Citations sur Ce qu'il reste des mots (39)
S’émerveiller, s’émouvoir, et produire de l’amour. Notre unique réponse.
Il n’y a rien d’extraordinaire. Ou plutôt : l’extraordinaire s’est découvert dans l’ordinaire, dans le partage total, complet, absolu de nos deux personnes. Dans l’affection, la compassion, la douceur ; dans tous ces états de réception et d’offrande auxquels nous avons osé nous soumettre.
Tout en moi respire le désespoir. Je devrais simplement m'y faire. Et laisser aux optimistes et aux naïfs le soin de poursuivre cette quête insensée.
Le lien d’amour qui nous unit : d’abord un simple fil, plus ou moins tendu ; et puis, avec ce partage, démultiplié, le fil se renforce, d’autres ficelles s’enroulent autour jusqu’à former un lien épais, massif, qui ressemble aux cordes dont les bateaux se servent pour s’amarrer au port. Aux racines entrelacées d’un banian. Hannah et moi sommes enchevêtrés, définitivement complices.
J'ai donc choisi de ne plus avoir de chemin fixé, d'accepter seulement ce qui me semblerait le plus juste, le plus approprié, sans a priori ni tabou. Et depuis la route s'étend, à perte de vue, sans terme, et qui ne s'arrêtera qu'avec la mort.
Et puis, comme on ne vit bien qu'entouré, puisqu'il n'y a d'épanouissement que dans les vécus partagés, je fais dans le texte comme dans la vie : je côtoie, je fréquente, bref, je m'ouvre à l'autre.
Malgré la mort, le drame inéluctable, les voix s’élèvent jusqu’aux nuages et refusent d’abdiquer ; aux morts et à ceux qui restent, à la foule anonyme qui n’y comprend rien répond cette voix de gemme, entêtée, qui fredonne et susurre un sens que la raison ne peut percevoir ; c’est la mélodie du vent, la transcendance des tonalités, l’ultime expression de notre humanité qui, d’un chant extatique, répond au néant.
Je me sens fragile. Guidé par ce qui compte, par ce qui est juste, oui, mais timide et incertain. C’est une étape nouvelle pour moi. Aller aussi loin dans le rapport à l’autre, avec un être aussi cher qui plus est, être présent, juste là, pour tenir la main et ne jamais rompre le lien invisible qui nous unit, jusqu’à la fin, nous inonder d’amour, voilà qui m’est totalement neuf. J’espère être adéquat. Il me semble que oui, mais qui sait. Il n’y a pas d’enjeu plus important.
Je suis finalement rentré, passant par Lavaux, par ces routes lovées dans les vignes qui surplombent le lac et sont parmi les plus belles du monde. Montagnes qui plongent dans l’eau, lumières dorées, rayons enfumés ; couleurs de miel, de curcuma, les pentes abruptes dégoulinant de grappes et de sarments. Au ciel de beaux nuages bien dodus, et le soleil inextinguible.
J’ai donc pris le chemin de mon corps, et j’ai réappris à vivre au milieu des autres et du monde. Encore un peu plus cabossé. Mais avec tellement d’êtres chers : ma femme, mes parents, mes cinq frères et sœurs ; mes amis proches, la famille. Ensemble, nous avons reconstruit. C’est ce que nous savons faire de mieux. C’est ce qu’il y a de plus difficile.