Anna n'a pas parlé de Berlusconi parce que je suis italien mais pour une raison bien précise. Quand je lai interviewée, elle venait de rentrer de Strasbourg où elle avait été invitée par les parlementaires européens pour parler de la question tchétchène. Au second semestre de 2003, I'Italie avait en charge la présidence de l'Union européenne et C'était donc au tour de Berlusconi d'assurer les fonctions de président. C'est à ce titre quil a déclaré : «La Tchétchénie est une invention des journalistes. » Et cest précisément à la suite de cette incroyable déclaration quun important groupe de parlementaires européens a demandé à Anna de s'exprimer afin quelle «raconte ses mensonges», pour reprendre ses propres mots. En d'autres termes, pour qu elle raconte en ce lieu prestigieux quelle était réellement la situation en Tchétchénie. La déclaration de Berlusconi était intolérable.
Anna Politkovskaïa laisse en héritage à quiconque exerce le métier de journaliste sa manière d'aborder la profession. Elle consiste en une perpétuelle remise en question qui empêche le journaliste de se reposer sur ses lauriers, l'oblige à se donner des coups de fouet pour ne jamais s'arrêter et pour chercher des informations destinées à démasquer les tigres de papier qui sont au pouvoir.
(Andrea Riscassi)
Ceux qui disent la vérité mènent une véritable guerre.
Non, je ne me tairai pas ! Les gens meurent ; tous les jours ils sont torturés par les soldats de ce satané pays, et nous, on devrait omettre les détails les plus scabreux ?
On est tombés aussi bas ?
p.119.
Le rédacteur en chef adjoint du journal est persuadé qu’ « on ne saura jamais qui a commis ces assassinats, parce que la première structure criminelle, c’est la police ». Il ne s’agit pas d’une question seulement politique, mais économique. Il s’agit de corruption.
p.116.
Du reste, même les deux meilleurs amies d’Anna ne lisaient pas ses articles : quoi de plus significatif ? L’une d’elles s’explique très bien : « J’avais compris qu’il se passait des choses terribles en Tchétchénie, mais peut-être par égoïsme ou parce que j’avais peur, je ne voulais pas savoir. »
p.116.
Mais les gens ont besoin d’être touchés personnellement par les faits, d’être atteints dans leurs sentiments, sinon ils détournent le regard.
p.100.
Comment pouvons-nous agir pour ne pas nous laisser décourager ? Pour ne pas répéter l’éternelle litanie : « il n’y a rien à faire » ? Pour ma part je crois que l’important est de rester informé et d’informer.
p.99.
Surtout, même si on réussit à identifier l’individu qui a appuyé sur la détente et celui qui lui a permis de s’échapper, je crains que nous ne sachions jamais qui a armé le bras du tueur et payé ses honoraires maculés de sang. Qui, ce dramatique 7 octobre 2006, tandis que les collègues et les amis d’Anna pleuraient son assassinat, a levé son verre de vodka à la mort de cette « emmerdeuse ». Du reste, nous savons bien qu’à 3h32 du matin des chacals se réjouissaient, alors que la terre engloutissait de nombreux habitants de l’Aquila et d’Onna³.
3. L’auteur fait référence au tremblement de terre de la province de l’Aquila (dans la région des Abruzzes, en Italie), survenu le 6 Avril 2009, à 3h32 du matin. Des écoutes téléphoniques ont révélé que, le jour même de la tragédie, deux entrepreneurs se réjouissaient de l’aubaine représentée par le séisme.
p.48.
Et l’irruption désastreuse des forces spéciales russes dans le théâtre n’a fait qu’aggraver la situation. Elles ont introduit un agent chimique inconnu dans le système de ventilation. Tout le monde a été empoisonné, les terroristes et les otages. Entre ceux qui ont été tués dans le théâtre et ceux qui sont morts à l’hôpital, plus de deux cents victimes. Sans compter les invalides permanents. Les terroristes qui n’ont pas été éliminés par le gaz ont été supprimés à coups d’armes à feu. Tous. Comme si on ne voulait pas de témoins. Pourquoi ?