la saveur solitaire
de la rosée blanche
comment l’oublier ?
Dans ces beaux paysages de montagnes, de plaines, de mer et de rivages je contemple l’œuvre de la nature créatrice. Je suis les traces d'hommes libérés de toutes attaches, en quête de sentiments poétiques qu'ils éprouvent. Plus je suis loin de mon nid, moins j'ai besoin d'objet. Comme j'ai les mains vides, sur la route je n'ai rien à craindre. A l'aise, je marche à pied plutôt que d'emprunter un palanquin. Un repas frugal le soir est plus savoureux qu'un repas de viande. Aucune étape n'est obligée, le départ du matin sans heure fixée. Chaque jour je ne souhaite que deux choses : un bon gîte pour le soir et des sandales en paille convenant à mes pieds. Ce sont là des demandes modestes. D'heure en heure mon humeur change, de jour en jour mon sentiment se renouvelle. Si par hasard, je rencontre un homme au goût raffiné, ma joie est sans limite. D'un individu archaïque et borné que d'ordinaire je détesterais et fuirais, en des régions éloignées je fais un compagnon de route avec qui deviser. Si parmi les graterons je découvre une hutte, c'est comme si je ramassais du jade au milieu de débris et trouvais de l'or au milieu de la boue. Les choses dont je prends note j'aime les rapporter à autrui. C'est là un des agréments du voyage.
Le rossignol
dans le bosquet de jeunes bambous
chante son vieil âge
la saveur de solitude
de la rosée blanche
comment l'oublier ?
les montagnes et le jardin
aussi s'invitent
dans le salon d'été
dans la bruine
les roses trémières
éclairent le ciel
après l'ondée
les chrysanthèmes
imperceptiblement se redressent
année après année
le singe arbore
son masque de singe
En matière d'art il importe de suivre la nature créatrice, de faire des quatre saisons ses compagnes. Dans ce qu'on voit rien qui ne soit fleur, dans ce qu'on ressent rien qui ne soit lune. Quand dans les formes on ignore la fleur on est pareil à un barbare, quand dans le cœur on ne ressent pas la lune on est de la même espèce que la bête. Pour chasser le barbare, pour éloigner la bête, il faut retourner à la nature créatrice, s'accorder à la nature créatrice.
C'est le début du Mois sans dieu (le dixième mois), le ciel est incertain. Mon corps, comme une feuille dans le vent, est promis à un destin imprévisible.
à ce goutte à goutte de rosée
des souillures du monde flottant
puissé-je me laver