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Critique de jeanparapluie


J'ai comparé les moments clefs de l'histoire entre la nouvelle de Mérimée et l'opéra de Bizet. Mérimée écrit à travers un récit "exotique" d'un voyageur rapportant lui-même le récit qu'il a recueilli, et notre perception de Carmen en est distanciée. Meilhac, Halévy et Bizet, sans négliger le pittoresque espagnol et gitan, nous mettent en la présence physique de Carmen et en font d'emblée un personnage universel de la femme séduite, abandonnée et fière. Cet universalisme explique peut-être que Carmen l'opéra soit connu et admiré dans le monde entier, tandis que dans le monde entier on ignore la nouvelle et le nom de Mérimée, alors que personne n'oublie que La Traviata nous vient de Dumas et Roméo et Juliette de Shakespeare !




Mérimée :
On ne s'ennuyait pas auprès de cette fille-là, je vous en réponds. le soir vint, et j'entendis les tambours qui battaient la retraite. - Il faut que j'aille au quartier pour l'appel, lui dis-je. - Au quartier? dit-elle d'un air de mépris; tu es donc un nègre, pour te laisser mener à la baguette? Tu es un vrai canari, d'habit et de caractère. Va, tu as un coeur de poulet.

Bizet :
CARMEN
Je vais danser en votre honneur,
Et vous verrez, seigneur,
Comment je sais moi-même accompagner ma danse.
Mettez-vous là, Don José, je commence!
La-la-la-la .

(Elle danse et fredonne en s'accompagnant des castagnettes. Don José la regarde en extase.
De très loin,on entend des claírons qui sonnent la retraite. Don ]osé prend le bras de Carmen et 1'oblige à s'arrêter.)

CARMEN
Au quartier! pour l'appel!
Ah, j'étais vraiment trop bête!
Je me mettais en quatre et je faisais des frais
Pour amuser monsieur! je chantais ... je dansais
Je crois, Dieu me pardonne,
Qu'un peu plus, je l'aimais _ . .
Taratata, c'est le clairon qui sonne!
Il part! il est parti!
Va-t'en donc, canari.
(avec fureur, lui envoyant son s/va/eo à la volée)
Tiens! Prends ton shako, ton sabre, ta giberne,
Et va-t'en, mon garçon, retourne à ta caserne.
(...)

Elle disait vrai. ]'aurais été sage de ne plus penser à elle; mais, depuis cette journée dans la rue du Candilejo, je ne pouvais plus songer à autre chose. Je me promenais tout le jour, espérant la rencontrer. J'en demandais des nouvelles à la vieille et au marchand de friture. L'un et l'autre répondaient qu'elle était partie pour Lalorol, c'est ainsi qu'ils appellent le Portugal. Probablement c'était d'après les instructions de Carmen qu'ils parlaient de la sorte, mais je ne tardai pas à savoir qu'ils mentaient.
DON JOSE
Tu me dis de la suivre
Pour que toi tu puisses courir
Après ton nouvel amant.
Non! non, vraiment,
Dût-il m'en coûter la vie,
Non, Carmen, je ne partirai pas,
Et la chaîne qui nous lie
Nous liera jusqu'au trépas ...
(...)

A présent (dit-elle), je n'aime plus rien, et je me hais pour t'avoir aimé. Je me jetai à ses pieds, je lui pris les mains, je les arrosai de mes larmes. Je lui rappelai tous les moments de bonheur que nous avions passés ensemble. Je lui offris de rester brigand pour lui plaire. Tout, monsieur, tout; je lui offris tout, pourvu qu'elle voulût m'aimer encore!
Elle me dit : - T'aimer encore, c'ešt impossible. Vivre avec toi, je ne le veux pas.

CARMEN
Tu me demandes l'impossible,
Carmen jamais n'a menti,
Son âme reste inflexible. Entre elle et toi, c'est fini
jamais je n'ai menti.
Entre nous, tout est fini!
DON JOSE
Carmen, il est temps encore,
O ma Carmen, laisse-moi
Te sauver, toi que j'adore,
Et me sauver avec toi.
CARMEN
Non, je sais bien que c'est l'heure,
Je sais bien que tu me tueras,
Mais que je vive ou que je meure,
Non, non, non, je ne te céderai pas.
DON JOSE
Carmen, il est temps encore,
O ma Carmen, laisse-moi
Te sauver, toi que j'adore,
Et me sauver avec toi.
CARMEN
Pourquoi t'occuper encore
D'un coeur qui n'est plus à toi?
En vain tu dis: je t'adore,
Tu n'obtiendras rien de moi.
C'est en vain.

La fureur me possédait. Je tirai mon couteau. ]'aurais voulu qu'elle eût peur et me demandât grâce, mais cette femme était un démon.
- Pour la dernière fois, m'écriai-je, veux-tu rester avec moi !
- Nonl non! nonl dit-elle en frappant du pied.
Et elle tira de son doigt une bague que je lui avais donnée, et la jeta dans les broussailles.
Je la frappai deux fois.

DON JOSÉ
Je suis las de te menacer.
CARMEN
Eh bien! frappe-moi donc ou laisse-moi passer.
CHOEUR
Victoire! victoire!
DON JOSE
Pour la dernière fois, démon,
Veux-tu me suivre?
CARMEN
Non! non!
Cette bague autrefois tu me l'avais donnée,
Tiens ...
(Elle la jette a la volée. )
DON JOSÉ
(en frappant Carmen)
Eh bien, damnée ...
(Carmen tombe morte. Fanfares et choeur dans
l'arène.)
(...)

Et Mérimée de conclure sur une morale bien conservatrice :

L'ermite était un saint homme. Il a prié pour elle ! Il a dit une messe pour son âme... Pauvre enfant! Ce sont les Calé qui sont coupables pour l'avoir élevée ainsi.


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