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Ce livre est écrit comme on pousse un cri d'exaspération, comme on tire une balle de fusil ou la chasse d'eau, comme on recouvre un cercueil d'une pelletée de terre. En y repensant pas trop à deux fois. le pitch ? Adolphe est un nabot hideux issu d'un père collabo et d'une mère juive exterminée par les nazis ; il travaille aux pompes funèbres près du cimetière du Montparnasse et se fait baiser sans ménagement par la concierge qui le submerge quotidiennement de ses 120 kilos. Vous voyez le tableau ? L'esprit de ce récit est bien résumé page 25 : « A vrai dire, je ne désirais pas grand-chose. Ma règle de conduite était simple : vivre le moins possible pour souffrir le moins possible. Pas très exaltant, peut-être, comme précepte, mais terriblement efficace ». C'est un texte obscène et burlesque, beau comme un cauchemar. On y trouve l'humanité de Gary, le désenchantement de Cioran, la cruauté de Céline et l'ironie morbide des penseurs russes qu'on résumera à ce proverbe : « malheureux ceux qui ont passé l'hiver, il y a l'hiver prochain ». Je vous le recommande, c'est idéal pour un dimanche ensoleillé, ensuqué par la bienveillance et les bons sentiments. Ce chef d'oeuvre d'humour noir m'a été recommandé par la librairie ICI que je remercie chaleureusement. Une belle découverte qui donne envie de lire « Jérôme » du même auteur. Alors oui ce livre n'est pas long, mais c'est un concentré de jubilation. Quitte à écrire un petit livre, autant que ça vous pète à la gueule (nous en reparlerons bientôt… car il y a beaucoup à dire sur le sujet).
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Le narrateur de ce court récit (50 pages) m'a rappelé ce jugement de Jean d'Ormesson sur Montaigne :   « il trouve l'homme misérable et petit, et il s'en amuse. »
● Petit, Adolphe l'est, 1,38m, sous la toise. « Pauvre et calamiteux animal », cet avorton semble avoir servi de modèle à Vélasquez pour la série de portraits qu'il a consacrés aux nabots . Il est une espèce d'hybride entre Sebastian de Morra, le bouffon, et Péral, le nain le plus célèbre du cinéma.
● Sa voisine, Madame C, concierge de son état, en est la parfaite antithèse. 2 mètres, 180 kg. Un personnage rabelaisien, revisité par un San Antonio qui voudrait donner une « hénaurme » compagne à Bérurier et dont Botero aurait fait le portrait. Sûr et certain que Sully aurait été fasciné par ses grosses mamelles !
● Cette antithèse, Martinet va s'en amuser et le burlesque jaillir. La scène où Madame C. va, pour assouvir ses pulsions sexuelles et meubler sa solitude, se servir d'Adolphe comme d'un sex toy, l'enfouissant en elle, est d'un comique achevé.
● Tout n'est pourtant pas rose dans leur quotidien, rue Froidevaux, la bien nommée, métaphore de la misère et de la déchéance humaine. C'est glauque à souhait, et J.P. Martinet met sans cesse l'accent sur les notions d'étouffement et d'enfermement, d'ennui et de solitude. Elle, dans sa minuscule loge sans wc, lui, dans un immeuble qui menace ruine «  avec vue imprenable sur les tombes » du cimetière voisin près duquel il travaille et que son patron humilie sans cesse. La rue Froidevaux est sa prison, les morts ses seuls amis...et dès qu'il en sort c'est pour tomber dans les bras de la pachydermique concierge qui en fait son esclave sexuel et n'est « pas prête à lâcher sa proie ». Telle est sa misérable condition avec comme seule règle de conduite : « vivre le moins possible pour souffrir le moins possible ». On se croirait presque chez Cioran.
● Presque, en effet, dans le fond, mais si loin pourtant dans la forme. Si ses personnages essaient de survivre dans un environnement inhospitalier et désolant, il n'y a aucun abandon au pathos chez Martinet, rien de désespérant, aucun drame, « on n'est pas heureux, mais on se marre bien ». Et c'est cela qui fait la force et l'originalité de son récit. Son art lui permet de transcender le réel, de prendre ses distances avec l'amère réalité par l'humour et l'ironie, sans cesse présents, et cela, dès le titre : la Grande Vie. Vous avez pu juger de sa grandeur dans les lignes qui précèdent ! Je vous engage à ne pas manquer le récit que le narrateur fait de la séance de cinéma porno à laquelle il assiste en compagnie de Madame C. Elle mériterait de figurer dans une anthologie de l'humour, pas du tout noir, rassurez-vous !
● Je ne vais pas vous en dire plus. Simplement que notre petit homme, brisé par l'existence, va se révolter. Tel le Django de Tarantino , il va briser ses chaînes et «éprouver un sentiment de puissance qu{'il] n' avai{t} jamais connu auparavant ».
● Penserez-vous, à la fin de votre lecture, que ce petit homme misérable crée par celui qui a vécu tout près des terres de Montaigne « porte en lui la forme entière de l'humaine condition » ? A vous de voir.


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La lecture de Martinet m'a été suggérée par une lectrice de la famille, lectrice que je remercie ici. J'accueille évidemment les suggestions avec bonheur même si, à cet égard, il peut m'arriver d'entretenir une attitude proche de celle qu'énonce Denis Lavant en préface de la grande vie : « Car si j'aime toujours recevoir un ouvrage inconnu, je rechigne parfois à être orienté trop ouvertement dans le choix de mes lectures. Préférant par habitude m'en remettre au hasard ou au seul ricochet poétique qui fait qu'un ouvrage en répercute d'autres et ainsi de suite comme une chambre d'écho ou un jeu de miroir, à l'infini… ».

J'avais été avisé, Martinet a une plume magnifique, mais une plume noire, une plume qui chamboule, une plume qui tourmente. Dans cette grande nouvelle, Adolphe, employé des pompes funèbres, un nain à la vie misérable, à la sexualité qui l'est tout autant, au passé familial trouble, fantasme sur les visiteuses du cimetière qu'il observe depuis son appartement. Il subit les avances de l'énorme Madame C., concierge à la sexualité insatiable qui le domine. C'est cet univers glauque que Martinet évoque en nous transposant dans la tête du narrateur, cet Adolphe qui peine à se relever et qui chemine sa vie à la limite du burlesque.

Voilà une étonnante lecture et je me promets bien d'explorer davantage l'oeuvre qui m'apparaît noire et pessimiste de Martinet.
Lien : https://rivesderives.blogspo..
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Le héros de ce petit livre, Adolphe Marlaud est un nabot, un avorton tel qu'il se définit lui-même, presque flatté qu'on le compare à un cafard : 1,40 m pour 38 kilos… Il intéresse cependant beaucoup ses deux voisines, il est vrai peu ragoûtantes, qui l'utilisent comme sex toy. Il est orphelin de père et de mère, le premier étant un fonctionnaire modèle ayant participé à la rafle du Vel d'Hiv' et la seconde d'origine juive morte en camps de concentration. Il travaille dans un magasin d'articles funéraires. A part ça, sa vie est pleine d'ennui et de tristesse. Son seul but dans la vie est de tuer les chats qui s'aventurent sur la tombe de son regretté papa. Bienvenue chez Martinet, bienvenue dans la rue Froidevaux, la plus laide de « Paris »…

Dans ce texte court, on retrouve beaucoup d'éléments présents dans l'ensemble de l'oeuvre de Martinet
La suite sur mon blog : http://lepandemoniumlitteraire.blogspot.com/2011/04/la-grande-vie-de-jean-pierre-martinet.html
Lien : http://lepandemoniumlitterai..
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Trop court, trop petit, pas seulement Adolphe Marlaud, mais cette nouvelle de Martinet. J'aurais bien aimé que le plaisir de lecture ne s'arrête pas là, mais dure plus longtemps. Peut-être qu'Adolphe, lui, ne serait pas d'accord avec cette idée de prolonger l'existence encore plus, la vie, c'est déjà assez long comme ça. Il le dit : « Vivre le moins possible pour souffrir le moins possible.» Telle est sa devise. Adolphe vit dans sa cellule, un minuscule appartement donnant sur un cimetière. Il aimerait devenir invisible, comme un fantôme. Il y arrive presque, avec ses 1,40 m (souliers à talon compris) et ses 38 kilos. Il est tellement petit qu'il sert de sex toy à la concierge de l'immeuble, madame C. Comme l'homme canon au cirque qu'il dit, on ne peut s'enlever cette image de la tête. le petit Adolphe projeté hors de madame C. On peut l'imaginer avec les lunettes, le casque d'aviateur et l'écharpe qui frétille sous le coup de projection.

C'est drôle et triste à la fois. La souffrance massive percute le pauvre Adolphe tout en finesse, presque en douceur. Martinet décrit avec subtilité les désillusions de la vie. La douleur se vit au quotidien, il n'est pas nécessaire d'en faire tout un plat. Il me semble que l'on puisse résumer la situation des personnages de - cette grande vie - par le passage suivant : « Je parle de drame, mais ce n'est pas le mot qui convient. Il n'y a pas de drame, chez nous, messieurs, ni de tragédie, il n'y a que du burlesque et de l'obscénité. On n'est pas heureux, mais on se marre bien.»
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Une très court écrit, plutôt une nouvelle, se lit en une demie heure mais c'est fort percutant. Jean Pierre Martinet ne devait pas être un joyeux drille et son écriture est comme une bile amère et puante qui sort de lui dans un jet violent et sans artifice. L'histoire est celle de deux personnages sortis d'un film de Fellini, ayant une relation bizarre et des ébats sexuels plutôt particuliers... Il y a de l'humour très noir et beaucoup de désespoir dans ce texte. Ce préambule m'a donné envie de lire son chef d'oeuvre :"Jérôme" paru en 1978. A suivre.
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Une petite nouvelle qui met en scène un personnage nommé Adolphe, de père colabo et de mère juive.
A la première personne, il nous raconte sa vie minable qu'il passe entre son immeuble situé à rue Froideveau et le magasin de pompe funèbre où il travaille, sa relation particulière avec la concierge, sa relation avec la société et, ses penchants pervers,

Je vous le conseille vraiment. Ce livre est rempli d'humour (noir), de descriptions hors du commun et il permet de voir la vie sous un autre angle.
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Jean-Pierre Martinet a tout pour émouvoir: un visage poupin et doux, un parcours brisé, une plume unique.
Avec cette nouvelle parue dans la revue Subjectif en 1979, intitulée "La grande vie", il nous rappelle qu'il y des hommes méprisés pour leur servilité qui font tout pour ne pas exister.
C'est déprimant mais pas seulement car on se croirait dans un film de Fellini avec une femme aux seins énormes, qui mesure deux mètres de haut et qui fait l'amour en engloutissant l'homme en entier.
Cette dévoreuse c'est Madame C. qui est concierge au 47 rue Froidevaux à Paris, face au cimetière Montparnasse. Elle a mis la main (enfin façon de parler) sur un de ses locataires, Adolphe, qui travaille à mi-temps dans un magasin d'articles funéraires.
Mais cette relation hors norme va les mener à la folie. Ou peut-être est-ce le contraire ?
C'est comme si Martinet nous disait que cette folie c'est le monde dans lequel on vit. Cette histoire est particulièrement sordide mais ne peux pas rester de marbre (funéraire).


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L'ironie très noire d'une vie qui s'écoule en flaque sordide, entre cimetière Montparnasse et rue Froidevaux.

Sur mon blog : http://charybde2.wordpress.com/2016/05/04/note-de-lecture-la-grande-vie-jean-pierre-martinet/

Lien : http://charybde2.wordpress.c..
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Verlaine aurait pu dire de lui que c'était un écrivain maudit
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