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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Montréal, janvier 2017. Aujourd'hui, Aude Mermilliot a rendez-vous avec Martin Winckler, médecin généraliste et écrivain, investi contre les violences obstétricales. La jeune femme a très envie de lui parler de son nouveau projet de bande dessinée portant sur l'avortement. Aussitôt, elle lui confie combien son roman, "Le choeur de femmes", l'a bouleversée après son propre avortement, combien elle s'est retrouvée en l'héroïne, combien elle partageait tous ses sentiments et sensations. C'est alors que la scénariste lui raconte, depuis le début, son histoire...
Bruxelles, 2001. Serveuse dans une brasserie, Aude enchaine les relations après une rupture amoureuse. Mais avec Christophe, elle se sent bien. Presque amoureuse. Mais quelques mois plus tard, elle est parcourue de symptômes étranges (vomissements, nausées, vertiges, fatigue). Sa colocataire lui conseille de faire un test de grossesse. Pour Aude, aucune raison que cela soit ça étant donné qu'elle porte un stérilet. Et pourtant, le résultat est sans appel : elle est enceinte !

Avec cet album, Aude Mermilliot et Martin Winckler traitent d'un sujet délicat et terriblement sensible : l'IVG. Difficile d'en parler encore de nos jours tant le sujet semble tabou, parfois porté comme une honte pour certaines femmes. La scénariste et dessinatrice a sollicité l'aide et le témoignage de Martin Winckler, un médecin qui, comme le montre la deuxième partie de l'album, s'investit beaucoup pour cette cause et écouta nombre de femmes qui poussèrent la porte de son cabinet. Quant à la première partie, il s'agit du témoignage d'Aude qui se livre sans concession et sans tabou. Elle dépeint avec sensibilité, humour parfois, son parcours, avant et après l'avortement, ses émotions, ses doutes, ses moments difficiles, la réaction de sa famille et de son entourage. Deux témoignages profonds, sincères qui se complètent parfaitement et permettent de comprendre l'ampleur cet acte.
Un album délicat et, ô combien, utile...
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Non, les femmes qui avortent ne sont pas toutes des écervelées, des inconscientes et des irresponsables qui se sont laissées entrainer à faire des galipettes sans aucune protection ou ont oublié leur pilule un soir de trop.
Cette bande dessinée aborde un thème difficile, celui de l'avortement.
Il y a deux points de vue, celui d'une jeune femme qui tombe enceinte alors qu'elle porte un stérilet et celui d'un médecin qui va consacrer une partie de sa carrière à la médecine féminine (contraception et avortement).
J'ai été très émue par le témoignage de cette jeune femme qui explique comment elle a vécu cette période de sa vie, comment s'est passé l'intervention et ce qu'elle a ressenti par la suite.
Le point de vue du médecin est tout aussi passionnant, on voit comment il a découvert cette partie de la médecine à laquelle il semblerait que les futurs médecins soient très peu formés, comment il a appris à écouter et à comprendre les femmes, de tous les âges et de tous les milieux sociaux, leurs questions, leurs peurs et leurs histoires, ce qui lui a permis de pouvoir les aider sans les juger.
Ces deux récits forment un ensemble cohérent, sincère, pudique et très touchant.
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Une femme, un homme,
Deux récits sur l'avortement,
Par celle qui le subit, par celui qui le pratique.

Aude Mermilliod a avorté en 2011. Pour témoigner de son expérience, Aude a écrit un scénario de bande dessinée sur l'IVG. Extrêmement touchée par le livre « Le choeur des femmes » de Martin Winckler, elle contacte en 2017 l'auteur – de son vrai nom Marc Zaffran – afin de lui parler de ce qu'elle a vécu et de pouvoir compléter son scénario par sa propre histoire de médecin, pratiquant dans les centres d'IVG. Elle souhaite offrir aux femmes – et aux hommes – un récit authentique qu'elle aurait elle-même aimé lire à cette époque de sa vie.

Aude Mermilliod partage avec le lecteur ce tremblement de corps qu'est l'avortement et tous ces faits et gestes qui ne devraient pas se produire au moment de l'intervention, épisode bouleversant pour toute femme qui le vit. Son intervention médicale aurait pu mieux se passer mais elle tient avant tout à témoigner de ces montagnes russes émotionnelles provoquées par cette possibilité d'avoir ou non un enfant. De l'annonce aux proches à l'intervention, les réactions et soutiens divers se manifestent. Aude le sait : l'IVG est un droit, l'IVG est pour celles qui le font la meilleure solution à cet instant T de leur vie, pour elles et cet enfant qui n'existera jamais. Mais l'IVG demeure un deuil – qui n'en porte pas le nom. C'est de tout ce chamboulement, émotionnel et physique, que la première partie de la bande dessinée témoigne.
La second partie, consacrée à Marc Zaffran, revient sur le parcours du médecin et romancier, militant depuis toujours pour l'IVG et contre les violences obstétricales. Cette partie est notamment l'occasion de revenir sur l'avant « loi Veil « , lorsque les femmes étaient réduites à subir des IVG clandestines dangereuses pour leur vie. On suit la carrière d'un jeune médecin plein d'idéaux qui se rendra compte que pour aider ces femmes, il ne faut pas les juger mais juste les écouter et être solidaire. Depuis ces années de pratique dans les centres d'IVG, les valeurs éthiques de Marc Zaffran se sont renforcées et c'est dans les livres qu'il tente de les transmettre. Sous le nom de Martin Winckler.

Pour aborder un sujet qui fait encore peur et qui est encore ô combien tabou, Maud Mermilliod utilise des couleurs douces et chaleureuses, un graphisme rond et chaloupé, de l'humour aussi parfois. En unissant ses dessins et son témoignage à la voix de Martin Winckler, elle atteint son but : rassurer toutes celles qui ont vécu, vivent et vivront ce choix.
Un ouvrage extrêmement émouvant et nécessaire, à conseiller dans tous les lieux de lecture !
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Je me suis laissé emporter par ce très beau roman graphique, Il fallait que je vous le dise. Ce récit est la rencontre de la dessinatrice Aude Mermilliod et du médecin Marc Zaffran, plus connu sous son pseudonyme de romancier, Martin Winckler, mobilisé en particulier contre les violences obstétricales.
C'est justement un roman de Martin Winckler, traitant de ce sujet, le Choeur des femmes, qui provoque la rencontre entre les deux personnes. C'est ainsi que débute ce roman graphique, la jeune femme souhaitant évoquer son projet de bande dessinée consacrée à ce sujet, à partir de sa propre expérience. Après son avortement, la lecture du roman de Martin Winckler l'avait profondément bouleversée...
Cette BD est conçue en deux récits. La première partie est consacrée à l'histoire d'Aude qui se retrouve enceinte alors qu'elle porte un stérilet et n'envisage pas de donner naissance à cet enfant qu'elle ne veut pas, elle se pose alors d'emblée la question de l'avortement.
Aude va vivre cet événement avec beaucoup de douleurs et de traumatismes. C'est le sentiment de tristesse qui l'étreint en premier lieu, une tristesse à laquelle nous sommes conviés. Elle avorte et dans le même temps elle accompagne cet acte en accordant la même attention à son corps qu'elle pourrait lui porter lors d'une naissance à venir.
À travers quelques fragments de cette histoire qui précède, accompagne et suit son avortement, Aude nous livre alors, son angoisse, sa culpabilité, sa solitude, sa souffrance autant physique que psychique, l'impossibilité parfois d'être comprise de ses proches, mais surtout cette impossibilité de pouvoir partager son expérience autour d'elle....
Dans ce récit tout en sensibilité, Aude Mermilliod pourtant se dévoile sans fard ni pudeur, car son histoire personnelle est d'une portée universelle...
Le trait du dessin tout en douceur pastelle est là pour livrer une émotion à fleur de peau, la sienne tout d'abord, mais aussi celle des autres femmes qui vivent cela, dans les failles et les zones d'ombres de leurs histoires...
Parfois c'est brut de vérité, c'est cru, c'est naturel et touchant à la fois. Bref, c'est beau.
Aude souffre, elle est malheureuse. Nous souffrons avec elle. Difficile pour moi, en tant qu'homme de le dire... Et c'est sans doute justement là que le récit prend son sens et son ampleur, dans cette empathie, ressentir à la place de l'autre ce qu'il ou qu'elle ressent. C'est dans la seconde partie du récit que ce sentiment s'exprime. Il offre à Marc Zaffran l'occasion de raconter son parcours de médecin auquel il consacra le début de sa carrière à la médecine féminine, évoquant notamment cette discipline à laquelle les jeunes médecins étaient peu formés alors, démunis devant le désarroi et la douleur des femmes qui se faisaient avorter. Démuni comme les autres, Marc Zaffran apprend alors à écouter, comprendre les femmes de tous âges, quelles que soient leurs origines sociales, comprendre leurs peurs, leurs doutes, leurs histoires, comprendre pour les aider sans morale ni jugement.
Ce thème de l'avortement est loin d'être facile à traiter. Il n'en est pas moins difficile de faire la critique d'un roman graphique consacré à ce sujet.
Les deux récits se parlent, se font écho, se juxtaposent avec sens et harmonie. L'ensemble est d'une cohérence qui séduit, accroche le lecteur.
Ce roman graphique ne peut laisser insensible. Les hommes doivent eux aussi absolument se saisir de cette lecture.
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« Aucune femme ne recourt de gaieté de coeur à l'avortement. Il suffit d'écouter les femmes : c'est toujours un drame, cela restera toujours un drame. »
- extrait du discours de Simone Veil devant l'Assemblée nationale, en novembre 1974.
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C'est en effet une chance d'arriver à la ménopause sans avoir été confrontée à ce terrible choix.
Comme le chante formidablement Anne Sylvestre, à propos de ce petit "tu" qui "n'a pas de nom", et de la probable IVG à venir :
« Mais as-tu plus d'importance
Plus de poids qu'une semence
Oh ce n'est pas une fête
C'est plutôt une défaite
Mais c'est la mienne et j'estime
Qu'il y a bien deux victimes (...)
Ils en ont bien de la chance
Ceux qui croient que ça se pense
Ça se hurle ça se souffre
C'est la mort et c'est le gouffre. »
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Quoi qu'il en soit, la possibilité de choisir reste précieuse.
« Aujourd'hui je te refuse
Qui sont-ils ceux qui m'accusent (...) »
Taisez-vous, les populistes réac', il n'est pas question de remettre en cause ce droit - jeunes femmes, restez vigilantes !
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Malgré le port d'un stérilet, Aude (auteure de cet album & narratrice) s'est retrouvée enceinte, et a dû prendre "la" décision. Elle raconte ce cheminement douloureux, les réactions de l'entourage (souvent maladroites) et l'intervention médicale.
Quelques années plus tard, elle contacte le célèbre Marc Zaffran (alias Martin Winckler), médecin généraliste qui a travaillé en obstétrique et s'est engagé dès les années 1970 en faveur de la contraception et de l'avortement. On le connaît grâce à ses ouvrages - des romans, pour la plupart, dont 'La maladie de Sachs' (et son adaptation ciné par Michel Deville de 1999, avec l'excellente interprétation d'Albert Dupontel).
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Avec le témoignage de Martin Winckler recueilli par Aude Mermilliod, j'ai retrouvé le ton rassurant du formidable 'Le Choeur des femmes', où le médecin écoute avant d'ausculter, respecte la pudeur, discute de façon apaisante, et surtout : ne juge pas.
Lorsqu'on est amené(e) à consulter, on aimerait trouver autant de bienveillance, de douceur, de patience et de réconfort.
Ces besoins (nos priorités, en tant que patients) sont-elles inscrites dans le serment d'Hippocrate ?
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'Non, tu n'as pas de nom' ♪♫ - Anne Sylvestre
- chanson présentée par Rebecca Manzoni, et illustrée avec talent par Leslie Plée
https://www.youtube.com/watch?v=GvZUPSG1_dg
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"Je crois que j'ai essayé d'entrer dans les failles, les zones d'ombre dont on ne parle pas assez, tout ce foutoir émotionnel que vous procure cette possibilité d'avoir ou non un enfant
Oui, je crois qu'il est là , le sujet de ce livre, dans tous ces espaces confus, flous et faits d'émotions brutes. Essayer de mettre des mots dessus, et si ça ne peut pas se dire, peut-être que ça peut se dessiner."
En tous cas il fallait avoir le cran de le dire ou de le dessiner ce foutoir! Aude Mermilliod l'a fait qu'elle en soit remerciée. Avec la complicité de Martin Winckler elle nous offre ici un roman graphique de haute tenue qui aborde le sujet de l'IVG celle qui la subit et celui qui la fait.
Un roman à mettre entre les mains de toutes et de tous en âge de devoir y faire face.



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Une BD engagée et nécessaire sur un sujet toujours délicat.
L'IVG vue par une femme qui l'a vécue dans sa chair et vue par un médecin qui la pratique.
Aude Mermilliod met des mots et des images sur sa vie, son vécu, sa blessure et sur celles de tant d'autres femmes.
Ce n'est pas une lecture facile et je pense qu'elle ne peut laisser indifférent.
Le dessin est très bon, à la fois doux et précis et sert très bien le propos en le mettant en valeurs. le choix et le traitement des couleurs est également très judicieux.
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Ce tome contient une histoire complète, indépendante de toute autre, un témoignage sur un avortement. Il s'agit d'une bande dessinée en couleurs, dont la première édition date de 2019. Il a été réalisé par Aude Mermilliod, scénario, dessins, couleurs. Il comporte 155 pages de BD. Il commence par trois strophes extraites de la chanson Non, tu n'as pas de nom, d'Anne Sylvestre. Se trouvent ensuite un avant-propos d'Aude Mermilliod expliquant pourquoi elle a réalisé un tel ouvrage, puis une introduction de Martin Winckler.

À Montréal, en janvier 2017, Aude Memilliod a rendez-vous dans un café, avec le docteur Marc Zaffran, écrivant sous le nom de plume de Martin Winckler. Elle l'attend en sirotant un thé, et en relisant le manuscrit de sa bande dessinée. Il arrive, s'assoit et commande à son tour. Elle lui explique sa démarche : réaliser une bande dessinée sur avortement, projet qu'elle a bâti après avoir lu le Choeur des Femmes (2009) de Martin Winckler. Elle ajoute qu'elle aimerait compléter cette première partie, avec une deuxième retraçant la vie professionnelle du médecin. Il accepte bien volontiers de l'écouter. Pour Aude, l'histoire de son avortement a commencé en 2011, à Bruxelles, quand elle était serveuse dans un bar. Sa journée était fatigante, et elle était contente de rentrer dans son appartement et de retrouver son chat. À cette époque, Aude sort d'une relation suivie de 3 ans avec Jonathan. Elle a entamé une autre relation avec Christophe. Elle se rend compte qu'au quotidien elle a des impulsions qu'elle a du mal à réprimer : envie de tuer une interlocutrice avec une voix insupportable, envie irrépressible d'une tarte à l'oignon suive d'un dégout prononcé pour le goût de l'oignon, fredonner la Javanaise (1963) de Serge Gainsbourg pendant des semaines. Lucie, sa colocataire, finit par lui demander si elle ne serait pas enceinte. Après la journée de travail du lendemain, Aude se dit qu'il faut effectivement qu'elle fasse un test. Elle passe par la pharmacie en rentrant pour en acheter un et l'utilise dès qu'elle est rentrée : il est positif, ce qui la met hors d'elle sachant qu'elle porte un stérilet. Finalement, elle appelle sa copine Vic, enceinte de 8 mois, et en discute avec elle.

Deuxième partie - Aude Mermilliod finit de raconter son histoire personnelle à Marc Zaffran, en disant qu'elle a lu son livre le choeur des femmes après coup, et qu'elle souhaite raconter son histoire à lui. Il lui propose d'aller parler en marchant, malgré la neige qui tombe. Tout en marchant, il lui raconte son histoire : son père médecin qui faisait partie d'un réseau pratiquant des IVG clandestines. Il continue : sa première année à la fac de médecine du Mans, sa rencontre avec Caroline, une jeune femme libérée prenant la pilule. En mai 1974, Simone Veil est nommée Ministre de la Santé. le 29 novembre 1974, elle prononce un discours sur la loi IVG devant l'Assemblée Nationale. le 17 janvier 1975, la loi est promulguée : il reste à la mettre en oeuvre.

Il s'agit donc d'un récit autobiographique en 2 parties : la première (76 pages) est consacrée à Aude Mermilliod et racontée par elle-même, la seconde (62 pages) est consacrée à Marc Zaffran, racontée par lui et dessinée par Aude. Dès la première page, le lecteur est sous le charme des dessins : ils sont très proches de la ligne claire, avec juste quelques rares traits dans les surfaces pour rehausser le pli des vêtements, et parfois l'usage très limité de 2 teintes d'une même nuance dans une surface détourée pour évoquer la luminosité. L'artiste arrondi un peu les visages et les silhouettes, les rendant plus douces, plus agréables à l'oeil, plus sympathiques. Elle met en oeuvre une approche naturaliste et descriptive, que ce soit pour les tenues vestimentaires, ou le jeu de ses acteurs. le lecteur suit les différents personnages, comme s'il se tenait à leurs côtés, dans la même pièce. Il se sent le bienvenu en leur présence, assistant à des moments de vie banals, pris sur le vif, parfois invité dans leur intimité (une séance de massage relaxante). Il ne se sent jamais un intrus, plutôt un témoin privilégié qui bénéficie de la confiance que lui portent les personnages, sûrs de son regard bienveillant. Il lui semble partager la vie d'Aude comme un ami intime : sa colère en se découvrant enceinte, son regard préoccupé jusqu'à l'opération, ses sautes d'humeur, sa force de caractère, son assurance face à un mec trop insistant, son abandon en toute confiance lors de la séance de massage. L'autrice met un peu plus de distance dans sa représentation de Marc Zaffran, d'une part parce que ce n'est pas elle, ensuite parce qu'il s'agit plus de ses deux vies professionnelles (médecin & auteur) que de sa vie privée.

Quoi qu'il en soit du sujet abordé, la lecture est des plus agréables, grâce à une forme de prévenance et à un humour discret et naturel, toujours bienveillant. Aude n'hésite pas à se moquer gentiment d'elle-même : sa rage à se laver les dents pour faire disparaître le goût de la tarte aux oignons, sa traversée des phases de déni, de colère, de déprime pour accepter le résultat du test de grossesse, ses bouffées de chaleur, son exaspération face aux copines qui lui disent que ce n'est rien, son énervement face au mec trop insistant, etc. Elle se montre tout aussi habile à faire passer les émotions plus délicates comme les moments de détresse émotionnelle passagers d'Aude, le ressenti lors de l'opération d'avortement, son inquiétude à constater que les saignements continuent plusieurs jours après l'opération, ses ressentis à la lecture du livre de Martin Winckler, l'étonnement de Marc Zaffran face à la franche proposition de Caroline, le calme imposant de Simone Veil face à une assemblée composée uniquement d'hommes, le regard de jugement de la femme à l'accueil orientant vers le tout nouveau service d'IVG, le visage plein de sérieux d'un jeune Marc Zaffran apprenant à pratiquer une IVG, le regard plein de compréhension de l'aide-soignante expliquant à Marc Zaffran, médecin, qu'il y a un temps pour aborder la question de la contraception avec ses patientes, etc.

Le lecteur a parfois du mal à croire à l'élégance de la mise en images pour des scènes délicates. L'opération d'IVG se déroule sur 6 pages : le lecteur ressent les sensations physiques et les émotions d'Aude, sans que les dessins ne deviennent trop graphiques, ou photographiques, ou cliniques, un moment bouleversant. Il en va de même pour les 6 pages consacrées au massage pratiqué par Laëtitia, dépourvu de toute vulgarité, de toute sensation de voyeurisme. le lecteur est tout aussi transporté dans l'esprit de Marc Zaffran quand il apprend à pratiquer une interruption volontaire de grossesse, en observant un collègue, ou quand il pratique sa première opération, à nouveau sans voyeurisme, sans gros plans techniques. Il le regarde également se mettre à la place d'une femme venant pour l'opération, le médecin s'imaginant ce qu'elle ressent au fur et à mesure du rendez-vous et de l'opération, le lecteur éprouvant ses sensations.

Avec la première partie autobiographique, Aude Memilliod atteint l'objectif qu'elle annonce dans son introduction : évoquer son expérience sans fard et sans dramatisation, sans tabou et sans mettre le lecteur mal à l'aise, avec une narration douce, drôle, grave, précise dans les faits et les émotions. le lecteur passe ensuite à la deuxième partie en se demandant si elle est bien indispensable. L'autrice fait le lien avec sa propre expérience par la lecture de le choeur des femmes, un roman, mais aussi une réflexion sur la pratique de la gynécologie et sur la relation soignant-soigné. le lecteur comprend bien que l'autrice ne pouvait pas envisager son témoignage, en omettant l'expérience de Marc Zaffran, médecin à l'écoute des femmes, ses patientes. Sa vie constitue également un témoignage sur la mise en pratique de la loi de 1975 sur l'interruption volontaire de grossesse, sur la façon d'écouter les patients au lieu de se limiter à appliquer des techniques médicales, sur la question de la transmission de ce savoir acquis de l'expérience, par l'écriture. Dans son introduction, Marc Zaffran se questionne que ce soit lui, un homme, qui rapporte les paroles des femmes, pas tant sur sa légitimité, mais sur la justesse de sa sensibilité. En découvrant sa pratique de la médecine, le lecteur constate que son humilité lui a permis d'écouter, et que son savoir lui vient des femmes qu'il a écoutées : celles en fac de médecine avec lui, Aline (docteure pratiquant l'IVG en hôpital), Yvonne Lagneau, aide-soignante en centre de planification. Cette partie constitue également, par moment, un témoignage historique : le discours de Simone Veil, les jugements de valeurs moraux associés à l'IVG, le besoin d'avoir plus de médecins pratiquant l'IVG, le partage des bonnes pratiques. Cette partie n'est pas un historique de l'IVG : pour cela, l'autrice renvoie à la bande dessinée le choix (2015) de Désirée et Alain Frappier.

Le lecteur entame cette bande dessinée peut-être un peu intimidé par la pagination, peut-être pas totalement convaincu de la pertinence de la deuxième partie. Il est tout de suite charmé par Aude, en totale empathie avec elle grâce à une narration visuelle élégante et sensible. Il passe dans la foulée à la deuxième partie : elle fait immédiatement sens, à la fois en donnant à voir l'autre côté (la médecine), mais aussi par l'empathie de Marc Zaffran en phase parfaite avec les ressentis d'Aude Mermilliod. le lecteur aura pu se faire une idée de ce que peut représenter un avortement pour une femme. La lectrice aura pu bénéficier d'un témoignage informatif, ou partager cette expérience.
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Dans "Il fallait que je vous le dise", Aude Mermilliod témoigne d'un fait de société qui prête encore beaucoup à débat : l'avortement. Avec du recul et le respect des faits, elle décrit cette intervention qui, même si c'est un choix, peut laisser des marques.

Dans ce témoignage, l'auteur se met à nu, évoque son rapport au corps. Elle montre également que, dans cette situation comme dans bien d'autres, c'est quitte ou double pour la prise en charge : parfois vous tomber sur un médecin faisant preuve d'humanité, parfois il y a un gros manque d'explications et d'empathie.

Pour appuyer ses propos, ce roman graphique est complété par le témoignage du médecin romancier Martin Winckler, fervent défenseur du droit à l'avortement. Il parle de ses débuts, de son engagement, des erreurs commises et de la multitude des situations rencontrées. Ce deuxième témoignage est pour moi le plus fort car il appui ce droit des femmes à disposer de leur corps. On ne peut pas juger ce qu'on ne vit pas au quotidien. Et les propos tenus par l'aide-soignante qui l'accompagne sont une bonne leçon de vie.

C'est un roman graphique que beaucoup devrait lire pour irriguer leur esprit étriqué. Il permettrait peut-être d'atténuer les jugements malvenus.
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C'est un roman graphique très particulier que nous propose Aude Mermilliod. En effet, elle profite de cette BD pour nous proposer deux histoires en parallèle ou deux histoires complémentaires.

D'abord la sienne. Aude a avorté, il y a quelques années mais n'avait jamais pu en parler, gardant pour elle ses peurs et ses sensations. Mais un jour elle a eu besoin de parler, de partager avec les autres femmes, mais aussi avec les hommes et les médecins. Tout restait bloqué au fond d'elle. Difficile d'avancer et de construire dans ces conditions. L'élément déclencheur sera la lecture d'un livre écrit par un médecin, Martin Winckler ( de son vrai nom Marc Zaffran), "Le choeurs des femmes". Cette lecture a libéré la parole de Aude Mermilliod qui va scénariser son histoire sous forme de BD. Elle va rencontrer Martin Winckler, installé au Canada, pour lui présenter son projet : écrire son histoire mais aussi celle de ce médecin qui a voulu accompagner les femmes qui devaient ou voulaient avorter.

Aude raconte son histoire avec beaucoup de pudeur et beaucoup d'émotions. Elle décrit son parcours, les rencontres avec d'autres femmes dans sa situation mais aussi avec les médecins et les soignants. Elle évoque aussi sa solitude, la détresse des femmes dans sa situation. Aude Mermilliod nous permet de comprendre ce que peut ressentir une femme dans ces moments difficiles.

Aude ne nous épargne aucun détail car elle se veut témoin et pédagogue. Elle évoque des images qui lui sont restées de son avortement, images dont elle aura beaucoup de mal à se séparer. Elle explique aussi la difficulté de la reconstruction, d'oublier un sentiment de culpabilité.

Aude Mermilliod dresse en parallèle, avec son autorisation, l'expérience de Marc Zaffran, depuis son internat en médecine. Ce jeune interne va apprendre auprès de médecins plus expérimentés, va s'intéresser à l'IVG et à comment accompagner les femmes qui consultent en vue d'une opération. Marc s'attache à expliquer, à faire tomber les peurs mais aussi les sentiments de culpabilité. Il aura à coeur d'améliorer les conditions d'accueil, le confort de ses patientes. Marc explique la prise de conscience qui a été la sienne : aider, soutenir, accompagner en faisant attention aux propos tenus, au bruit, à l'ambiance du cabinet.

Le graphisme de Aude Mermilliod est simple mais pas simpliste. j'ai apprécié le choix de ne pas cerner les cases mais de le faire pour les phylactères. J'ai beaucoup aimé les tons doux des couleurs qui adoucissent le drame des situations décrites.

J'ai trouvé ce roman graphique très intéressant pour aborder la problématique de l'IVG avec différents publics, avec des adolescents dans un but éducatif mais aussi avec des femmes, des couples venant consulter dans le cadre d'une IVG.

Lecture très intéressante au moment de l'étude par le Congrès de la loi inscrivant l'IVG dans notre constitution. Petite précision : je n'ai pas pris ce livre en fonction de l'actualité mais le hasard fait parfois bien les choses. Cette lecture m'a touché, m'a ému.

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