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Citations sur Ce que nous confions au vent (189)

Yui était morose, vaguement encline à la tristesse, comme si on l’avait
conçue bancale et que chanceler était dans sa nature.
Une enfant aussi sensible que Hana avait-elle besoin de cela ? Yui ne
risquait-elle pas de lui transmettre sa sourde mélancolie ?
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La semaine suivante, ces scènes imaginaires la poursuivirent partout – à
la caisse, au moment de payer une laitue ou une grappe de raisin ; dans la
queue devant les toilettes de la gare ; dans le hall de l’immeuble de la radio
où elle entrait d’un pas rapide. La peur d’être incapable d’aimer Hana
comme elle l’aurait dû, surtout dans les périodes de crise, l’assaillait à
intervalles réguliers.
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Le deuil, lui avait dit une fois Yui, est un drôle de plat qu’on doit
manger tous les jours, un fricot fait de petits riens et patiemment ingéré : un
jour un quignon de pain, un grain de riz, le lendemain le jaune éclatant du
citron. La digestion en était lente.
Il devait en aller de même pour le bonheur, pensait Takeshi.
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« Elle m’a paru bien calme, cette jeune fille.
– Je crois qu’elle était surtout très gênée.
– Tu ne l’as pas trouvée calme ?
– C’est difficile à dire. À cet âge-là, les jeunes sont énigmatiques, sauf
quand ils sont entre eux.
– Pour moi, tous les adolescents sont l’incarnation de ce principe
surréaliste…
– Lequel ?
– Je ne sais plus au juste… quelque chose comme “Seul ce qui est
convulsif est beau”.
– “Convulsif”, c’est-à-dire excessif ?
– Oui, tout blanc ou tout noir, magnifique ou répugnant. C’est un âge
sans demi-mesure.
– Et toi, comment étais-tu, adolescent ?
– Comme tous les autres : sans demi-mesure.
– Je me demande comment sera Hana à l’adolescence…
– Comme tous les autres : sans demi-mesure. »
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« C’est vrai, j’ai agi comme une inconsciente. Vous n’y êtes pour rien,
je vous assure, ajouta Yui en s’approchant d’elle. À l’idée qu’il risquait
d’arriver quelque chose à Bell Gardia, au Téléphone du Vent et à tout ce
que vous avez construit pour nous pendant toutes ces années, j’ai perdu la
tête. Veuillez tous m’excuser ! dit-elle en s’inclinant. Moi qui n’osais plus
parler au futur, j’ai été rattrapée par l’avenir », conclut-elle. C’était cela, la
magie de Bell Gardia.
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Et soudain, tandis que Yui, qui lui tournait le dos, préparait le bentô de
Hana, il lâcha cette phrase explosive.
Il ne lui dit pas ce qu’il aimait chez elle, il y avait tant d’aspects de Yui
qu’il aimait – pas seulement à cause de Hana, même si cela comptait pour
beaucoup. Il discernait dans ce sentiment des sentiers qui ne menaient qu’à
Yui – son approche toujours pratique des situations par exemple ; son geste
sensuel pour rejeter ses cheveux en arrière, comme si elle repoussait une
vague ; sa manière d’accompagner les portes des deux mains ; le ton
constamment posé de sa voix.
Bien qu’il ait toujours aimé les femmes bien en chair et de nature
joviale, il lisait la silhouette fluette de Yui, les lignes apparentes de son
ossature comme une carte. Regarder son corps, surtout l’été, c’était en
distinguer les os, apprendre leur agencement, suivre la route d’une veine
jusqu’à sa jonction avec une autre.
Mais trivialement, il lui dit seulement qu’il l’aimait, répétant sans trêve
ce seul mot : Suki.
Avait-il mal fait ?
Elle sourit mais ne laissa rien paraître, et il craignit qu’accoutumée à la
douleur elle ne s’enferre dans cette résistance au bonheur qui survient
généralement après un grand deuil. Il refusa toutefois de s’abandonner au
pessimisme ; non, plus il y réfléchissait, plus il se persuadait qu’il devait
garder confiance. L’amour finit par convaincre, à la longue.
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Takeshi voyait bien que Yui était bouleversée à l’idée que Bell Gardia
soit fermé à ceux qui en avaient besoin.
Bell Gardia sauvait des vies, le jardin devait rester accessible, répétait-
elle.
Pourtant, répliquait Takeshi, les séminaires qu’on y organisait avaient
bien pour objectif de rendre les visiteurs moins dépendants du lieu, non ? Il
fallait qu’ils s’en détachent, qu’ils apprennent à distancier l’idée de la
chose, pour recréer un endroit similaire dans leur propre jardin ou alors,
pourquoi pas, imaginer une boîte spéciale où glisser des lettres sans adresse.
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– Depuis Tôkyô ? Mais c’est très loin ! » s’exclama le père de Keita,
stupéfait. Il chercha sur le visage de Yui des signes de la capitale, de cette
mégapole qui engloutissait tous les Japonais et où, pendant ses quatre
années d’université, il avait habité lui aussi, éprouvant tour à tour des
phases d’euphorie et de rage devant la foule des passants qu’il croisait dans
la rue.
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« La plupart du temps, elle se tait, mais quand elle parle, elle dit parfois
des trucs assez drôles. Un jour, elle nous a avoué que quand elle réfléchit
intensément à quelque chose, elle finit par en parler à voix haute, sans faire
attention, et que les gens la prennent pour une folle, raconta Keita en riant.
– Sais-tu que ta mère faisait pareil ? Quand elle était plongée dans ses
pensées, il lui arrivait de bouger les lèvres et de temps en temps on
l’entendait aussi. Dans le train, ça n’enchantait pas toujours ses voisins »,
répliqua son père en joignant son rire au sien.
Quand sa femme était morte, leur relation était à son déclin, comme
c’est le cas chez certains couples au bout de cinquante ans. Mais son fils
n’aurait pas compris qu’il fût soulagé de l’aimer un peu moins fort au
moment du déchirement.
Son deuil n’était pas encore tout à fait terminé, mais le père de Keita
avait moins souffert qu’on aurait pu le croire. En revanche, son sentiment
de culpabilité s’était allumé avec la netteté d’un projecteur de poursuite, et
son faisceau pointait l’endroit précis où elle avait été et où elle n’était plus.
Il s’était donc juré de manifester chaque jour son attachement à sa
défunte épouse pour expliquer à ses enfants ce qu’était l’amour. Pendant
une période, qui venait tout juste de s’achever, il avait même craint de se
prendre à son propre jeu et de retomber amoureux pour de vrai.
Son cœur s’était serré quand il s’était mis à rêver de la jeune fille qu’il
avait rencontrée l’été de ses seize ans, sur la plage où il accostait, blessé
mais heureux d’avoir ramassé tant d’oursins dans cette mer qu’ils
fréquentaient tous deux depuis l’enfance.
La séquence, qui se concluait par les soins qu’elle lui prodiguait et par
leur premier baiser – le premier qu’il avait donné à une femme qui n’était
pas sa mère –, se répétait nuit après nuit, toujours identique.
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Le poison est l’antidote du poison.
C’est le vent, son incroyable furie, qui sauva Yui.
La légende circula bientôt qu’une femme venue défendre le Téléphone
du Vent avait été protégée par lui. On raconta que c’était grâce au souffle de
tous ceux qui, par dizaines de milliers, étaient venus là-bas invoquer leurs
défunts ; ou grâce aux défunts eux-mêmes qui, même si personne ne
pouvait les entendre, répondaient aux vivants par un soupir ou une caresse ;
certains avancèrent que c’était grâce à l’union des deux, portée par la
présence naturelle du vent sur la colline d’Ôtsuchi.
Tout cela s’était agrégé pour faire bloc contre l’ouragan et la protéger.
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