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Critique de Tandarica


Dans un entretien avec Ioan Es. Pop publié en 2011 (il est à espérer que des évolutions aient été enregistrées depuis), Călin Vlasie (l'éditeur ici), clame, dans une langue dont l'humour n'a d'égal que l'amertume du constat (je traduis directement en français) : « dans un pays « manele »-isé et « becalisé » de la petite frappe au pape, de celui avec juste deux classes de plus que le train jusqu'à celui dont les titres universitaires sont délivrés par « Rank xerox », autrement dit dans l'absolue et dévastatrice confusion des valeurs, rendre hommage aux grandes personnalités (dont hélas, très peu sont encore en vie) de la culture roumaine, me semble être, à cette époque malheureuse de l'histoire nationale, la priorité des éditeurs roumains, des universitaires et des autres médias. Nous ne pouvons poursuivre avec de faux modèles culturels, tout comme nous ne pouvons laisser les vrais modèles demeurer dans l'anonymat ».
Si, comme l'indique le sous-titre, « Vie et Livres » rassemble les souvenirs d'un lecteur au long cours, c'est que Nicolae Manolescu soutient sur un mode similaire à l'hommage, des valeurs robustes, mais en y englobant celle universelles, notamment françaises qui l'ont marqué, parfois au fer rouge. D'innombrables références, qui sont autant de repères formateurs pour un intellectuel et un fin lettré.
Je fais remarquer aussitôt que ce livre est un objet très bien « façonné » : broché, avec un papier blanc d'une belle qualité et une couverture sobre qui lui sied bien. Une belle mise en page, également (l'édition date déjà de 2010).
Tout comme l'auteur, «  mon âme est joyeuse, et comment, car je n'ai pas encore lu tous les livres ». Lorsqu'il se pose la question de l'utilité de la lecture, il conclut naturellement : « je ressens chaque jour sans un livre comme un jour perdu ». Je n'ai absolument pas perdu le mien (il ne m'est pas encore compté, quoique ?!) en m'adonnant à cette lecture dont les principales qualités me semblent être la franchise de ton et la démarche humblement comparative. Nous, nous les « caniballectors » convaincus, à la fois de la suprématie de certaines littératures sur d'autres et de l'universalité si omniprésente au fond. L'auteur est un éminent critique, mais ici, son ton simple et drôle émeut par des rapprochements d'une salutaire évidence. Un seul exemple : le « match » des Frères Grimm contre Ion Creanga (p. 41), qui en effet n'écrit pas des contes pour enfants, arbitré par Mihail Sadoveanu nous conduit à la consécration d'Andersen lu en même temps que Ivan Tourgueniev et, là, surprise, on apprend que les livres de ce dernier, ainsi que ceux de Jules Verne étaient inséparables du sac à dos du lycéen Anton Holban.
Le livre est structuré autour de deux parties : « Lire et écrire » (I, p. 7 à 177) et « Écrire et lire » (II, p. 180 à 422). L'écriture au quotidien, qu'elle soit obligation professionnelle (25 ans de lectures journalières, le crayon à la main pour la rédaction d'une histoire critique de la littérature roumaine, qu'il serait bien inspiré de faire traduire, au plus vite, en français), compagnon de route, simple question de vie et de mort (lucide regard sur la censure pendant la période communiste), est indissociable des rencontres avec les lettres roumaines en chair en et os. Ces deux parties sont ainsi justifiées (p. 181) : « […] quand enfant, alors que je ne savais pas encore lire et que je demandais à ma mère de le faire pour moi, l'implorant de me lire conte sur conte, exactement comme le sauvage de la nouvelle d'Evelyn Waugh qui prend en otage un soldat anglais pour disposer de quelqu'un qui lui lise sans arrêt Dickens. Sur le besoin de l'adolescent de lire, j'ai écrit « Lire et écrire ». Un événement récent m'a dévoilé celui d'écrire de l'adulte. Vous le lirez dans « Écrire et lire ». Ma biographie intellectuelle se construit, toute, en fonction de cette symétrie. »
Des hommages rendus je cite celui à George Ivașcu (« l'homme providentiel de ma biographie ») dont un exploit en particulier a retenu mon attention : « Les cours de cinquième année sur Mitrea Cocor ne se sont toujours pas effacés de ma mémoire. Mon Dieu, comment avait-il réussi à parler des semaines durant, d'un tel sujet ? », et celui à Alexandru Ivasiuc.
Nicolae Manolescu n'est peut-être « pas un écrivain », mais ce qui est sûr, c'est que j'écris ces lignes en hommages à des maîtres. Puissent-ils me lire !
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