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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Un grand grand merci à Babelio et aux éditions Métailié pour ce livre reçu dans le cadre de la Masse Critique non fiction. Un livre qui m'a impressionnée, son récit, son auteur, les questions posées....
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Avant de parler du livre, une petite série de chiffres :
France : 1,2 homicides pour 100 000 habitants
Etats-Unis : 5 homicides pour 100 000 habitants
Salvador : 107 homicides pour 100 000 habitants.
Vertigineux !
Il faut prendre acte de ces données pour comprendre le récit qui est fait par Oscar Martinez, journaliste qui s'interroge sur son métier, ses limites et la violence qui l'entoure.
Il cherche à comprendre son métier. Ses questions sont néanmoins à entrecroiser avec la physionomie de son pays, le pays le plus violent au monde. Et sa principale question concerne ses sources : celles et ceux qui vont oser dire. Quand s'arrêter ? Quand écrire ? Quel risque ? Pour eux qui dénoncent... Mais dénoncer peut être synonyme de trahir dans ce pays ultra violent gangréné par des gangs ultra violents... Et trahir est synonyme de mort (pas rapide en plus).
Je suis restée sidérée à la lecture de ce récit. du début à la fin. J'ai souvent lu des extraits à mon mari.
Les questions que l'auteur se pose sont pertinentes, encore plus dans son pays. Son récit va être celui d'un massacre organisé par la police. 1 témoin. Qui va en mourir. Entraînant avec lui 2 innocents qui vont également en payer le prix. Avec ce récit il entrecroise d'autres histoires : celles des migrants fuyant l'Amérique centrale et sa violence dans l'espoir de trouver une vie meilleure plus au Nord, celle d'une mère qui a vu mourir son fils suppliant tué par la police (fils qui a eu le malheur d'être au mauvais endroit au mauvais moment) et le procès qui va s'en suivre, celle de la mainmise des gangs sur la vie quotidienne ou comment des gamins de 15 ans font la loi à toute la population salvadorienne....

L'auteur se questionne : ses relations avec ses sources (parfois victimes, parfois coupables), les conséquences des témoignages, leur compréhension de celles-ci.
Oscar Martinez est courageux et honnête. Il ne fait pas de lui un preux chevalier blanc, il s'interroge, hésite, se raconte dans des scènes pas glorieuses pour lui montrant les limites de ce qu'il peut faire.... C'est ce qui fait toute la richesse du livre.
Mais finalement quelle triste destinée pour les habitants du Salvador....
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Un livre bouleversant, glaçant, qui fait oeuvre utile.
Un livre que je vous conseille vivement, que je n'ai pas pu lâcher une fois commencé. Un livre marquant et qui m'a donné envie de m'intéresser au Salvador, ce petit pays ravagé....
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On ne sort pas indemne de ce livre. La pensée qui me vient à l'esprit, qui ne me quitte pas est : « la vie n'est pas égale, selon le pays où l'on naît, selon que l'on naît riche ou pauvre et dans quel contexte on grandit. » Surtout au Salvador, pays considéré comme un des plus violents de la planète.

Depuis la dernière page fermée, je n'arrive plus à me plonger dans un autre livre. Cela fait déjà une quinzaine de jours. Peut-être donner mon avis, va-t-il me libérer ?

C'est un livre dur, difficile à digérer. L'écriture d'Oscar MARTINEZ ne vous en laisse pas le choix. Vous avancez à un rythme fou, ingérez la folie meurtrière des hommes à chaque page. Vous vous questionnez. Comment rendre compte ? Oscar MARTINEZ ne lâche rien, va à la rencontre des hommes, des sources. Il sait qu'à chaque moment il met sa vie en danger. Mais comment rendre compte si vous n'entendez pas les différentes versions aussi bien des Pandillas, de la population misérable qui subit les exactions de la police alors qu'ils n'ont rien fait, qui paient de leur vie la folie des policiers qui tirent sur qui bon leur semble, sans sommité, sans savoir s'il y a des coupables ou pas, uniquement pour tuer parce que tout simplement vous être trop pauvre ? Il explique également, que les policiers sont tout aussi pauvres que ceux qu'ils tuent. Que le pays est corrompu du plus bas de l'échelle à l'échelon le plus haut.

« La pandilla ne t'offre pas un salaire, elle t'offre une position différente dans ce monde. C'est ce qui est arrivé dans les années 1980 à José Antonio Terán, qui cherchait à ne plus être le gamin ayant fui une cruelle guerre civile, qui souhaitait travailler bien que sans-papiers, mais qui pour finir a voulu être El Veneno de Fulton (et l'a été), un redoutable pandillero. Quand quelqu'un ne peut aspirer selon certaines règles qu'à n'être rien, il cherche à être quelqu'un selon d'autre règles.
Etre quelqu'un est dans la nature humaine.
Etre quelqu'un n'est jamais être rien.
La vie c'est la recherche d'un sens, et le monde est fait pour que beaucoup d'individus ne le trouvent pas. »


Comment trouver et dire la vérité avec le plus d'honnêteté possible ? C'est ce qu'explique à chaque page Oscar MARTINEZ. Sa vision du journalisme. Si vous n'allez pas à la source, alors vous ne dites pas la vérité. Vous vous ferez votre opinion selon ce que l'on vous aura dit mais pas ce que vous aurez VOUS entendu de vos propres oreilles, vous n'aurez pas le contexte, vous ne « sentirez pas » l'ambiance, vous ne cernerez pas l'individu que vous interrogez. Ce ne sera pas honnête.

« « le plus beau métier du monde » disait García Márquez (en parlant du métier de journaliste). «Foutaises », pourrais-je lui répondre avec la plus grande admiration.

Le plus beau métier du monde, c'est sûrement autre chose : un ébéniste renommé, un cuisinier célèbre, un mécanicien qui passe à la télé, un jongleur de réputation mondiale, un acteur porno bien dans sa peau, un auteur de guides touristiques, un boxeur sans commotions cérébrales, un goûteur de marihuana. Je crois que journaliste, ce n'est pas le plus beau métier du monde. C'est juste un slogan. Ne le répétez pas, remettez-le en cause.

Je préfère ce qu'en a dit Guillermoprieto, que c'est un métier qui te donne un immense privilège et une énorme responsabilité : être témoin du monde au premier rang. Même si parfois, presque toujours, le spectacle est funeste. Ca, c'est moi qui le dis. »


« A tous les naïfs qui portent encore aux nues l'objectivité journalistique, je dis cela : Rudi était – est ce que j'ai choisi. Je n'ai jamais rien inventé sur lui, mais j'ai tout choisi : quoi lui demander, ce qui le rendait intéressant, quels mots retenir dans ce qu'il m'a dit, à quel moment écrire sur lui. Quand Rudi était une histoire, quand Rudi était une chaussure.
Vous vous souvenez de cette foutue honnêteté ? Eh bien j'ai passé des mois sans rien promettre à Rudi, même pas que je raconterais son histoire. J'ai passé des mois sans accord établi : je veux seulement entendre tes réponses, je ne sais pas encore pourquoi. »

Bon j'arrête là les citations sinon le livre y passerait.

L'écriture d'Oscar MARTINEZ est tendue, sporadique. Il écrit, écrit, de façon non linéaire, fait des circonvolutions, tout en suivant le fil d'ariane : Rudi et son contexte, dans son entièreté. Et lui, Oscar MARTINEZ, comment va-t-il ? Comment fait-il pour continuer à rendre compte, quoi qu'il en coûte ?

« Il y a des morts. Point » sont les derniers mots du livre.

Je remercie vivement les Editions Métallié et Babelio de m'avoir permis de découvrir ce livre lors de la dernière masse critique.
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Le Salvador est l'un des pays les plus meurtriers au monde, celui qui depuis 2014 détient le triste record du taux d'homicides le plus élevé de la planète. Óscar Martínez y est journaliste d'investigation. Il travaille pour El Faro, au sein d'un service spécialisé dans la violence, les thématiques migratoires, et le crime organisé.
"Les morts et le journaliste" est cimenté par deux fils rouges dont l'un est le coeur de son travail, et consiste à tenter de comprendre comment se créent les sociétés monstrueusement violentes. L'autre est une réflexion sur la déontologie journalistique. Il tisse son récit en partant de l'assassinat de trois de ses sources, les reliant à la pratique de son métier, et aux leçons qu'il a tirées de sa proximité, dix ans durant, avec l'extrême violence de son pays.

L'une de ces affaires débute avec un épisode sanglant mais devenu quasi banal dans ce pays gangréné par les gangs et la corruption : des policiers abattent, dans l'église du village de Santa Teresa, au cours de ce qu'ils qualifient d'affrontement, un groupe de pandilleros. Sauf que dans cet endroit du monde, quand la police dit affrontement, beaucoup comprennent qu'il faut entendre "massacre", et que l'une des victimes n'était pas un pandillero. Des témoins présents sur les lieux acceptent de parler au journaliste : les défunts n'étaient pas armés, mais les représentants des forces de l'ordre ont maquillé la scène du crime pour le faire croire.

La publication de l'article conséquent mène au procès de huit des policiers impliqués. La sentence sera clémente. Un des témoins sera assassiné.

On comprend à lire son récit que la violence, inhérente à la misère qui pousse des jeunes parfois à peine adolescents à intégrer les gangs, est dorénavant indissociable d'un cercle vicieux alimenté par la vengeance et par une politique de représailles qui fait du gouvernement lui-même un meurtrier, rendant des comptes à la population terrorisée à coups de cadavres.

L'évocation des enquêtes qu'il a menées autour de ces affaires de massacres perpétrés par des policiers au nom d'une propagande gouvernementale qui encourage la barbarie, révèle le très haut niveau d'exigence qu'il s'impose. Pour le journaliste qu'est Óscar Martínez, il ne s'agit pas d'être au bon endroit au bon moment, et surtout pas de se contenter des versions officielles. Il s'agit, pour comprendre et expliquer ces mécaniques sociétales, de douter, de questionner, en s'efforçant d'adopter une vision globale du monde. Il ne s'agit pas de donner ou de ne pas donner la parole, mais de raconter des histoires les plus vérifiées possibles et de trouver pour cela toutes les voies nécessaires, y compris en interrogeant ceux dont on ne partage ni les valeurs ni la morale.

"Être honnête c'est surtout être brutal. Si l'honnêteté ne bouleverse pas le journaliste qui la propose, ce n'est pas de l'honnêteté."

Très sévère, voire méprisant, à l'encontre d'une profession gangrenée par le sensationnalisme, la simplification et la déformation, il admet en même temps la possibilité de la grandeur de son métier, susceptible non pas de changer les choses, mais de renverser la perspective de certains récits, voire d'exercer parfois une influence. Il cite entre autres Hersch, journaliste américain spécialisé dans les affaires militaires et les services secrets : "tu ne peux pas obliger les dirigeants politiques à ce qu'ils fassent les choses correctement mais tu peux faire en sorte qu'il soit très compliqué pour eux de faire les choses incorrectement."

Cette exigence implique un investissement dont les conséquences sont parfois lourdes : le poids de la tristesse et de l'impuissance face aux victimes d'une violence inique et a priori inéluctable ; le doute et la culpabilité qui dévorent, après avoir fait le choix de publier certains témoignages malgré les risques encourus et d'avoir ainsi mis ses sources en danger ; la honte quand on ne parvient plus, à force d'entendre la même histoire, à s'émouvoir d'un témoignage pourtant terrible. Sa propre vie a parfois même été menacée.

"Les morts et le journaliste" est un récit dur, désespérant, et rendu d'autant plus frappant par la forme qu'adopte Óscar Martínez, presque en roue libre, comme s'il nous donnait à lire le premier jet de son travail, nous livrant avec le fruit de sa réflexion les dédales qui y conduisent, les questions qu'il se pose sur ce qu'il est en train d'écrire… il nous a d'emblée prévenus, qu'il y aurait plus que questions que de réponses, et qu'il allait pendre des chemins de traverse, et j'ai aimé qu'il le fasse, car il crée ainsi une indéniable proximité avec le lecteur, et lui donne à lire un témoignage aussi profond que sincère. Et puis son texte, malgré son caractère parfois digressif (mais jamais hors sujet), est rigoureusement tenu par une mécanique implacable menant à une inéluctable issue elle aussi annoncée d'emblée : "A la fin, il y a des morts. Point."
Lien : https://bookin-ingannmic.blo..
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