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EAN : 9782818055861
512 pages
P.O.L. (18/08/2022)
3.69/5   285 notes
Résumé :
Quand sonnera la Treizième Heure, qui est aussi l'heure de nous-mêmes, elle nous trouvera bien éveillés, tous nos sens en alerte, absolument prêts pour le triomphe de l'amour.
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Critiques, Analyses et Avis (56) Voir plus Ajouter une critique
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De toutes les auteures françaises actuelles, Emmanuelle Bayamack-Tam alias Rebecca Lighieri est à mes yeux la plus fascinante et la plus audacieuse.
Fascinante et audacieuse par sa langue, capable de mêler dans une même harmonie un vocabulaire recherché aux termes les plus crus et les plus triviaux. Je ne vois pas un seul écrivain aujourd'hui qui entrelace avec un si évident talent les circonvolutions de la langue classique aux fulgurances de l'argot, un argot qui, sous sa plume, loin d'apparaître plaqué ou artificiel, insuffle une vitalité et une authenticité inouïes au récit. Elle me fait penser au compositeur de musique électronique Thylacine, qui mixe avec aisance les rythmes syncopés de la techno avec les symphonies lyriques de Verdi ou de Beethoven. La musique est d'ailleurs omniprésente dans l'oeuvre de Bayamack-Tam, où sans surprise, l'opéra dialogue avec le rock n'roll et la pop music. Mais ce qui traverse toute son oeuvre, plus encore que la musique, c'est la poésie et son équivalent populaire : la chanson.

La poésie est bien davantage qu'un agréable passe-temps pour les personnages de ses romans, elle est ce qui les aide à vivre, ce qui leur permet de supporter la laideur ordinaire du monde. Dans Si tout n'a pas péri avec mon innocence, la jeune Kim tente, en vain, de partager son amour naissant pour la poésie, en particulier pour Baudelaire, avec son obtuse famille. Dans Je viens, Charonne la mal-aimée trouve le salut dans sa rencontre ave le fantôme du poète héroïnomane Coco de Colchide. Et dans ce roman-ci, la poésie est placée au coeur de la théologie et de la liturgie de la secte de la Treizième Heure, qui termine chacune de ses célébrations par ce sonnet de Nerval :

« La Treizième revient… C'est encor la première;
Et c'est toujours la seule, ou c'est le seul moment ;
Car es-tu reine, ô toi! la première ou dernière ?
Es-tu roi, toi le seul ou le dernier amant ?… »

La beauté est ce qui confère au monde sa suprême valeur, la poésie est ce qui l'incarne le mieux, elle agit comme un guide spirituel, au même titre que la foi, dans l'existence de ceux qui ont la chance d'être touchés par elle :
« Tout est dit, tout est là, et il n'y a qu'à ouvrir Les Fleurs du mal pour trouver des façons d'exister. »

Mais si la beauté est une raison nécessaire, elle n'est pas une raison suffisante pour assurer le bonheur, ou, à défaut, une vie à peu près digne d'être vécue. Ce qui permet aux êtres de grandir et de s'épanouir vraiment, c'est l'amour. Or, l'amour est précisément ce qui fait gravement défaut aux familles disséquées de livre en livre par Bayamack-Tam. Les jeunes héros et héroïnes de ses romans sont le plus souvent en butte à une mère incapable d'aimer et à un père qui s'efforce tant bien que mal de pallier aux insuffisances maternelles. Ces enfants et adolescents en manque d'amour se heurtent de surcroît à l'indifférence ou au rejet de la part de leurs camarades d'école, quand ils ne sont pas harcelés, ou maltraités.

Parfois, ces enfants mal-aimés grandissent, puis tombent follement amoureux. Et c'est à la fois ce qui les perd et ce qui les sauve. L'amour chez Bayamack-Tam est incandescent, absolu et indissociablement lié à la sexualité, une sexualité décomplexée et solaire, qu'elle décrit comme tout le reste, de cette façon incomparable qui fait entrer en résonance l'image et la métaphore avec le vocabulaire le plus cru :

« Je ne verrais aucun inconvénient à baiser Nelly tout en pensant à Hind, à la fleur ouverte de ses aisselles, au renflement de ses seins, à sa cambrure duveteuse, à la perfection de ses fesses – et à sa verge grossissant dans ma bouche quand elle me laissait la sucer. »

Mais d'autres fois, ces enfants mal-aimés trop doux, trop tendres pour survivre à la cruauté de notre monde, meurent dans la fleur de l'âge. Ce sont toujours les garçons qui meurent. Les filles, elles, développent une force intérieure inexpugnable qui leur confère une aura hors du commun, aidées en cela par l'amour qu'elles savent dénicher là où on ne l'attend pas : chez de très vieilles dames retirées du monde, dans un camp de gitans où l'on vit d'expédients, ou encore dans une secte qui célèbre l'amour tout en récitant du Ronsard.
La secte fait pour la première fois son apparition dans l'oeuvre de Bayamack-Tam avec Arcadie. Elle offre à Farah, jeune adolescente intersexuée, un cocon hyper protecteur dans lequel l'amour règne sans partage, mais duquel elle doit s'extraire pour mener une vie autonome et adulte. Dans La Treizième Heure, nous retrouvons une adolescente hermaphrodite du nom de Farah, placée dans un contexte différent. Élevée par son père, Lenny, qui prépare sa communauté de croyants à l'imminence de la fin du monde, elle est issue d'une filiation extrêmement embrouillée. Sa mère, Hind, l'a abandonnée à sa naissance, mais qui est cette femme, au fond? Est-elle bien sa mère? D'ailleurs qui est la mère, à une époque où le concept de mère est brouillé par l'évolution des pratiques culturelles et scientifiques? Et Lenny, cet homme qui l'aime plus que tout et prend soin d'elle depuis sa naissance, est-il bien son père? Car dans ce roman plus que dans tout autre roman de Bayamack-Tam, les êtres ne sont pas clairement assignés à un genre.

En questionnant, à travers le personnage de Farah ou de Hind, la transidentité, l'auteure perpétue un questionnement qui traverse, me semble-t-il, toute son oeuvre : qu'est-ce que la normalité ? En mettant en scène des personnages qui, par certaines de leurs caractéristiques physiques — handicap, obésité, extrême vieillesse, vulve ou bite atrophiées… — raciales ou autres — beurs, gitans, gays, lesbiennes, queer, trans…— n'entrent pas dans le cadre normé communément admis, elle nous amène à penser à rebours de la pensée dominante. Sous sa plume, l'anormal a l'air d'être la norme ou plutôt, apparaît plus aimable et désirable que la norme, la transgression nous sauve de la normalité morose et du conformisme sclérosant.

Au fil de son oeuvre, tour à tour solaire et crépusculaire, Emmanuelle Bayamack-Tam alias Rebecca Lighieri, « soignant ses images et serrant de près le sens dans le langage » , nous adresse encore et toujours le même message : cultivez vos singularités, tâchez d'être un esprit libre, même si le prix à payer est la solitude. Cependant, même si son énergie, sa force de conviction m'ont paru intactes dans La Treizième Heure, j'y ai décelé, affleurant ça et là, un profond découragement.

« Qui sera là ? Personne. le désastre aura eu lieu. Et je ne parle ni des méga-feux, ni des cyclones, ni même des virus qui menacent de nous décimer, vague après vague, variant après variant. Non, je parle du saccage de l'innocence, je parle du programme de destruction massive de la pensée, je parle de la persécution à grande échelle de tout ce qui est beau, sauvage et libre. »

Aussi, lisons cette auteure étonnante au message profondément humaniste qui sait si ardemment nommer les choses, et célébrons avec elle tout ce qui est beau, sauvage et libre.
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Entrée très vite dans ce roman, je me suis délectée de l'humour prêté aux propos de Farah, alors adolescente de16 ans, qui soumet son questionnement ses doutes au lecteur. Cette première partie introduit les personnages et leur situation, un père présent sans l'être, aimant et distant, assoiffé de vérité, une vérité toutefois difficile à communiquer, on le comprendra, une mère absente, une foule de personnages venus la pour voir cicatriser leur douleur, leur malaise, pour tenter de se "réparer".

Farah est un personnage plaisant qui décide de mener son enquête concernant ses origines, qui exprime sa façon de voir les choses, et qui a beaucoup à dire étant donné qu'elle évolue au sein d'une de ces églises minoritaires, une secte où la poésie occupe une place de premier choix dont le père fait figure de gourou.

Et Farah pense trouver des réponses, sa logique lui indiquant qu'elle aboutira en menant ses investigations auprès des personnes concernées par sa naissance, mais il semble que son esprit cartésien en prendra un coup… et l'esprit du lecteur aussi, car à défaut de fournir des réponses fermes, à ce stade du roman, le doute pourrait bien s'épaissir.

Cette première partie je l'ai dévorée, ne pouvant me défaire ma lecture.

Puis je m'aperçois, que je suis face à un roman choral, (je n'ai pas cherché à me documenter sur ce livre plébiscité, afin de le découvrir seule). Je recueille alors les confidences du père. Un être dont la bonté et l'humilité ne font pas de doute, qui raconte son histoire et celle de Farah avec sincérité, le ton change, alterne entre dépression, bonheur, désespoir et solution pour sortir de la morosité. on comprendra les réponses évasives de ce père aux questions de sa fille.

Le troisième narrateur raconte l'histoire d'une femme qui a dû forger elle-même cette identité indispensable à chacun, elle tente d'expliquer ses agissements, on comprendra entre les ligne sa souffrance et son mal-être dus à de mauvais choix ou à des rencontres malheureuses. cette partie ressemble à une relecture de vie de la part de cette mère assaillie par le regret.

Trois narrateurs, trois ressentis bien différents qui expliquent l'incompréhension des uns envers les autres. Roman intelligent sur le thème de l'intersexualité.

Si j'ai beaucoup aimé la première partie, les autres m'ont semblé longues sur la fin, certains passage n'étant pas, à mon humble avis, indispensables pour venir à bout de ce pavé.

Question poésie, les passages de grands auteurs ou de chanteurs ne font de cet ouvrage, ni un recueil, ni une narration à visée poétique, la poésie y étant un instrument de transmission des idées et des sentiments sous la forme de citations.

Question érotisme, on est largement servi, les héros ne trouve pas le ciel qu'au travers des réunions de la secte, c'est cru, c'est réaliste, c'est digne d'un Virginie Despente.

Challenge MULTI-DEFIS
Challenge PAVES
Challenge "ABC des titres
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Ce roman est sacrément culotté ! (ou pas).

Ça commence doucement : une adolescente en quête d‘identité nous confie ses questionnements, et nous présente son décor : elle vit au sein d'une communauté millénariste, et son père en est le dieu vivant. L'historique, les caractéristiques des adeptes, tout cela est traité avec humour par cette ado passionnée de littérature, ce qui ne saurait nuire. le doute survient en fin de première partie lorsque Farah fait un état des lieux de la progression de sa puberté, et émet des doutes sur sa filiation .

C'est ensuite Lenny, le père, le gourou charismatique, qui va lever le voile sur la naissance de sa fille. Avec des révélations fracassantes que je me garderai bien de révéler !

Le clou du numéro arrive avec la dernière narratrice, Hind, mère de Farah, qui fait un come-back remarqué dans ce foyer qu'elle avait quitté avec perte et fracas quelques jours après la naissance de sa fille. Cette fois c'est la révolution, l'inversion de l'ordre des choses, les retournements de situation (sic), déstabilisants, pour une fin en feu d'artifice.

Dans cette histoire, ce ne sont pas tant les particularités de chaque personnage qui étonnent, mais leur coexistence. Ce qui permet à l'autrice de faire un point documenté autour de la problématique de l'identité sexuelle.

Sans oublier le ton humoristique qui allège le propos et qui permet aussi de faire passer des scènes explicites et crues sans choquer.

Surprise par le sujet, la façon de le traiter et l'univers très différent du roman Il est des hommes qui se perdront toujours, j'ai vraiment beaucoup apprécié !

512 pages POL 18 août 2022
Sélection Landerneau 2022

Lien : https://kittylamouette.blogs..
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Dans ce roman, qui déroge au politiquement correct, on retrouve les thèmes chers à Emmanuelle Bayamack Tam, à savoir la transidentité, à laquelle se rajoute la procréation médicalement assistée.
Roman vocal, « La treizième heure » nous fait entendre la voix des trois protagonistes de l'histoire. C'est Farah, adolescente intersexuée, qui ouvre le bal. Elle était déjà l'héroïne dans « Arcadie » (que j'avais adoré) mais dans une histoire totalement différente.
Farah est élevée par son père, Lenny, depuis que sa mère les a abandonnés peu après sa naissance. D'elle, Farah ne sait rien et elle va mener l'enquête face à un père qui reste muet sur sa naissance et les origines maternelles.
Père et fille vivent dans une communauté poético-religieuse dont Lenny est le prédicateur. le legs d'une riche adepte met la communauté peuplée de marginaux à l'abri du besoin. Dans cette secte mystique nommée « La treizième heure », on attend le millénium en déclamant de la poésie, Apollinaire, Aragon, Baudelaire, Villon Césaire etc… on pousse aussi la chansonnette lors de karaokés. Tout cela nimbé de bienveillance mais complètement déjanté.
Lorsque Lenny prend la parole, le récit s'ouvre sur son enfance solitaire et son amour pour la poésie. Puis, c'est l'amour fou lorsqu'il rencontre Hind, dotée d'une beauté flamboyante mais aussi d'un égoïsme et d'une cruauté assumés. L'ardente Hind, qui s'attire tous les regards avec ses tenues sexy et son hyper féminité, est une résiliente qui a coupé les ponts avec sa famille algérienne et conformiste. C'est elle qui désire cet enfant avec Lenny, pourtant elle les quittera pour courir après une chimère.
La troisième et dernière partie s'ouvre sur les confidences de Hind qui nous dévoile sa complexité à la fois anatomique et psychologique. Rien ne doit entraver sa soif de liberté et sa sexualité décomplexée.

Roman d'initiation avec le récit de Farah, « La treizième heure », est aussi pétri d'humanité. On y croise des laissé pour compte qui cherchent l'apaisement et l'amour face à un monde violent qui se fissure. C'est aussi teinté d'humour, même si l'angoisse générée par les guerres, le réchauffement climatique et les épidémies, plombe parfois la béatitude des adeptes de la secte.
C'est Farah qui clôt le récit, une Farah lucide et pessimiste qui dit :
« Quand mon père reviendra, ce sera trop tard : les membres du club seront parvenus à leur fin qui est aussi celle de l'humanité. »
Il faut se plonger dans ce roman humaniste qui prône la tolérance pour la différence, roman écrit avec talent et inventivité, on en sort bousculé et c'est tant mieux.

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J'ai pensé que La Treizième Heure pouvait être une sorte de clin d'oeil à La Vingt-Cinquième Heure, mais non, rien à voir, je crois. Trois narrateurs prendront successivement la parole : Farah (la fille), Lenny (le père), Hind (la mère), et de nouveau Farah pour une très brève quatrième partie. Mais rien n'est aussi simple qu'il n'y paraît. Farah, remarquablement lettrée et emplie de maturité pour son âge, commence à raconter son parcours d'adolescente intersexuée. Sa mère a disparu quelques jours après sa naissance. Son père a fondé une sorte de secte – il refuse de toutes ses forces cette appellation – disons donc une congrégation, dont il est le charismatique gourou. Farah juge et son père et ses adeptes avec beaucoup de lucidité, mais aussi de partialité, ce qui n'est pas incompatible : indulgente pour certains, elle dénigre certains autres. Elle brûle de curiosité envers cette mère qu'elle n'a pas connue et dont son père évite de parler autant que possible. Quand elle interroge ses grands-parents paternels, ils se défaussent ou disent n'importe quoi. En fait, ils disent toujours n'importe quoi. Quand Lenny prendra la parole à son tour, le lecteur comprendra certaines de ses réticences : il est des situations bien complexes à expliquer à une adolescente et les apparences sont souvent trompeuses… L'intervention de Hind bousculera ce que l'on croyait savoir. Je ne vois pas comment en dire plus sans révéler trop d'éléments dévoilés progressivement et parcimonieusement dans le roman.
***
Un roman surprenant, parfois dérangeant et furieusement dans l'air du temps… C'est peut-être ce qui m'empêche d'être plus enthousiaste : une sorte de surenchère dans la volonté de traiter les questions de genre et d'identité. L'autrice aborde aussi plusieurs autres thèmes contemporains, mais sans s'y attarder. La plongée dans les interrogations et les souffrances des trois personnages mène forcément à leur propre vision de l'identité, intimement liée à leur histoire personnelle, et dénote une profonde empathie de la part d'Emmanuelle Bayamack-Tan, empathie qu'elle a parfaitement réussi à me faire éprouver. le personnage de Hind est sans doute le plus étonnant, mais aussi le plus fouillé, celui qui réserve le plus de surprises parce qu'il ne correspond pas à l'image qu'il projette, ni à ce que les autres, même les proches, en perçoivent. le personnage de Lenny ne m'a pas convaincue, encore moins celui de Kenny, son frère (merci aux parents !) dont le rôle perturbateur est à peine effleuré. Il m'a semblé que la lucidité et le courage de Farah détonnaient avec son âge et la crise d'adolescence qu'elle traversait. Bref, en dépit de mes réserves, je trouve que c'est un bon roman, plein d'humour, de poésie et de chansons, un récit qui traite crûment et sans pudeur de questions délicates dans une optique résolument contemporaine.
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critiques presse (6)
LeSoir
16 avril 2024
C’est vrai que cet audiolivre est paru depuis plus d’un an. Mais le livre d’Emmanuelle Bayamack-Tam a été récompensé par le Prix Médicis 2022, cela vaut donc la peine d’y revenir. Et de l’écouter avec plaisir.
Lire la critique sur le site : LeSoir
LeJournaldeQuebec
02 janvier 2023
Il est toujours agréable d’être surpris ou troublé par un livre. En général, c’est le signe qu’il sort des sentiers battus ou alors, qu’il est particulièrement bien écrit. Ici, on a les deux : une histoire originale et une plume magnifique souvent teintée d’humour.
Lire la critique sur le site : LeJournaldeQuebec
Culturebox
28 septembre 2022
La Treizième Heure est un ouvrage millénariste ultra contemporain, inspiré par les bouleversements d’identité et de genre, traversé par nos angoisses de fin du monde comme par notre espoir d’un ordre social plus juste. A découvrir, indéniablement.
Lire la critique sur le site : Culturebox
LeMonde
13 septembre 2022
Avec « La Treizième Heure », l’écrivaine démontre follement sa volonté de recomposer, dans ses livres, auteurs, personnages ou situations. Poétique de la liberté.
Lire la critique sur le site : LeMonde
Bibliobs
05 septembre 2022
Avec « la Treizième Heure », la romancière qui écrit aussi sous le pseudonyme de Rebecca Lighieri, confirme son goût pour les corps transgenres et les romans hybrides.
Lire la critique sur le site : Bibliobs
LesInrocks
24 août 2022
Les voix des trois personnages se succèdent dans un texte transgressif, où les rôles sont redistribués en permanence. On retrouve les grandes thématiques de l’autrice, comme la transidentité, et son humour acide, mais ce roman semble nimbé d’une mélancolie nouvelle.
Lire la critique sur le site : LesInrocks
Citations et extraits (35) Voir plus Ajouter une citation
Sur les cent dix-sept personnes que j'ai sondées à ce jour, soixantes-dix huit ont désigné le bleu comme leur couleur préférée, et il faut savoir que cette prédilection se retrouve à travers tout le monde occidental. Le bleu, c'est le consensus mou: on s'entend pour promouvoir une couleur pas dérangeante. Sauf que précisément ça me dérange, comme me dérangent toutes les acceptations faibles et pas réfléchies.
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Sans compter qu'être une fille vous conduit tout droit à être une proie, sauf à décrypter et à anticiper le comportement de votre prédateur naturel. Et encore, je suis plutôt grande et visiblement arabe, bien qu'on me prenne parfois pour une métisse ou une latino. Ce que je veux dire par là, c'est qu'être petite, mince et blanche vous désigne comme un gibier facile en cas de chasse à courre — c'est à dire tout le temps, vu qu'il n'y a pas de saison, pas de trêve hivernale. Je suis un gibier moins facile, mais j'ai quand même dû défendre ma peau plus d'une fois. J'ai beau être racisée et physiquement impressionnante, je reste une fille. Et je tiens à préciser aussi qu'être jolie n'entre absolument pas en ligne de compte : les moches se font autant emmerder que les belles. La seule chose qui finit par décourager les chasseurs, c'est l'âge : quand la bête grisonne et prend des fanons, eux perdent la piste et ne la retrouvent jamais.
(p. 323)
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Les romans me rendent extrêmement heureuse, d’un bonheur que j’ai du mal à définir et que mon père qualifierait sûrement d’égoïste. Car l’Humanité peut bien aller à sa perte, tant que j’aurai mes livres, je m’en soucierai somme toute assez peu. Cette vérité étant absolument inavouable au sein de ma grande famille altruiste, je la garde pour moi et j’avance dans mon projet de lecture de tous les romans du monde, sans méthode mais avec conviction. Des Souris et des hommes et L’Idiot comptent évidemment parmi mes objectifs, mais si Steinbeck me semble accessible, un œil jeté à Dostoïevski m’a plongée dans la consternation, et je ne suis pas certaine d’être assez intelligente un jour pour pouvoir côtoyer les Épantchine avec profit. Sans parler des Rogojine et des Ivolguine.
En attendant ce jour improbable, je fréquente assidûment vampires adolescents, sorciers amoureux, pirates borgnes, naufragés plus ou moins volontaires, tueurs en série et détectives en herbe – m’attirant les commentaires perplexes de mon père :
– On dirait que la réalité ne te suffit pas…
C’est exactement ça, ou plutôt c’est l’inverse : la réalité est suffisamment terrifiante pour m’inspirer le désir fou de la quitter. Mon père et ses disciples ont beau avoir déclaré la guerre à la guerre, je vois bien qu’elle fait rage partout, à commencer par le cœur des hommes, et en attendant la nouvelle ère que nous appelons de nos vœux, j’aime autant qu’on me laisse m’immerger tranquillement dans la fiction : les forces du mal s’y déchaînent aussi, mais ce déchaînement n’a jamais tué personne.
(p.22-23)
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Les gens jugent leur corps plus sévèrement que leur âme. Je suis à deux doigts de penser que l'intolérance avec laquelle ils traquent leurs défauts physiques est inversement proportionnelle à leur laxisme moral. Autant ils ne supportent pas de se voir dans le miroir, autant ils se pardonnent leurs manquements et leurs faiblesses; autant ils se sont torturés toute leur vie avec des critères de beauté impossibles à satisfaire, autant ils ont toujours trouvé qu'ils étaient largement assez honnêtes, largement assez généreux, largement assez courageux.
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A la Treizième Heure, le baptême est aussi un couronnement. Nous l’administrons en grande pompe et selon nos propres rituels. Au jour dit, le catéchumène se présente à jeun, pour passer une ou deux heures dans une tente de sudation. Il est ensuite minutieusement lavé par son parrain et sa marraine, puis revêtu d’un yukata en lin bleu. Mes frères et sœurs ont choisi cette couleur à l’unanimité, à une époque où j’étais trop jeune pour que mon avis soit de quelque poids – et c’est dommage, car j’aurais évidemment voté pour une couleur flamboyante.
Sur les cent-dix-sept personnes que j’ai sondées à ce jour, soixante-dix-huit ont désigné le bleu comme leur couleur préférée, et il faut savoir que cette prédilection se retrouve à travers tout le monde occidental. Le bleu, c’est le consensus mou : on s’entend pour promouvoir une couleur pas dérangeante. Sauf que précisément ça me dérange, comme me dérangent toutes les acceptations faibles et pas réfléchies. Faites le test avec les fleurs, les fruits ou les animaux, et si vous ne le faites pas, sachez que moi je l’ai fait, dans ma rage de mettre mes semblables en fiches et en diagrammes – avec des résultats si prévisibles et si décourageants que j’ai bien failli renoncer pour toujours aux sondages d’opinion. Sans doute faut-il choisir entre aimer les hommes ou les connaître.
(pp.111-112)
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Videos de Emmanuelle Bayamack-Tam (30) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Emmanuelle Bayamack-Tam
Si le rapport entre Mickael Jackson et Britney Spears semble aller de soi (spoiler : les paillettes et la chanson), que vient faire l'autrice Emmanuelle Bayamack-Tam dans l'équation ? Il suffit d'ausculter son nouveau texte "Autopsie mondiale" pour y voir plus clair…
#littérature #popculture #theatre
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