AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de beatriceferon


Dans une autre vie, j'ai été professeur et j'ai consacré une partie de mon cours au roman policier. Un jour, j'ai emmené ma classe dans un musée qui proposait une exposition interactive sur ce genre littéraire. C'est donc le titre choisi par Christos Markogiannakis qui m'a interpellée. La couverture, elle, m'a heurtée par son aspect bestial et sanglant. Un tableau que je ne connaissais pas du tout a été choisi. Il s'agit d'une « Exécution sans jugement sous les rois maures de Grenade » d'Henri Regnault. Entre deux bandes jaunes, l'une pour le titre, l'autre figurant la rubalise utilisée pour délimiter les scènes de crime , l'oeil est attiré par un escalier. Au premier plan, une tête a roulé une marche plus bas que le corps, drapé dans de précieuses étoffes vertes. le sang dégouline abondamment. le meurtrier ? On n'en aperçoit que les pieds nus dominant la scène.
J'aime énormément les romans policiers. J'ai visité plusieurs fois le musée d'Orsay. La peinture m'intéresse. Trois bonnes raisons de me lancer dans la découverte de cet ouvrage intrigant .
L'auteur invente un nouveau mot, dont il fait le sous-titre de son livre : « enquête criminartistique ». En feuilletant, on tombe sur une table des matières, dont les titres surprennent : « Femmes, votre nom est vengeance », effrayent : « Décapité, brûlé ou écorché vif », piquent la curiosité : « J'aime te détester ». Chacun est suivi d'une catégorie des meurtres qui seront déclinés : cannibalisme, fratricide, peine capitale... ou de références à ce monde particulier : mobiles, récidive, témoin oculaire...
Dans une préface, Christos Markogiannakis explique ses motivations : « Les artistes ont toujours cherché l'inspiration, non pas dans les délits mineurs, mais dans ceux qui produisent les émotions les plus extrêmes. », son choix : « le musée d'Orsay qui abrite des oeuvres d'art datant de 1848 à 1914, représente une source exceptionnelle du meurtre "esthétisé" ».
Il fait appel à un grand nombre d'auteurs (Hugo, Zola, Poe) qui « se passionnent pour le meurtre, les meurtriers et leur punition ».
Enfin, n'oublions pas qu'avant d'être un musée, Orsay était une gare. Quelques photos nous le rappellent, et, « dans la littérature, la foule sans visage des voyageurs qui attendent dans les gares et montent à bord des trains est souvent associée au meurtre. de "Le Bête humaine" d'Émile Zola au "Crime de l'Orient-Express" d'Agatha Christie ou "L'Inconnu du Nord-Express" de Patricia Highsmith, le chemin de fer et ses passagers dissimulent parfois de funestes secrets. »
Entrons dans le vif du sujet.
Chaque chapitre de ce bel ouvrage sur papier glacé s'ouvre sur une reproduction parfaite du tableau ou sculpture qui va être analysé.
Il me faut avouer que j'en connaissais peu, en dépit de plusieurs visites au musée.
Christos Markogiannakis commence par une présentation générale : il explique, par exemple, qui est tel ou tel personnage issu de l'histoire (Bara), de la mythologie (Orphée, les Danaïdes), de la Bible (Sainte Cécile, Saint Sébastien), de la littérature (Francesca da Rimini et Paolo Malatesta, Ugolin). Il explique ensuite le type de « crime » mis en scène, comme le martyre des chrétiens dans la Rome antique. Enfin, il analyse l'oeuvre avec finesse, attirant notre regard sur des détails (on peut les examiner sur des gros plans) auxquels, sans lui, on n'aurait sans doute pas prêté attention. de temps à autre, d'autres oeuvres sont mises en parallèle avec celle qui est présentée. Toutes les reproductions sont d'une qualité irréprochable et permettent de bien comprendre ce qui est expliqué.
L'auteur nous fait prendre conscience de problèmes préoccupants. En 1875, Cézanne peignait « La femme étranglée » et l'auteur précise qu'il ne s'agit pas là du témoignage d'un temps lointain et barbare. Une étude de 2017 montre qu'en France, « une femme est tuée tous les trois jours par un conjoint ou un ex-conjoint dans l'indifférence de la classe politique et des médias. Et quand les médias (généralement locaux) s'en font l'écho, ces meurtres domestiques sont souvent réduits à des "différends conjugaux", des "crimes passionnels" ou des "drames de la rupture". D'une manière générale, le nom et la profession des victimes sont omis et seuls leur âge et la façon dont elles ont été tuées (…) sont mentionnés. »
A la fin de l'ouvrage, une impressionnante bibliographie donne la mesure du travail fourni par l'auteur.
Si le titre est accrocheur, le contenu est loin d'être une fantaisie superficielle.
J'ai appris énormément de choses dans ce live, qui, bien sûr, ne se lit pas d'une traite, mais que j'ai dégusté chapitre par chapitre, ce qui m'a permis de réfléchir ou de me documenter un peu plus sur certains aspects.
Commenter  J’apprécie          30



Ont apprécié cette critique (3)voir plus




{* *}