Ce que nous confions au vent

Yui savait bien que l'amour le plus fort est celui qui se passe d'explications

On reste parents, même quand nos enfants ne sont plus.

Cet homme, dont Yui ne sut jamais le nom, tenait toujours un cadre à la main, main, il ne s'en séparait même pas pour dormir. À travers ce cadre. il scrutait le ciel, le plafond, et tout ce qui s'entassait à l'intérieur du gymnase : bâches, tas d'objets, rescapés . En I'obser vant avec une attention qu'elle n 'accordait à personne d'autre, Yui avait compris qu'il donnait des titres à tous ces tableaux, et s'était persuadée qu'elle était la du seule à le savoir. De sa main libre, libre, il semblait noter quelque chose dès qu'il déplaçait son cadre, puis il se figeait, solennel, et étudiait tout ce qui apparaissait ensuite à l'intérieur de celui-ci.

Pour les enfants, le bonheur est dans les choses concrètes. Un petit train dépassant d'un panier, l'emballage d'une part de gâteau ou une simple photographie les montrant au centre de l'attention... A l'âge adulte, tout se complique. Le bonheur, ce sont le succès, la carrière, un homme ou une femme qu'on aime, toutes choses relatives, complexes. Qu'il existe ou non, le bonheur devient essentiellement un mot. Et voilà où nous en sommes, pensa Yui, alors que l'enfance nous disait qu'il suffit de tendre la main dans la bonne direction pour l'atteindre.

Moi qui n'osais plus parler au futur, j'ai été rattrapée par l'avenir.
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Peut-être est-ce le chagrin qui amplifie l'existence
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Pour elle, être prêt signifiait aussi comprendre et quand on avait compris et que l'autre le savait, on n'avait plus le droit de se cacher derrière le silence ou une excuse. Le silence devenait refus.

Dans ce lieu de confinement, Yui avait fait cette découverte importante : il suffit de ne plus parler d'un homme pour l'éliminer à jamais. C'est pourquoi on doit se souvenir des histoires, parler avec les gens, parler des gens ; écouter les gens parler d'autres personnes et même dialoguer avec les morts s'il le faut.

Au fond, c'était bien ce qu'on pouvait leur souhaiter, à tous : que chacun trouve un endroit à lui où panser sa blessure et réparer sa vie.

Moi qui n'osais plus parler au futur, j'ai été rattrapée par l'avenir.