Citations sur La sagesse extravagante de Nasr Eddin (20)
Le sage aime la vie. Aucun goût pour le morbide et le macabre. Il va jusqu’au bout du temps que la Nature lui concède.
Un véritable sage ne peut transmettre sa connaissance que par sa manière de se comporter dans la vie quotidienne, pragmatique et opportune, juste dans la façon d’agir mais détachée des résultats de l’action. Beaucoup plus attentive aux autres finalement que celle qui veut faire leur bien ou, pis, le faire malgré eux.
S’il enseigne, c’est comme à son insu. Il donne l’exemple de mieux vivre sans exemplarité, sans cacher qui il est, ses bons côtés comme ses moins bons. Il ne dévoile aucune vérité transcendantale ou essentielle. Il ne délivre pas de message.
De tous les personnages qui s’agitent dans ces petites comédies humaines, il est celui qui a l’attitude la plus détestable, la plus exaspérante, celle de la mauvaise foi, qui lui fait tenir tête envers et contre tout, l’amène à mettre sa main au feu plutôt que de reconnaître son erreur. C’est que la mauvaise foi, cet art de soutenir l’insoutenable quand tout démontre le contraire, est la défense ultime, invincible, des vaincus par l’évidence. C’est le droit inaliénable pour un homme de refuser au vainqueur l’aveu de sa défaite...
L’idiot ne se connaît pas mais croit se connaître et tient pour idiote l’injonction du « Connais-toi toi-même ». Pour lui, le monde n’est pas douteux. Il distingue parfaitement et du premier coup d’œil le vrai du faux, le réel de l’irréel, le rêve de l’éveil. L’idiotie est donc bien une des formes que prend la bêtise, mais cette bêtise-là ne provient pas d’un manque d’intelligence. L’idiot n’est pas handicapé mental, il est seulement aveuglé par son égocentrisme, et c’est ainsi que beaucoup de gens « intelligents » peuvent être des idiots ou plutôt que chacun de nous peut proférer des idioties dès qu’il élève, sans esprit critique, au rang de vérité ce qui n’est qu’une expérience singulière.
Nourrir sa vie, c’est aussi en rire – tant et tant de récits en donnent la preuve –, rire du médiocre quotidien ou dans les situations difficiles pour ne pas sombrer, pour sauvegarder son identité, y compris et peut-être surtout rire de soi-même, de ses propres faiblesses, de ses propres échecs, et partager ce rire avec ses semblables, car le rire crée et renforce le lien social de façon lucide et constructive s’il n’est pas dirigé contre les autres.
Il faut vraiment être l’idiot des idiots pour demander à un idiot de faire la liste des idiots.
Nourrir sa vie. Prudence donc. Savoir où on met les pieds. Se protéger d’abord soi-même et, pour le pauvre, c’est avant tout sauvegarder son bien et sa situation, s’abstenir aussi des aventures inutilement risquées.
La sagesse étant chose sérieuse, trop sérieuse pour le sage sans doute, elle est administrée ici à petites doses et sous des formes plaisantes, plus faciles à ingurgiter certes, mais qui rendent aussi plus difficile la compréhension.
...la vanité, la prétention sont bien les manifestations d’un ego qui n’a pas renoncé à ses illusions d’unité et de toute-puissance.
On trouve ainsi, mine de rien, cachées dans la gangue de ces histoires apparemment anodines, des pépites de sagesse qui peuvent nous enrichir à rire reposé.
Le ridicule ne tue plus, on le sait, au contraire il peut entretenir la santé.