Jamais les titres ne sont donnés au hasard, alors quelle(s) explication(s) pour ce «
Tiré à quatre épingles » ? Les trois premiers mots du livre, qui ouvrent le premier chapitre : « Le style Chanel » ne fait que confirmer la référence à...l'élégance !
Et il s'agit bien ici d'un polar élégant. Et oui, ça existe. La preuve : j'en ai un entre les mains.
Elégance de la composition : l'auteur prend le temps d'exposer le contexte, l'intrigue et les personnages de son roman. Elégance de l'écriture par sa facilité apparente, une grâce qui laisse les pages se tourner avec légèreté, maintenant l'envie d'en savoir plus, avec des chapitres courts et biens charpentés. Et puis élégance de la conclusion qui se continue par l'épilogue.
Le contexte : un mois d'août à Paris, au 36 quai des Orfévres. Ce sont les vacances, les équipes d'enquêteurs sont réduites, et le futur déménagement de la PJ augmente le stress et de la hiérarchie et des inspecteurs.
L'intrigue : un meurtre qui ressemble si fort à un autre meurtre commis quelques semaines plus tôt et, on pourrait presque dire qu'il s'agit de meurtres en famille et dans un cercle intime. La résolution du mystère s'étoffera de quelques parfums de magie noire, qui de mon point de vue, n'apportent rien à l'intrigue. Par contre, nous plonge dans une passion de collectionneur pour les arts africains et donnent l'envie d'en connaître plus
Les personnages : alors pour ceux-là, le principe d'élégance est à son pinacle.
Pour citer un certain Brummel, « La véritable élégance consiste à ne pas se faire remarquer », cette maxime semble être celle du Commandant Chanel ; il l'énonce très clairement et vit vraiment mal les situations où il doit être sous les feux de la rampe que ce soit pour un discours ou recevoir une décoration. Il se sait apprécié de sa hiérarchie et de ses « hommes ». Il a mis beaucoup de soin pour constituer une équipe efficace et se méfie surtout de ce qui peut la bouleverser comme d'intégrer de jeunes recrues. Mais il les intégrera avec humour si elles sont de futures excellentes professionnelles. Misogyne le Commandant Chanel ? Ne vous fiez pas à ce qu'il dit en la matière.
Le Commandant Chanel sait prendre le temps et y arrive malgré les pressions : il n'est pas un « cowboy » électrisé, d'où ce voyage long pour écouter l'ancien collègue chargé du premier meurtre,
la patiente écoute de la responsable du musée. C'est un homme d'écoute et de respect capable d'intégrer d'autres idées, d'autres conceptions même les plus magiques.
Tout métier peut s'exercer avec élégance et avec équité ; tout comme la solution qu'appliquera le Commandant Chanel pour faire parler le Farfadet avec respect et efficacité. Ce policier est fidèle à son éthique.
Revers du principe d'élégance : un bel atour peut cacher un être hideux ou son inverse. Autre façon de l'exprimer, l'élégance est aussi un masque et ce sont ces masques que l'auteur fait tomber.
Au regard d'Albane, le monde pour elle, c'est celui du paraître, mais derrière ces beaux atours c'est une véritable furie qui se cache. J'ai beaucoup apprécié le passage où est décrit son antre de sorcière, cette chambrette sous verrous toute dédiée au culte et à l'admiration de sa beauté. Albane de rouge vêtue, victime qui, de ce fait, détourne tous les soupçons qui l'accusaient du premier meurtre.
Tout à son inverse, le « farfadet » tout de vert vêtu, sorte de bêta rêveur. Mais un coeur et une intelligence fine, si, si ! Atteint du syndrome de Peter Pan ? Mais un Peter Pan qui tombe amoureux et construit son avenir.
Albane et lui apportent leurs réponses à la question « comment guérit-on d'une enfance pourrie ?» ; à chacun ses solutions. Et puis il me plaît bien que
Pascal Marmet nous fasse rencontrer ce jeune mieux armé qu'il n'y paraît pour la vie : il a gardé de la fraîcheur et de l'enthousiasme et au fond, c'est un bon remède à la désespérance que de courir après des trains en partance plutôt que de végéter, abruti, à côté d'une poubelle ou effondré dans un fauteuil.
Quant à la solution de la problématique, je l'ai trouvé bien amenée, surprenante à souhait et ... logique.
Excellent et trop court moment de lecture. Vos personnages, Monsieur Marmet ont tout pour devenir récurrents. A quand leurs prochaines aventures ?
Un grand merci à Babelio pour cette Masse Critique et à la courtoisie de l'auteur qui a glissé un petit mot dans son envoi. Elégant, n'est-ce pas ?