Le pire inconvénient du mariage, c'est qu'on ne peut plus faire abstraction des problèmes de l'autre.
C'est là tout le secret d'un couple qui fonctionne : des compromis stratégiques.
Au début, c'est un jeu d'enfant. On rencontre une personne sublime, drôle et intelligente. Qui vaut bien mieux que soi - et, quelque part, on le sait tous les deux. Alors on tombe amoureux de cette personne. Mais ce qui nous plaît surtout, c'est l'idée qu'elle se fait de nous. On s'estime chanceux. Parce que c'est vrai, on l'est.
Et puis le temps passe. On change un peu trop tous les deux. Ou pas assez. La vérité se révèle et l'horizon s'assombrit. On vit avec une personne qui nous connaît sans fard. Et, tôt ou tard, cette personne finit par nous tendre un miroir et nous forcer à nous regarder sous notre vrai jour.
Qui peut supporter une chose pareille ?
Alors on fait ce qu'il y a de mieux pour survivre. Trouver une nouvelle paire d'yeux.
- C'est pimpant, tenta finalement Amanda.
La décoratrice rayonna, admirant son oeuvre.
- Oh Amanda, vous avez tellement raison. Vous êtes une cliente délicieuse.
- Pimpant ? (Sarah apparut sur le seuil, les bras croisés, toujours aussi belle avec son teint bronzé, son carré brun coupé net et ses grands yeux bleus). On se calme, Jane Austen, c'est juste un canapé.
Elle entra dans le bureau pour se laisser choir théâtralement sur le canapé en question, puis tapota la place libre à côté d'elle.
- Viens Amanda, assieds-toi. C'est ton canapé, pas le sien. Tu as le droit de l'essayer.
Le vieux bureau poussiéreux de la fondation Graine de Savoir était installé dans une ancienne usine. J'imaginais mal la belle Amanda dans ce décor, ses mains gantées de blanc effleurant la rambarde tandis qu'elle flottait sur les marches fissurées. Dans mon imaginaire, Amanda ne marchait pas, elle flottait. Je gardais cette image malgré l'enfance miséreuse que m'avait décrite Zach, et malgré ce que j'avais lu d'un père drogué et du garçon qui l'avait violée avant de l'emmener au cinéma voir Marley et Moi. C'est fou l'aisance avec laquelle je faisais abstraction de tous ces éléments pour rester sur une belle Amanda roulant sur l'or, une femme dont le sort paraissait enviable même après sa mort.
Quelle odieuse personne j'étais.
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Tu ne peux pas faire comme si de rien n'était, dit-elle en posant la main sur le bras de son amie. Ce n'est pas en fermant les yeux qu'on empêche le pire.
N'était-ce pas justement le secret d'un mariage qui dure ? Apprendre à faire comme si quelques jolis détails restés intacts pouvaient compenser l'immense gâchis de tout le reste ?
Et puis le temps passe. On change un peu trop tous les deux. Ou pas assez. La vérité se révèle et l'horizon s'assombrit. On vit avec une personne qui nous connait sans fard. Et, tôt ou tard, cette personne finit par nous tendre un miroir et nous forcer à nous regarder sous notre vrai jour.
Qui peut supporter une chose pareille ?
Alors on fait ce qu'il y a de mieux pour survivre. Trouver une nouvelle paire d'yeux.
J'eus la désagréable sensation qu'une clé me glissait des mains pour tomber dans une fissure dans le sol, perdue à tout jamais.
“That’s the hardest part about marriage, isn’t it?” Zach went on. “Somebody else’s problems become your own. It doesn’t always feel fair.”