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Critique de mariecesttout


Né en Argentine, écrivain, traducteur, éditeur, Alberto Manguel est de nationalité canadienne, mais a installé sa bibliothèque en France.....Et quelle bibliothèque, ça fait envie!

C'était la première fois que je lisais Alberto Manguel. Sous le regard d'Alice et de ce qu'elle trouva de l'autre côté du miroir ( et de ce que chaque lecteur ,individu unique, découvre à la lecture d'un livre, ce que ce livre fait résonner en lui), cet écrivain a rassemblé quelques textes écrits à des périodes et occasions diverses. Tous ayant comme point commun d'être une ode à la littérature , à la fiction, "seule entreprise capable de donner au monde une cohérence à laquelle d'aucuns censeurs, de siècle en siècle, cherchent à substituer un chaos propice au maintien des esprits en esclavage."
Ces textes traitent donc de plusieurs aspects de la littérature, analyses de certaines oeuvres , de certains genres , de l'importance primordiale de la traduction, du rôle de l'éditeur,du critique, etc.
C'est très érudit, et même si ,comme c'est extrêmement bien écrit ( et bien traduit), cela se lit avec plaisir, faute d'une culture littéraire suffisante, bien des choses me sont passées largement au dessus de la tête!

Il y a par contre 3 ou 4 chapitres qui traitent à plus proprement parler de Manguel, l'homme et son histoire personnelle. C'est à eux que je me suis le plus attachée.
Dans le premier, intitulé "La mort de Che Guevara", il raconte sa découverte, à peu près contemporaine de celle d'Ernesto Guevara ,des "injustices fondamentales de la condition humaine". mais, dit il, " contrairement à nous, il avait agi . le fait que ses méthodes fussent douteuses, sa morale impitoyable, sa réussite en fin de compte impossible paraissait- parait encore, peut-être) moins important que le fait qu'il ait pris sur lui de combattre ce qu'il croyait mal même s'il ne fut jamais tout à fait certain de ce qui, à la place, serait bien."Et oui, Mr Manguel, mais on pourrait dire que l'important est peut être la prise de conscience. Après, chacun fait ce qu'il peut, certains dans l'action, d'autres dans l'écriture?

Le deuxième , "In Memoriam" est presque une confession . Au lycée de Buenos Aires est arrivé un jour un professeur qui ouvre à ces jeunes étudiants " les digues de la littérature". " Mais, avant tout, il nous a appris à lire. Je ne sais pas si nous avons tous appris, sans doute pas, mais écouter Rivadavia nous guider au travers d'un texte, au travers des relations entre mots et souvenirs, entre idées et expériences, a constitué pour moi un encouragement à une vie entière de passion pour la page imprimée dont je n'ai jamais réussi à me désintoxiquer . Ma façon de penser, ma façon de sentir, l'individu que j'étais dans le monde et cet autre individu , plus sombre , que j'étais , seul avec moi-même, sont nés en majeure partie de ce premier après midi où Rivadia a fait la lecture à ma classe."

Et puis.......et puis la dictature militaire, et Manguel se trouve en Europe. Là aussi, je le laisse parler: " Pendant quatorze années, l'Argentine a été dépecée vive. Quiconque vivait en Argentine pendant ces années avait le choix entre deux options: combattre la dictature militaire, ou la laisser s'épanouir. Mon choix fut celui d'un couard: je décidai de ne pas rentrer. Mon excuse ( il n'y a pas d'excuse) est que je n'aurais pas su me servir d'une arme".......
Beaucoup de ses amis disparaissent , certains se suicident, et ce n'est que plus tard que Manguel découvre que celui qui renseignait si bien les militaires sur les sympathies et antipathies politiques de ces étudiants, ce qui permettait leur capture et élimination était son mentor en littérature, le professeur Rivadavia...

Dès lors, dit Manguel, trois options lui apparaissent:
- "Je peux décider que l'être qui a eu le plus d'importance dans ma vie, qui d'une certaine façon m'a permis de devenir ce que je suis aujourd'hui, qui me paraissait l'essence même du maître capable d'inspirer et d'illuminer, était en réalité un monstre et tout ce qu'il m'a enseigné, tout ce qu'il m'a encouragé à aimer était corrompu.
- Je peux essayer de justifier ses actes injustifiables et ignorer le fait qu'ils ont entrainé la torture et la mort de mes amis.
- Je peux admettre que Rivadavia était à la fois le bon professeur et le collaborateur des bourreaux, et laisser cette description en rester là, tels l'eau et le feu.
Je ne sais pas laquelle de ces options est la bonne."

Je pense , après avoir lu Journal d'un lecteur et La bibliothèque ,la nuit , qu'il a choisi la troisième option. Comment faire autrement?
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