Citations sur Les Filles de l'ouragan (59)
"Ton frère est très sensible", expliquait Val, mais pour moi c'était beaucoup plus que ça. Il me semblait que mon frère ne possédait pas, comme les autres, cette qualité essentielle qui permettait d'aller au bout d'une journée. Il n'avait pas le cuir assez dur.
[...]
"Il faut voir la réalité en face, sœurette", me dit-il une autre fois. On regardait à la télévision un reportage sur le Vietnam. On y voyait des Vietnamiens devant leur village incendié et des enfants nus qui pleuraient. "Le monde est vraiment une saloperie. C'est du chacun pour soi, faut pas aller chercher plus loin."
Mais, en fin de compte, le livre qui peut expliquer à un individu comment faire l'amour n'existe pas. Et le plus triste, semble-t-il, c'est que l'amour que l'on peut sincèrement éprouver ne donne pas le pouvoir de faire naître chez l'autre du désir s'il n'est pas déjà là. On éprouve du désir, ou on n'éprouve rien. Cela ne s'enseigne pas.
Quand ça grippe, il vaut mieux mettre un peu d'huile que sortir de ses gonds.
Il y a une symétrie parfaire entre la nature et la sélection naturelle, si brutale qu’elle soit. Le mieux armé survit. Quelques espèces brillantes de vie sur terre ne résistent pas, pour des raisons qui vont au-delà d’elles-mêmes. D’autres – et j’en suis une, - arrivent contre toute attente à survivre. Une souche plus solide, peut-être, ou simplement plus chanceuse…
La vieillesse n'est pas laide, seulement pathétique.
J'avais à présent vécu la moitié de ma vie sans Ray Dickerson, et ce n'était même plus Ray que je regrettais. C'était la jeune femme que j'avais été quand je l'aimais. Elle avait disparu. Je regrettais la façon dont je regardais alors le monde, la richesse de ce qui s'était offert à moi, la faim que j'avais ressentie, le désir qui me brûlait. J'avais un jour vécu dans un pays sauvage et magnifique, dont je ne retrouvais plus le chemin. J'avais parlé une langue que je ne connaissais plus. Quelque part sur la planète, se jouait une musique que mes oreilles ne pouvaient pas entendre.
Je pensais à Apollon errant sur la terre sans Daphné, à Jackie Kennedy regardant le cercueil de son mari enveloppé d'un drapeau porté sur les marches du Capitole tandis que la légende de Camelot s'effritait. Je me demandais si Neil Armstrong avait ressenti cette forme d'exil : il avait une fois marché sur la lune, et il ne pourrait plus jamais y retourner.
Une des choses avec laquelle on doit apprendre à vivre quand on s'occupe d'une ferme, c'est la mort.
"Tu étais très bien comme tu étais, Connie, il n'y avait rien à redire", déclara mon père quand il vit le résultat. Ce qui était, de sa part, le plus proche d'un compliment peut-être, ou le contraire, car il ne laissait pas vraiment entendre qu'elle [ma mère] était bien avant de se teindre les cheveux, mais plutôt bizarre après.
(p. 44)
J'avais demandé à ma mère si nous pouvions avoir une nouvelle boîte [ de Crayolas ]. " Ils ne s'useraient pas si vite si tu n'appuyais pas si fort dessus, me rétorqua-t-elle. de toute façon, il en reste plein. "
C'est à dire, du brun, du gris, du beige. Dans la logique de ma mère, les couleurs étaient interchangeables.
Dans notre famille, c'était vu comme un problème – cette fantaisie que je possédais et ma capacité à inventer des histoires et des intrigues. Pour ma mère, ce genre d'activité indiquait des dispositions inquiétantes, qui pourraient m'entraîner vers des pensées impures. Toutes les histoires dont nous avions besoin étaient dans la Bible. Pourquoi en chercher ailleurs ?