutes les équations
Ah le hasard ! cette manifestation d'un monde qui se dévoile! Il dérange, parce qu'on ne sait pas l'expliquer, il agace, parce que quelques fois, il bouleverse les certitudes
La terre est ronde pour que les gens se retrouvent.
Parfois le bonheur est un sandwich au thon. (p.122)
Au contraire, je n’ai jamais considéré les mots comme une contrainte, et le langage comme une loi, dit-il en portant la tasse à sa bouche à son tour. Mettre des mots sur des émotions est le plus grand défi pour l’imagination d’un homme, non pour sa raison. Il ne s’agit pas d’équation, mais d’invention, d’invocation.
Avant que le destin ne te mette à ma porte, cette maison était le quai de la gare du train funeste, et je l’y attendais en me demandant chaque jour pourquoi il était si en retard. Mais en te trouvant dans cette corbeille, j’ai compris pourquoi les balles qui atteignaient les hirondelles ont épargné ma tête.
Le hasard, maître des dès, l'enfant gâté de la volonté divine, sourit, fier de son oeuvre, et bâilla sur son nuage. (p.161)