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Critique de colka


colka
23 novembre 2017
J'ai plongé en apnée dans le Coeur cousu. Sous le charme du talent de conteuse de Carole Martinez. Et j'ai mis mes pas dans ceux de Frasquita , l'héroïne principale de ce roman. A l'écoute de la voix de la narratrice, Soledad, sa dernière fille qui va reprendre le récit que lui a fait sa soeur ainée Anita. Une lignée de femmes, maudite.
Je me suis laissé emporter par ce récit polyphonique où conte et réalité sont intimement liés tout comme le sont tout au long du récit la vie et la mort.
C'est dans une Espagne du Sud pleine de superstitions et de rites religieux, où la pauvreté le dispute à l'ignorance et à la violence que prend naissance l'histoire de Frasquita et sa descendance.
Frasquita, "l'ensorceleuse" qui hérite, comme toutes les femmes de sa famille, d'une toute petite boîte à couture dont on devine très vite le fort potentiel symbolique.
Frasquita, aux doigts d'or, tisse, brode et coud des habits de lumière.
Frasquita, la faiseuse de miracles, coud et recoud aussi ceux qui -hommes ou animaux- sont victimes de la violence des humains.
Mais Frasquita la maudite, traîne la mort derrière elle et voit disparaître ou mourir ceux et celles qu'elle a approchés de trop près.
Alors elle fuit, devient la femme aux semelles de vent qui traîne sa marmaille derrière elle dans une épopée donquichottesque qui va l'emmener loin, très loin derrière la mer...
J'ai aimé ce mariage étrange du merveilleux le plus débridé et du réalisme le plus sombre qui fait qu'à un moment tout bascule et que l'on plonge du paradis en enfer. La scène du mariage de Frasquita, par exemple, commence dans une sorte d'éblouissement collectif pour s'achever dans un simulacre de viol.
C'est aussi le grand souffle épique qui balaie certaines scènes qui m'a plu car comment mieux rendre compte de cette thématique de la liberté qui parcourt tout le roman : celle à laquelle aspire des masses paysannes brutalisées par une soldatesque impitoyable ; celle à laquelle aspire Frasquita qui va se rendre compte qu'elle a le droit et le pouvoir de transgresser ce que la tradition lui a transmis .
Ce qui m'a aussi frappé dans ce roman c'est la place et l'importance de la transgression, celle du désir qui balaie tout devant lui, coupe les liens avec la communauté et pousse les êtres soit vers la fuite pour Frasquita soit vers la mort comme on le voit avec Eugenio, l'ogre qui aime trop les petits enfants.
C'est bien sûr l'ombre de la tragédie antique qui plane sur tout le roman avec heureusement des plages d'un lyrisme incantatoire à couper le souffle comme celui ou la narratrice retrace dans un magnifique passage comment est né le long poème d'Anita et comment l'histoire de sa famille a pris naissance au coeur des mots. Pouvoir magique de la voix et des mots : sans doute une des clés de ce livre que j'ai posé à regret...
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