Une mémoire infaillible

Lu dans le cadre du Jury du Prix des lecteurs du livre de poche 2018 catégorie Essais, j'ai traversé ce livre en spectateur.

D'un côté, l'intérêt suscité par l'accroche et les trucs faciles à retenir pour augmenter ses capacités de mémorisation (et donc, de restitution). Chouette !

De l'autre, des trucs qui s'avèrent rapidement moins simples qu'annoncés et qui nécessitent un entraînement méthodique et régulier, à l'image d'un sportif qui souhaiterait progresser. Ah... Dommage...

Cela paraît évident, mais mon envie de progresser en ce domaine s'arrête rapidement aux limites du temps que je suis prêt à y consacrer. D'où cette sensation de traverser un univers qui m'est rapidement devenu étranger, ce qui n'enlève rien à l'intérêt et au sérieux des techniques énoncées pour qui souhaiterait réveiller ses méninges !

Entrons dans ce vaste palais de courants d'air qu'est la mémoire. Pour Sébastien Martinez, l'auteur de ce livre, les questionnements et réflexions sur la capacité à mémoriser ont commencé en 2009. Ayant lui-même une mauvaise mémoire et une incapacité à apprendre par coeur, il découvre un ouvrage de Tony Buzan (psychologue anglais et aussi un des fondateurs des championnats de la mémoire) qui propose des stratégies de mémorisation. À la suite de ça, cinq ans plus tard, il se lance lui-même comme « athlète » de la mémoire.

On se souvient tous assez bien du fameux « Mais où est donc Ornicar ? », qui nous a permis de retenir, grâce à une phrase rigolote qui semble faire sens, des mots dont on ne sait peut-être même plus très bien ce qu'ils représentent (des conjonctions de coordination). C'est d'ailleurs pour moi le point faible de certaines méthodes : on retient l'aspect marquant, drôle ou faisant appel aux sens, mais on oublie parfois le reste. Les méthodes proposées par Sébastien Martinez sont celles-ci :

• Méthode du SEL (Sens, Enfance, Liens) : soit faire appel à la madeleine de Proust pour des éléments concrets, matériels.
Il s'agit d'inventer une histoire à partir des mots à retenir, une histoire qui convoque les cinq sens et qui relie les mots entre eux pour que, même s'ils n'aient rien à voir entre eux, ils forment un tout cohérent (ou non).

• Méthode du SAC (Sélection, Association, Connexion) : soit faire des associations libres pour retenir des choses plus abstraites ou conceptuelles.
Il s'agit de relier deux choses qui ont un lien entre elles (exemple : une ville à un pays), trouver des élément d'association qui peuvent évoquer chacun des deux éléments, et les faire interagir ensemble.

• Méthode des lieux : soit visualiser un endroit familier et attribuer à certains points clé de cet environnements des informations à retenir.

Les méthodes proposées font toutes appel à l'imagination et sont bien sûr à se réapproprier selon ce qui fait sens pour soi, les exemples donnés dans le livre ne sont donc pas forcément pertinents. Pour ma part, les petites histoires racontées sont autant d'éléments à mémoriser en plus de l'information de base, et j'ai fini par ne plus vraiment savoir ce que je me racontais à moi-même. Il semble assez évident qu'il faille d'abord s'exercer longuement à assimiler ces méthodes avant qu'elles deviennent réflexe, mais le temps de la lecture du livre ne vous fera pas devenir un pro de la mémorisation.

Personnellement, je n'ai pas été convaincue. Si les concaténations me semblent un élément assez ludique et efficace, les autres méthodes n'ont fait que m'embrouiller davantage. L'exercice semble amusant, mais pour le moment je le trouve laborieux. Il n'en reste pas moins que ça se base sur le bon sens : faire appel aux souvenirs pour ancrer du nouveau. Les synesthètes n'auront aucun mal à s'approprier ces méthodes, pour peu qu'ils ou elles en aient besoin, les autres devront prendre leur mal en patience.

Bref, ma mémoire reste tout à fait faillible pour l'instant.
Lien : http://lecombatoculaire.blog..

Ce livre donne quelques outils, au lecteur ensuite de se les approprier et à en faire bon usage. Il n'y a aucun miracle, et ces outils sont vieux comme le monde.
Se donner le mal de les utiliser, voilà tout le problème.
Je connais ces outils depuis mon enfance, pourtant je ne les utilise que très ponctuellement, et je n'en ai quasiment jamais parlé à mes enfants où à mes élèves. Pourquoi ? Je n'en sais rien. Peut-être ne sont-ils pas si miraculeux que ça.
Ils ne sont que des outils.
Dirait-on d'un marteau qu'il est miraculeux ? On en a tous un chez soi, et on l'exhume lorsqu'on en a besoin. Même si l'occasion rare, on est alors bien content de l'avoir, car difficile de le remplacer par quelque chose d'autre.
Les outils décrits dans ce livre, c'est un peu la même chose.