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Citations sur Le Léopard des neiges (216)

Dans la limpidité de l'air himalayen, les montagnes se rapprochent, et cette splendeur me tire des larmes paisibles qui rafraichissent mes joues brûlées. Ce n'est pas de la sensiblerie, et l'altitude ne me rend pas gâteux. Mes idées se sont décantées au cours de ces semaines sans intrusions, courrier, téléphone, exigences des gens, et je réagis spontanément aux choses, sans écrans de défense ou de pudibonderie. Pourtant cette aptitude à "ressentir" est stupéfiante : je pouvais affirmer sans mentir, il n'y a pas si longtemps, qu'en vingt ans je n'avais pas pleuré une seule fois.
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Je longe le rebord du cañon et m'assieds contre un rocher. Au nord, un cône de glace se dresse dans le ciel et des champs de neige se déroulent vers les hauteurs de l'horizon et le bleu de plus en plus profond. A l'endroit où la Saure plonge dans son ravin, une effrayante muraille à pic serpente et se tord avec d'étranges combinaisons de neige et d'ombre. La vacuité et le silence de ces montagnes blanches provoquent rapidement les états de conscience analogues à ceux qui se produisent au moment de la méditation où le vide se fait dans l'esprit, et sans doute l'altitude y est-elle pour quelque chose, car mon regard perçoit le monde comme fixe ou fluctuant selon son gré. La terre frémit, les montagnes miroitent, comme si toutes les molécules se trouvent libérées : le ciel bleu résonne. C'est peut-être la musique des sphères que j'entends, ce que les hindouistes appellent le souffle du Créateur et les astrophysiciens le "soupir du soleil.
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Peter Matthiessen est mort en avril 2014, à 86 ans, et cela peut fournir un argument pour (re)découvrir son récit le plus populaire, qui obtint le prestigieux National Book award en 1978. Vous pouvez vous le procurer dans toute bonne bibliothèque, ou en librairie dans la collection "l'imaginaire" de Gallimard, toute trouvée pour ce récit de voyage dans le Népal, qui s'apparente davantage à un récit très personnel et parfois halluciné. Ma première lecture fut d'ailleurs une déconvenue, car j'attendais le Matthiessen naturaliste, non l'amateur de LSD et de voyages. Mais pour qui aime voyager dans un fauteuil, cela reste une presque fiction remarquable, d'un homme dont la vie fut tout aussi incroyable (éditeur de revue littéraire et agent de la CIA à Paris dans les années 50, P. Matthiessen devint moine bouddhiste dans les années 1990...).
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L'enfant n'observait pas : il était en paix au cœur de l'univers, chose parmi les choses, inconscient des commencements et des fins, encore à l'unisson de la création primordiale, se laissant traverser par tous les phénomènes, toute la lumière. L'extase, c'est l'identité avec tout ce qui existe...
Nous considérons bizarrement que l'instinct de conservation, la peur de la mort, doivent nous couper du bonheur de l'expérience pure, simple et non interprétée, dans laquelle l'esprit et la nature ne font qu'un. Et cette altération de notre optique, ce recul de homard dans quelque anfractuosité protectrice en lieu et place d'un libre vagabondage, cette notion instinctive et désespérée que notre existence s'écoule sans être vécue, se reflètent dans une prolifération sans joie, une pourriture par l'argent une pollution monstrueuse de la terre, de l'air et de l'eau dont nous sommes nés.
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Il fut un temps où je considérais les montagnes différemment, où je voyais en elles quelque chose de permanent. Même en les approchant avec déférence (les défier comme le font les alpinistes est une autre affaire), cette permanence m'effrayait; leur caractère irréfutablement minéral semblait intensifier la conscience que j'avais de ma nature éphémère. N'est-ce pas à cause de cette angoisse devant ce qui passe que nous nous concentrons sur les quelques fragments d'expérience brute de la vie moderne? Ne peut-elle pas expliquer pourquoi la violence est lubrique, pourquoi la concupiscence nous dévore, pourquoi les soldats choisissent de ne pas oublier leurs jours d'horreur? Nous nous cramponnons à ces moments extrêmes où nous croyons mourir pour renaître cependant. Dans l'abandon sexuel comme dans le danger, nous sommes confondus, si brièvement que ce soit, avec un présent vital où nous collons à la vie réelle, où nous sommes la vie, où le sentiment d'exister nous pénètre; dans une extase partagée avec un autre être, la solitude s'évanouit, l'éternité la remplace. Mais en ce temps-là une telle union pouvait être atteinte par la seule angoisse.
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Sous cette prime lumière, les ombres des rochers se découpent nettement sur la neige ; Dans la tension entre la lumière et l'ombre réside la puissance de l'univers. Cette immobilité à laquelle tout retourne est la réalité ; l'âme et la raison n'ont pas plus de signification ici qu'une rafale de neige.
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Nous continuons à grimper vers le ciel, et à chaque pas je me rassérène. Tout en marchant au rythme de mon gourdin frappant le sol, je laisse derrière moi le sentiment du tragique des choses; je commence à sourire, pénétré de la conscience de ma propre sottise, acceptant les échecs de ce voyage autant que ses émerveillements, acceptant tout ce que je pourrai rencontrer en route.
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Par sa manière de vivre dans l'instant, sans attaches, par la simplicité de son exemple quotidien, Tukten m'a prodigué bien des enseignements; il est le maître que j'espérais trouver : je me le répétais comme un sorte de plaisanterie, mais je me demande maintenant si ce n'est pas vrai. "Quand tu seras prêt, disent les bouddhistes, le maître apparaîtra." Il m'observait, il me souriait comme s'il m'attendait; si j'avais été prêt il aurait pu me conduire assez loin sur le chemin "pour voir le léopard des neiges".
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Très loin en contrebas, dans un jaillissement blanc, des pigeons des neiges se précipitent de la zone ensoleillée dans l'obscurité de la gorge.
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La Mayandi grossit et au-dessus du torrent bouillonnant et du grondement des pierres qu'il roule, un vol d'hirondelles suit l'eau grise vers le sud.
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