« Un grand cygne blanc glissa sans effort jusqu'à la fenêtre et jeta un regard jaloux au contenu de leurs assiettes .
Au delà du fleuve, les toits de tuile de la vieille ville se détachaient sur le bleu du ciel lotois.
Enzo était content de se retrouver à Cahors, loin du bruit et de la pollution de Paris .
Il respirait à nouveau .
Les collines boisées, la pureté de l’air, le son des cloches, tout ça lui avait manqué . .... »
– ... Bon Dieu, Macleod, vous êtes une foutue tête de mule d’Écossais.
– C’est un trait de caractère national. Nous n’aimons pas qu’on nous dise ce que nous devons faire. Les Anglais essayent depuis des siècles.
Des gens qui s’estiment supérieurs aux autres. Des gens dépourvus d’empathie. Des gens tellement obnubilés par leurs idées grandioses qu’ils n’hésitent pas à commettre des crimes pour parvenir à leurs fins. Des gens persuadés d’être au-dessus des lois, bonnes pour les êtres inférieurs.
– Certains observateurs politiques estiment que « le peuple » n’est pas particulièrement qualifié ni assez bien informé pour prendre des décisions.
– Oh, c’est vrai, j’avais oublié que pour vous, les Français, l’État ne peut être dirigé que par une élite intellectuelle. D’après ce que j’ai compris, il est normal que le Président, le Premier ministre et la moitié du gouvernement sortent de l’ENA. Ah ! Les énarques. Ceux qui n’ont pas été choisis sont relégués en province pour administrer la populace.
Ma préférée, c'est la théorie de Fredric Wertham sur la catathymie.
- Qu'est-ce que c'est ?
- Wertham décrit la catathymie comme une envie irrépressible d'exprimer une idée à travers un acte violent.
La lune se reflète un bref instant sur les lames tranchantes brandies dans le noir. Il se met à hurler lorsqu'elles s'abattent sur lui. La dernière chose qu'il voit, c'est la pancarte intimant le SILENCE aux visiteurs. Il sait que le sien sera éternel.
Il bondit sur ses pieds, enjamba une pile de livres, s’approcha du tableau blanc. Marqueur en main, il se retourna et, comme s’il était devant ses étudiants, commença :
- Hugues de Champagne est reparti en Palestine en l’an 1114, avec huit autres chevaliers. L’un d’eux était son vassal, Hugues de Payns, qui devint le premier Grand Maître de l’ordre des Templiers. Un autre, Geoffroy de Saint-Omer. Mais, voilà le plus beau…
Sophie et Bertrand n’avaient aucune idée de ce qu’il essayait de démontrer.
- Il y avait un autre Hugues. Hugues d’Hautvillers.
Le visage rayonnant, il leur lança :
- Vous comprenez ?
Sur le tableau, il écrivit Hautvillers, l’entoura d’un cercle et traça des flèches qui le reliaient à presque tous les autres éléments.
- Tout nous mène à Hautvillers. Le champagne, Dom Pérignon, le crucifix, saint Hugues, le pin’s, les Templiers. Tout.
On est tous stressés quand on passe un examen. Heureusement, en général, on ne tue pas ses professeurs. Difficile d’imaginer un groupe d’étudiants devenant catathymiques tous en même temps.
-Voici comment je compte procéder, expliqua Enzo tout en se faufilant entre les piles de livres pour arriver au tableau blanc. Sur les bords de ce tableau, j'ai scotché les photos des objets découverts avec le crâne. Comme vous le voyez, j'ai déjà commencé à noter différentes choses. Chaque fois qu'une idée pertinente nous vient, on la note quelque part au centre du tableau, on l'encercle, on la relie à l'objet concerné par une flèche. Ensuite, on cherche des connexions, entre les idées ou entre les objets, et on trace d'autres flèches, d'autres cercles. En théorie, l'idée vers laquelle convergent le plus grand nombre de flèches doit nous donner la clé du puzzle.
Quand les convictions se fissurent, le doute s'infiltre par toutes les fentes.