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Critique de Fandol


Roman délicat, sensible, à la fois personnel et universel, d'une intimité désarmante, Les années sans soleil finit de me convaincre du grand talent d'écrivain de Vincent Message.
Découvert grâce au Prix Orange du Livre 2016 avec Défaite des maîtres et possesseurs, Vincent Message m'avait convaincu dans un genre très différent avec Cora dans la spirale. Ici, Les années sans soleil m'ont ramené en 2020, au tout début de cette catastrophe planétaire, cette pandémie qui a bouleversé et bouleverse encore la vie du monde, même si l'auteur, très habilement, n'écrit jamais son nom.
Tout commence à l'aéroport de New York où le narrateur, Elias Torres, jeune écrivain français (43 ans), débarque pour faire la promotion de Hibernation, son premier roman traduit en anglais qui vient de paraître aux États-Unis. D'ailleurs, Emily Kent, la traductrice, l'attend.
Hélas, rien ne se passe comme prévu. Après un contrôle de police très énigmatique, le revoilà dans l'avion avec une bonne partie des passagers du vol aller, pour un retour à Paris.
Elias vit à Toulouse avec Camille et ils ont deux enfants : Maud (17 ans) et Diego (2 ans et demi). Avant de me balader dans sa ville, le long de la Garonne et du Canal du Midi, Elias, Camille, Maud et Diego s'offrent une belle escapade dans les Corbières avec une visite de l'abbaye de Fontfroide qui me rappelle d'agréables souvenirs.
Puis, c'est Toulouse et la pression qui s'accentue même si Elias travaille encore dans la petite librairie de son ami Marcus, jusqu'au moment où tout ferme.
Comme Camille est employée dans un magasin d'alimentation, Elias se retrouve seul avec Maud et Diego, un désir d'écrire et toutes les difficultés qui l'accompagnent. Quoi ? Quand ? Comment ? Où ?
Les années sans soleil regorgeant de références poétiques, littéraires, artistiques, historiques, je ne vais pas me risquer à les citer toutes. Sur internet, Elias commence à chercher les pires années vécues sur Terre. Cela ne manque pas comme cette grippe espagnole qui fit plus de morts que la première guerre mondiale enfin terminée. La peste noire, de 1347 à 1392 et les horribles famines, sans oublier les chambres à gaz, les atrocités commises par les nazis, le goulag soviétique, les camps chinois, les génocides et les régimes totalitaires qui continuent de sévir, la liste n'est pas exhaustive.
Mais notre écrivain en recherche d'inspiration s'arrête sur les années 535-536 qui paraissent oubliées mais que l'historien britannique, Michaël McCormick a sorties de l'oubli. Jamais véritablement expliquées, ces années sans soleil ont causé des dégâts humains considérables entraînant des mouvements de population d'un continent à l'autre. Ce ciel voilé constamment ou presque par un immense nuage de poussière sûrement causé par une ou plusieurs éruptions volcaniques - plutôt que par un astéroïde géant s'étant écrasé sur notre planète - comme les poussières retrouvées dans les glaces remontant à cette époque lointaine le prouvent.
Elias lit beaucoup : Peter Drysdale, enseignant à Chicago, Procope de Césarée qui raconte les guerres de Justinien, ce qui l'amène à retrouver un vieil ami : Igor Mumsen qui habite près de chez lui. Ce poète a une bibliothèque précieuse et Elias peut en consulter les ouvrages qui l'intéressent.
Tout se déroule dans cette ville de Toulouse et la Garonne que chantait merveilleusement Julos Beaucarne, attire Elias. Il habite un peu trop loin du fleuve mais tant pis, il y va ! S'il se trouve bien sur ses rives, une femme attire sa curiosité mais un contrôle tatillon de la police met fin brusquement à son escapade.
Au cours de ma lecture, j'ai aimé apprendre, me souvenir de tous ces malheurs qui ont frappé régulièrement la Terre de quelque source qu'ils viennent. Si, en ce moment, c'est une pandémie, une autre menace est bien plus inquiétante encore : le réchauffement climatique contre lequel aucune mesure vraiment sérieuse n'est prise.
En attendant, Elias apprécie un certain retour à la liberté mais une répression policière féroce, lors d'une fête improvisée sur le port de la Daurade, bouleverse la vie familiale puisque Maud, présente avec les jeunes de son âge, en ressort absolument traumatisée physiquement mais surtout psychologiquement.
Vincent Message, au travers des confidences, des impressions relatées par Elias, a bien fait ressortir toutes les conséquences familiales et intimes après ce qu'a subi Maud, suite aux violences policières. Il évoque Antonin Artaud qui avait été interné à Rodez où Maud est soignée.
Avant de mettre un point final à son histoire, Elias Torres me ramène au Japon grâce à Aiko Ogiwara, une cuisinière de grand talent. Vincent Message sait parfaitement faire venir l'eau à la bouche du lecteur que je suis, ignorant presque tout des subtilités de la cuisine japonaise.
Les années sans soleil est à la fois un roman plein de délices, d'érudition, de moments tendus, délicats, violents, ne négligeant pas un peu d'érotisme, de découverte de la nature et des animaux.
Bref, une fois de plus, Vincent Message m'a régalé et je ne peux que remercier vivement Babelio et les éditions du Seuil pour cette nouvelle lecture d'un écrivain qui compte beaucoup pour moi.

Lien : https://notre-jardin-des-liv..
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