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Critique de jean2b


Quelles que soient les intentions de l'Auteur, quel que son passif puisse être, son livre est solidement étayé et m'a appris des choses très neuves, alors que j'étais - je le constate à ma surprise et à mon intérêt dans la lecture - inconsciemment persuadé d'à peu près tout connaître sur certains sujets. J'avais tort.

Je ne citerai que le cas de Montini, alias Paul VI (très officiellement "saint de l'Église catholique" depuis Bergoglio!) Paul VI, l'artisan résolu du désastre de Vatican II dont les statistiques nous montrent qu'il a provoqué, dès les dix premières années de la "réforme", un effondrement suicidaire de la pratique – laquelle pratique passait en France de 57 pour cent à 21 pour cent (rapport Marty) pour dégringoler aujourd'hui à... 1 pour cent! Effondrement conscient, et contre lequel non seulement le Vatican ne prit aucune mesure de redressement doctrinal, mais qu'il chercha très visiblement à accélérer, ce qui en dit long - les alibis invoqués en 1962-1968 ne tenant plus du tout - sur la volonté destructrice des instigateurs.

Avec ce livre, j'ai découvert un certain nombre d'éléments, dont j'ai personnellement vérifié l'exactitude, et qui étaient pour moi tout à fait nouveaux. Ainsi, concernant Paul VI, je n'ignorais pas les archives de l'Ispettorato speciale di Polizia, dépendante de la Direzione Generale della Pubblica Sicurezza, la "GESTAPO" ("OVRA") du Duce sur les frasques de Montini, à l'époque "Primo Minutante" à Rome, qu'on raflait en plein ébat dans les bordels. Je n'ignorais pas les dossiers déclassifiés du C.I.A. sur Paul VI, où visiblement, les Américains se réjouissent d'avoir sur Paul VI un puissant moyen de pression: ses turpitudes sexuelles avec de jeunes et beaux garçons (grasses plaisanteries, au passage, de salle de police: après son élévation au pontificat, en 1963, le nom "Paolo Sex" émaille les rapports du CIA. le SDECE - prononcer "sdeck" - quant à lui, l'appelait... "Popaul"!) Toutes choses qui sont brutalement remontées à la surface quand le scandale des réseaux pédophiles du diocèse de Cloyne a éclaté en 2010-2011, et que la très courageuse juge d'instruction Yvonne Murphy a établi le Cloyne Report.

Je n'ignorais pas les rapports de Paul Hoffmann, le très respecté journaliste du New York Times, correspondant à Rome de l'organe de presse américain, sur la sexualité active de Montini. Ni les révélations de Franco Bellegrandi, chambellan du Vatican et correspondant de l'Osservatore romano, révélations prouvées par la suite, et dont il n'est pas permis de douter. Ni l'autobiographie de l'écrivain anglo-irlandais Robin Bryans. Ni, évidemment, les scoops à sensation de Roger Peyrefitte qui, le premier, s'était délecté, conformément à sa triste habitude, à dévoiler les moeurs de Montini et l'identité de ses amants les plus célèbres: l'acteur Paolo Carlini, d'abord, qui joue le rôle du coiffeur dans les Vacances romaines avec Gregory Peck (Carlini, décédé en 1979, n'a jamais démenti), et Hugh Montgomery ensuite.

Ce qui j'ignorais complètement, en revanche, c'était tout ce qu'explique M. Martel relativement au langage codé du "catéchisme de l'amour". Il est vrai que l'Église ne parlait jamais d'amour avant Vatican II, elle parlait de Charité (caritas, agapé). le mot très "malaisant" d'amour dans la bouche des curés post-conciliaires, mis à toute les sauces, et rabâché constamment, m'était seulement apparu, pendant cinquante ans, comme une ridicule adaptation de l'Église, via son aggiornamento, au vocabulaire des hippies californiens, ce que semblaient confirmer le statut de Jésus Christ superstar (opéra rock très Vatican II) – sottise dont Jean Yanne s'amusait au cinéma – et l'encouragement par Paul VI du courant soi-disant charismatique qui est en fait du pentecôtisme californien (ce que Jean Raspail, dans ses articles du Figaro, appelait la "religion vaudoue"). le mot "charismatique" dans ce sens était d'ailleurs une invention de Paul VI en personne.

Sans doute, il y avait du vrai dans ce que je croyais savoir. Cependant, mes observations restaient très superficielles. le livre de M. Martel brise les tabous et dévoile le fond de l'affaire. On apprend ainsi que Paul VI entretenait une correspondance avec deux théologiens homosexuels français, Jean Guitton et Jacques Maritain, usant de langage codé pour évoquer "l'amour-amitié entre hommes". Naturellement, avec cet "amour"-là, nous ne sommes plus DU TOUT dans le registre de la Caritas! Or, c'est au cours de tels échanges, nous explique M. Martel, qu'on fait allusion à Pierre et Jésus comme à un couple tout ce qu'il y a de physique. le livre m'a tellement ouvert les yeux que j'ai interprété de façon totalement neuve, dernièrement, la diffusion d'un documentaire absolument lamentable de Bern – comme tous les documentaires de Bern à mon goût, mais celui-ci était particulièrement gratiné – où Marie-Madeleine est présentée comme étant jalouse du lien qui unit Jésus à Pierre! Ai-je surinterprété? Eh bien, si je m'en tiens aux révélations de M. Martel, je ne le crois pas. Autrement dit, pour moi, il y aura eu un avant et un après la lecture de Sodoma, ce que je peux dire de bien peu de livres.

En somme, le livre de M. Martel m'a donné à réviser une foule de notions et d'objets que je connaissais superficiellement: les dédicaces à saint Pierre dans les lieux de débauche de Jean Cocteau, l'étrange catéchisme Pierres Vivantes des évêques de France publié au début du premier septennat de Mitterrand, puis rejeté par le Vatican lui-même pour impudicité. Bref, je conçois désormais les choses sous un autre angle absolument. En épilogue de cette critique, un paradoxe. Peu de temps avant ce livre, j'avais lu les mémoires de Henri Guillemin dont la malhonnêteté intellectuelle est proverbiale. C'était une époque où la gauche bourgeoise, dont il était un pilier de bien-pensance malgré ses protestations d'esprit révolutionnaire (prononcées du fond de sa villa suisse), était volontiers homophobe, comme on dit aujourd'hui. Approuvant, on s'en doute, Vatican II, Guillemin ironise implicitement contre les résistants à ce bouleversement et lâche un de ces sarcasmes venimeux et gratuits qui étaient sa marque de fabrique contre deux catholiques notoirement homosexuels, Julien Green et Jacques Maritain, supposés se plaindre que le nihilisme de Vatican II fasse table rase de l'essentiel. Or la lecture de Sodoma prouve que l'ironie n'est certainement pas dans le camp de Guillemin, et que c'est plutôt ce dernier qu'on serait en droit d'accabler de ses sarcasmes!

Ce livre m'a indigné. Il ne m'a pas indigné à cause de sa démarche que je trouve au contraire salutaire. Il ne m'a pas indigné parce que je serais homophobe. L'homosexualité ne m'a jamais posé de problème. Non, ce qui est indigne et révoltant n'est absolument pas à ce niveau. Comme pour M. Christian Combaz qui, lui non plus n'a aucune raison d'être homophobe – Combaz, dont j'écoutais récemment une émission intéressante, le scandale est pour moi celui de l'imposture. de l'immense, de la colossale imposture de Paul VI et de Vatican II: voilà l'infamie.
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