Les larmes noires de Marie Luther m'a fait irrésistiblement penser à La couleur des sentiments. On y retrouve aussi une famille blanche aisée du Sud des États-Unis qui emploie une femme noire pour s'occuper de la maison et des enfants. C'est un très bon roman, mais selon moi, il ne possède pas l'ampleur et la profondeur, disons sociologique, de la couleur des sentiments.
Dans la famille Watts, c'est la domestique, Mary, qui prend soin de l'intérieur et des quatre enfants : Stell, Jubie, Puddin et Davie. L'histoire nous est racontée du point de vue de Jubie, 13 ans. Ses parents ne semblent plus s'aimer beaucoup et quand Jubie fait un mauvais coup, son père la bat - il est aussi alcoolique et coureur de jupons. La mère de Jubie n'intervient pas vraiment et passe son temps à prendre soin d'elle-même. C'est donc vers Mary que Jubie se tourne pour trouver un peu d'amour et de réconfort.
C'est durant un voyage en voiture avec sa mère, ses soeurs et frère et Mary, que Jubie prendra conscience de la ségrégation, de la violence et du mépris dont sont victimes les Noirs. Et c'est à travers ses yeux, avec une horreur grandissante, que nous en serons aussi les témoins. de l'indifférence des uns à l'égard des Noirs, comme s'ils faisaient partie des meubles jusqu' à la volonté malfaisante de les éliminer purement et simplement. Par exemple, Mary doit voyager à l'arrière de la voiture, elle a ses propres couverts, elle doit utiliser d'autres toilettes et dormir ailleurs que ses patrons. L'auteure nous raconte le tout avec beaucoup de sensibilité. Et on voit que Jubie commence à penser différemment des autres, même si elle est quand même influencée par l'attitude dominante.
Et quand le drame arrive, la famille de Jubie éclate. L'adolescente découvre le véritable visage de son père. Celui-ci est un petit escroc raciste qui détournait l'argent de sa compagnie pour financer une organisation analogue au KKK et dont l'incompétence dans la construction d'un plongeoir a causé la mort d'un adolescent. En plus, il tripotait la fille de Mary. Il n'est vraiment pas sympathique! Et ce n'est qu'après la disparition de Mary que Jubie s'aperçoit que la domestique était le véritable ciment de sa famille. Pour montrer son amour à Mary, elle posera un acte de rébellion éclatant! La mère de Jubie commencera aussi à se réveiller et à se prendre en main.
J'ai beaucoup aimé le personnage de Mary et j'aurais aimé qu'elle soit plus présente dans l'histoire. Je l'ai trouvée très courageuse. Elle prend soin de la famille Watts, en plus de sa propre famille. Elle ne fait pas que le ménage, elle aime aussi cette famille et veille sur eux, un peu comme une mère. Elle ne réplique jamais alors qu'elle se fait constamment humiliée. Mais il sera trop tard quand tous se rendront compte de la place qu'elle occupait dans leur coeur. L'auteure parle de Mary avec beaucoup de tendresse.
Au début du roman, le personnage de Jubie est un peu agaçant, car elle est une adolescente qui se plaint facilement. Mais l'histoire avançant, elle devient plus attachante, en même temps qu'elle s'éveille au monde et à l'amour. On sent qu'elle sera probablement une jeune femme qui sera capable de voir au-delà des apparences et de prendre des risques, pour affirmer qui elle est et qui elle aime vraiment. On peut donc en conclure que j'ai beaucoup aimé ce premier roman, écrit par une dame âgée de 71 ans. Je ne peux que lui lever mon chapeau. Son roman est fort réussi et très émouvant. Et sa couverture est superbe, on dirait une Madone à l'enfant noire!
Lien :
http://biblimaginaire.blogsp..