Le quartier est mal-éclairé et le miaulement des chats défendant leur territoire est assez crispant. Une atmosphère idéale pour tourner un hollywoodien. Mais Hani Bargaoui, jeune écrivain à court d’inspiration, ne trouve guère le déclic qui fera immerger son encre. Le quartier Européen en est peut-être l’issu. Il traverse la grande porte de « Bab Bhar » séparant la médina du reste de la ville et commence à longer l’avenue « Habib Bourguiba ». L’endroit est mieux éclairé. Pas une âme qui vive. Il est plus facile de l’apprécier de nuit que de jour. Une harmonie de lumières et d’édifices portant la signature du vieux continent ornent l’avenue principale de la capitale. Hani s’acharne à faire le vide dans sa tête mais sa soif de succès biaise le fondement même d’une création littéraire : le feeling. Petit à petit, il s’écarte de son objectif et plonge dans ses rêveries de promeneur solitaire. Tout le monde y passe ; sa famille, ses amis, ses anciennes conquêtes et tout le met qui va avec.
Le jeune homme semble borné. Il ne voit aucune alternative au sauvetage de sa bienaimée. Il va la secourir ce soir coûte que coûte. Il arrive à peine à contrôler ses émotions. La rage qu’il apprivoisait depuis l’annonce du kidnapping de Ghanja a cédé sa place à la haine. Une haine envers cette secte maléfique qui voudrait mettre le monde à genoux. Une haine envers ces serviteurs du diable qui menace la vie d’un ange aussi inoffensif que la douce Ghanja. Une haine envers ceux qui ont liquidé le pauvre Gabriel de sang-froid. Une haine envers ceux qui ont kidnappé un homme aussi bon que le professeur. Il n’y a pas de place pour l’humanisme avec ces gens-là. Dès que l’occasion se présentera, il agira avec la même animosité. Ça sera œil pour œil, dent pour dent.
Inerte, il passe de longues minutes à méditer cherchant la sortie de ce tunnel sombre qu’est la monotonie. Il se met à rassembler les pièces du puzzle avec sa mémoire fraîchement actualisée par la petite balade à la médina. Les personnages, les lieux, les scènes ; sa vision s’éclaircit. Soudain, un coup de fouet lui glace les neurones. La sirène d’un véhicule de secours interrompt son moment d’évasion et le ramène à la réalité. La poisse en toute sa splendeur, l’âme vagabonde se fait décapiter, bref la rechute. Las, il décide de rentrer chez lui bredouille avec pour seule consolation l’espoir d’un lendemain meilleur et le reste de la soirée arrosée d’hier.
Les Deus Homine hantent son esprit. Leur imprévisibilité et leur machiavélisme font d’eux un redoutable ennemi avec d’énormes moyens. Sur un autre plan, le sort du professeur l’inquiète. Tom est un ami, un père, un guide. Il est considéré comme le leader de Qart Qadasht.
L’ennemi est très puissant, mais l’ordre a avec lui la force créatrice de toute vie sur terre. Elle est silencieuse, mais pas passive. Qart Qadasht a un allié de poids, maintenant, il ne reste plus qu’à passer à l’acte.