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Critique de Lamifranz


Le danger avec l'exotisme, c'est de tomber dans le cliché, le folklore, la carte postale. Si votre pays, votre région, votre province n'est qu'un « décor où accrocher [vos] tableaux » (comme disait Alexandre Dumas, en parlant de l'Histoire), passe encore. Mais si vous voulez représenter l'âme profonde de votre pays, soit il faut y être né (et dans ce cas, ça doit venir naturellement – en principe), soit il faut le connaître intimement, soit il faut être un écrivain d'exception. Mérimée n'est pas Epagnol, ni Corse, c'est un écrivain très honorable et talentueux, même s'il n'est pas un génie, mais il a réussi à faire passer quelque chose de l'âme espagnole, et plus encore de l'âme corse dans ses écrits. A cela deux explications, il connaît les pays qu'il a visités : en tant qu'inspecteur des monuments historiques, il a été amené à étudier l'histoire, la géographie et aussi la culture de ces terroirs. Ensuite il s'est attaché à intégrer ces traditions dans les histoires proposées à ses lecteurs, en évitant autant que possible la « carte postale ».
Depuis bientôt deux siècles, « Colomba » est « le » roman de la Corse. On pourrait dire que tous les poncifs et les clichés y sont représentés, le climat sec et aride, les caractères fiers et susceptibles, la vendetta (lisez « Astérix en Corse », vous retrouverez, tout ça, et même une héroïne qui s'appelle « Parlomba » !). Mais le charme passe, et les Corses ne renient pas ce roman qui leur rend hommage.
Donc Mérimée a joué sur deux tableaux : l'exotisme et « l'ethnologie » (sous une forme plus légère). Son savoir-faire littéraire, ainsi que sa culture classique ont fait le reste : car ne l'oublions pas, « Colomba », c'est ni plus ni moins l'histoire d'« Electre » transposée en Corse. :
Le père de Colomba et Orso a été assassiné par le vieux Barracini. Colomba demande à son frère de venger l'honneur de la famille. Mais celui-ci qui revient des campagnes de l'Empire, n'a plus le goût du sang et ses idées plus pacifistes sont contraire à la notion de « vendetta ».
Colomba, fière et farouche, va tout essayer pour convaincre Orso. Mais celui-ci est réticent, en plus il s'est embringué dans une histoire d'amour avec une jeune anglaise. Finalement, c'est le hasard qui résoudra l'affaire.
Ici, plus encore que dans « Carmen », on sent bien que le décor fait partie de l'action L'auteur joue avec cette ambiguïté ente l'authentique et le cliché, mais il nous fait participer de plain-pied aux aventures de ses héros, et nous fait comprendre (ou veut, ou croit, ou semble nous faire comprendre) les dessous de la psychologie corse. En fait, comme dans « Carmen », la spécificité nationale n'est que de surface, tout ça reste des affaires de coeur, de passion, de caractères… comme dans la tragédie antique. L'exotisme, c'est un plus, un plus intéressant parce qu'il ancre l'histoire dans une culture spécifique – qui aurait pu être la nôtre.
« Colomba » et « Carmen », avec « La Vénus d'Ille », sont mes trois nouvelles préférées de Mérimée. On y retrouve ce style bref, presque sec mais animé et précis qui fait qu'on le lit très facilement. On le rapproche parfois De Stendhal, en plus impersonnel, mais chacun a ses attraits, et ses points moins agréables… Et Mérimée est aussi l'auteur de la fameuse « dictée » que Bernard Pivot essaye de faire perdurer depuis plusieurs décennies… Ah ! les cuisseaux de veau et les cuissots de chevreuil ! Pour les sangliers corses, on ne sait pas…
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