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Critique de LAP2015


Avec son livre le coeur cousu, Carole Martinez nous fait découvrir un univers merveilleux et captivant. de son écriture singulière, elle nous entraîne à travers des lignes poétiques et envoûtantes de l'histoire d'une famille… pas vraiment comme les autres.
Soledad, dernière de la fratrie et condamnée à une éternelle solitude, décide un jour de se vouer à l'écriture et de coucher sur le papier cette histoire incroyable, histoire issue des souvenirs contés tous les soirs devant le feu par l'aînée, Anita.
L'ouvrage est divisé en trois « livres ».
Ainsi, dès le premier, on s'immerge dans la vie de Frasquita, la mère - qui se révèle être le personnage principal -, habitant un modeste village de l'ancienne Espagne. On en arrive à découvrir l'existence d'un héritage, mystérieux pouvoir prenant source d'un lien entre les mortes et les vivantes, qui se transmet de mère en fille : Quelques formules magiques à user plus ou moins avec précaution, et surtout un coffret énigmatique délivrant un don particulier à chaque nouvelle initiée.
Frasquita, elle, se voit offrir une boite à couture. Elle coud, brode, de ses fils de toutes les couleurs, assemble les tissus les plus banals pour les transformer de son aiguille habile en vêtements sublimes, éblouissants, desquels il se dégage un charme surnaturel. Elle en vient même à recoudre la chair elle-même, avec un talent incroyable. Mais tous ces exploits ne tardent pas à se transformer en bizarreries dans l'esprit des villageois qui, outrés et jaloux, lui donnent une réputation de sorcière. La jeune femme se marie à un homme qui la traite avec une indifférence totale. On assiste au fil des pages à la naissance de ses filles et de son fils, aussi pourvus de dons, ainsi qu'à la folie qui prend peu à peu possession de son époux. Celui-ci finit par la jouer à un combat de coq… Et la perd.
Frasquita décide alors de partir, elle s‘exile avec ses enfants, les seuls qui comptent à ses yeux : Anita la muette, Angela à la voix céleste, Pedro el Rojo aux dessins magiques, Martirio qui est liée à la mort, et Clara la solaire. Commence alors le deuxième livre. On s'embarque avec elle dans son voyage pour la délivrance, qui la mène au coeur d'une révolution menée par des anarchistes. Elle tombe amoureuse de leur chef, dont elle recoud le visage. Mais la Mort elle-même vient s'en mêler et la prive de ce nouvel espoir en le tuant. La folie et le désespoir s'emparent d'elle et la voilà repartie, ses enfants sur les talons, livrés à eux-mêmes. Ils marchent, marchent, sans jamais s'arrêter, en ligne droite…
Le troisième livre débute à la naissance de Soledad, la dernière, celle dont on ne sait pas qui est le père, celle qui se retrouve privée de l'intérêt de sa mère. Celle qui naît dans la solitude et la poussière. La marche s'interrompt et Frasquita reprend alors son métier de couturière, libre pour la première fois d'en faire son succès. Mais la Mort revient pour la détruire, et finit par l'emporter. La suite de l'histoire raconte le sort des enfants, qui se retrouvent sans celle qui les a guidés. Anita et Martirio qui trouvent l'amour, Clara aux trois mariages, Angela au triste sort et Pedro devenu parricide…
J'ai adoré ce livre aux mille facettes, construit à travers la métaphore même de la couture. Les mots et les phrases sont brodées ensembles avec le même talent dont fait preuve Frasquita avec ses tissus, comme une très longue poésie.
J'ai aimé la facilité avec laquelle la magie s'insérait à la vie, avec un naturel déroutant.
J'ai aimé les personnages, Frasquita la passionnée à la soif de liberté, Martirio aux baisers mortels, Clara avec sa simplicité et sa beauté solaire, Anita à la langue enchantée et Angela à la voix d'ange malgré un physique ingrat et un destin tragique. Et surtout, j'ai aimé leurs liens si forts et indescriptibles, qui leur a permis de marcher sans s'arrêter.
Cependant, j'ai moins aimé la façon dont Frasquita est morte : même s'il s'agit d'une mort « poétique », j'aurais aimé qu'elle meure dans le bonheur qu'elle a tant recherché…
Cette histoire principalement féministe aborde de nombreux thèmes : la révolte de la femme pour la liberté, les incohérences dans la société, mais aussi la guerre et la violence, notamment la guérilla en Espagne, ainsi que sur la folie du jeu, sur la pédophilie, sur l'exil, et surtout sur l'amour, l'amour de la famille, la passion amoureuse…
C'est un roman merveilleux qui entraîne le lecteur dans le tourbillon poétique de l'évolution de l'héroïne et de sa famille, et qui ne le laisse définitivement pas indemne.

"Le fil. La broderie. Des enfants comme des perles taillées dans sa chair, des sourires brodés et tant de couleurs sur les tissus pour exprimer sa joie ou sa douleur. Toutes ces couleurs !"
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