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Citations sur Ecuador : Journal de voyage (38)

MÉRA- SATZAYACU (NAPO)


16 octobre.

Cette étape se fait dans le désert.
Ce désert est une forêt.
Quatre jours de racines et de boues.
Ni oiseaux, ni serpents, ni moustiques.
Et la terre est froide et marais partout.
Et cependant c'est la forêt tropicale.
Suffit de voir son faste, sa noce, son allure de
muqueuse.
Mais celle-ci ressemble surtout à un écoulement.
Il n'y a pas de chemin et l'on va à pied.
Berné le pied ! Berné ! Bafoué !
Le sol mou s'en fout, ne dit ni oui ni non
Gargouille grassement,
Vous reçoit jusqu'à la taille.
Berné ! Berné ! Ridiculisé !
Les racines vous écorchent,
Assomment et cassent l'orteil,
Gluantes, vous glissent, vous bousculent,
Vous culbutent, vous éliminent,
Et vous perdent dans un de ces infinis trous infects,
Qui forment le plancher de la forêt.
De plus moi, je suis sensible au froid.
La nuit, j'avais des frissons.
Je croyais que c'était le paludisme.

p.129-130
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TATOUAGES


Les indiens de la forêt ne se tatouent pas à proprement parler. Ils ne font pas de marques profondes dans la peau.
Ils se font un dessin sur le visage pour aller déjeuner chez leurs amis et l'effacent en rentrant. Tout le monde a remarqué comme cela habille. Certaines couleurs sont fort salissantes. Ce serait un inconvénient pour nous. Les Turcs avaient habilement observé comme la figure est indécente. Ça se jette au-dessus des vêtements et les regards sortent comme des fous. Tout ce que la peau a de malsain et de bestial disparaît dès qu'il s'y trouve quelques traits ou grilles. Le visage devient non pas tant intelligent qu'intellectuel, devient d'esprit. Cela repose. J'avais toujours l'impression quand mes indiens étaient tatoués que maintenant nous allions pouvoir parler, cela toujours sauf le cas où le dessin suit stupidement en les grossissant les contours du visage et de ses éléments.
Je ne suis pas grand prophète en disant que la race blanche sous peu adoptera le tatouage. On me dit que l'état d'esprit actuel est nettement opposé à cela, et d'autres choses. Les prophètes disent : « Vous verrez », ça leur suffit comme je fais aussi.
J'ajoute seulement que le tatouage, comme tous les ornements, s'il peut faire apparaître une surface, peut beaucoup plus facilement faire disparaître cette surface comme une tapisserie fait disparaître l'étendue d'un mur. Or il est temps de faire disparaître sa figure. Il est vraiment impossible d'avoir l'air modeste avec une figure à moins qu'elle n'ait été spécialement arrangée pour cela.

p.179-180
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Samedi 3 novembre en pirogue,
souffrant et sans doute avec
fièvre


Prêtez-moi de la grandeur,
Prêtez-moi de la grandeur,
Prêtez-moi de la lenteur,
Prêtez-moi de la lenteur,
Prêtez-moi tout,
Et prêtez-vous à moi,
Et prêtez encore,
Et tout de même ça ne suffira pas.

Le désespoir est doux,
Doux jusqu'au vomissement.
Et j'ai peur, peur,
Quand la moelle elle-même se met à trembler,
Oh! J'ai peur, peur,
Je n'y suis plus, je n'y suis presque plus.

Oh! Mon ami,
Je m'accroche à ton souvenir,
À ta haute stature,
Je m'accroche mais je tombe,
Je me lâche.
Je n'étais donc pas tellement moi-même qu'on me
l'avait dit.
Je vis à la renverse.
Encore un jour? Encore deux?
Et Iquitos d'ici est encore à douze jours.

p.148
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Lundi 4 avril.


L'Équateur est droit et raide.
À cinq et à six heures du matin seulement,
le soleil étant bas sur l'horizon, il y a de
l'ombre, seul moment où l'Equateur perd
sa dureté.
L'obscurité se couche dans les ravins
comme chez nous, la montagne adoucit la
plaine, les hommes qui marchent traînent
derrière eux des morceaux plus paresseux
d'eux-mêmes, même les wagons prennent des
airs amollis, penchés, distraits : c'est l'Ombre,
l'Ombre.
Mais cela finit bientôt, le soleil a pris de
la hauteur, vite il est d'aplomb, s'acharne
sur toutes les ombres. Bientôt il ne vous en
reste plus que sous les pieds. On est de retour
dans la justice implacable de l'Equateur.

p.91
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NAUSÉE
OU C'EST LA MORT QUI VIENT?

27 avril

Rends-toi, mon cœur.
Nous avons assez lutté,
Et que ma vie s'arrête,
On n'a pas été des lâches,
On a fait ce qu'on a pu.

Oh! Mon âme,
Tu pars ou tu restes,
Il faut te décider,
Ne me tâte pas ainsi les organes,
Tantôt avec attention, tantôt avec égarement,
Tu pars ou tu restes,
Il faut te décider.

Moi, je n'en peux plus.

Seigneurs de la Mort
Je ne vous ai ni blasphémés ni applaudis.
Ayez pitié de moi, voyageur déjà de tant de voyages sans valise,
Sans maître non plus, sans richesse, et la gloire s'en fut ailleurs,
Vous êtes puissants assurément et drôles par-dessus tout,
Ayez pitié de cet homme affolé qui avant de franchir la barrière vous crie déjà son nom,
Prenez-le au vol,
Et puis, qu'il se fasse à vos tempéraments et à vos mœurs, s'il se peut,
Et s'il vous plaît de l'aider, aidez-le, je vous prie.

p.97-98
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Lundi 19.

Je fus bien, hier.
Que je peux donc me sentir large et comblé.
Qui se serait attendu à une si forte respiration de la part d'une si étroite poitrine ?
Si; c'est donc possible.
Dans les lieux qu'on ne connaît pas, il y a donc parfois quelque chose.
C'est hier seulement que j'ai vu un parc.
Il y avait ceci, et cela, et ceci comme ça.
Il y avait une cascade, et des eaux à tout niveau.
Il y avait un grand horizon qui entrait par la fenêtre,
Et le Colopaxi en était.
Des nuages en cercle semblaient loués pour l'après-midi.
De grandes ailes s'échappaient tout à coup,
Et les aigrettes sont très précieuses,
Et les paons bien entourés n'ont pas l'air si bêtes.
L'Araucaria excelsis,
Et enfin ce charme si général,
Où intervint cet homme gros si plein de tact, dont je suis l'hôte.
Si proche de la nature, tout ceci
Si proche que s'y laissent prendre les grues sauvages,
Viennent de loin, s'y sentent fort à l'aise.
Dans l'appartement, dans chaque pièce, de l'eau qui rit et bredouille.
Grosse, solennelle, très hébergeante la salle à manger.
UN LIT ROYAL
Mais nous partîmes.
L'automobile fut longtemps à cette montée du Chilio.
On avait la nuit dans les yeux.
La nuit noire et le monde serré des étoiles comme il apparaît à l'Équateur.
Quito se montre à l'autre versant, étendu comme un homme,
Et tremblent dans les vallées les lumières qui veillent sur lui.

p.42-43
Extraits Ecuador, Journal de voyage, LE CHATEAU ET LE PARC DE PACIFICO CHOIRIBOGA
Nouvelle édition revue et corrigée, Gallimard 1968.
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Lundi 12 mars.

L'Équateur est pauvre et pelé.
Des bosses! et la terre couverte d'écchymoses
Ou noire comme la truffe.
Des chemins aigus, bordés de plumeaux.
Au-dessus d'un ciel boueux
Puis tout à coup en l'air le lis très pur d'un haut volcan.

p.69
Extraits Ecudador, Journal de voyage, Retour à Quito, (il s'agit des Hauts-Plateaux), Nouvelle édition revue et corrigée, Gallimard 1968.
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Samedi matin, fin février

Une habitude très mienne. Voici les circonstances : c'est quand je suis étendu et que néanmoins le sommeil ne vient pas. Alors je me comble. Je me donne en esprit tout ce qu'il me plaît d'obtenir. Partant de faits personnels toujours réels et d'une ligne si plausible, j'arrive doucement à me faire sacrer roi de plusieurs pays, ou quelque chose de ce genre. Cette habitude est aussi vieille que ma mémoire, et je ne reste pas plusieurs jours sans me donner cette satisfaction. C'est pourquoi je sors du lit avec une grande paix. S'il arrive que le temps m'ait fait défaut pour cela, je grelotte dans la journée, l'air et les paroles d'autrui me sont aigus."

p.47
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SOUVENIRS

En ce temps-là, je me perdais à perte de
vue dans cet horizon que tenaient deux bras.

( La veille du départ, le voyageur
regarde en arrière, c'est comme s'il
perdait courage. )

Semblable à la nature, semblable à la nature, semblable à la
nature,
A la nature, à la nature, à la nature,
Semblable au duvet,
Semblable à la pensée,
Et semblable aussi en quelque manière au globe de la terre,
Semblable à l’erreur, à la douceur et à la cruauté,
A ce qui n’est pas vrai, n’arrête pas, à la tête d’un clou
enfoncé,
Au sommeil qui vous reprend d’autant plus qu’on s’est occupé
ailleurs,
A une chanson en langue étrangère,
A une dent qui souffre et reste vigilante,
A l’araucaria qui étend ses branches dans un patio,
Et qui forme son harmonie sans présenter ses comptes et ne
fait pas le critique d’art,
A la poussière qu’il y a en été, à un malade qui tremble,
A l’œil qui perd une larme et se lave ainsi,
A des nuages qui se superposent, rétrécissent l’horizon mais
font penser au ciel,
Aux lueurs d’une gare la nuit, quand on arrive, quand on ne
sait pas s’il y aura encore des trains.
Au mot Hindou, pour celui qui n’alla jamais où l’on en trouve
dans toutes les rues,
A ce qu’on raconte de la mort,
A une voile dans le Pacifique,
A une poule sous une feuille de bananier, une après-midi
qu’il pleut,
A la caresse d’une grande fatigue, à une promesse à longue
échéance,
Au mouvement qu’il y a dans un nid de fourmis,
A une aile de condor quand l’autre aile est déjà au versant
opposé de la montagne,
A des mélanges,
A la moelle en même temps qu’au mensonge,
A un jeune bambou en même temps qu’au tigre, qui écrase
le jeune bambou.
Semblable à moi enfin,
Et plus encore à ce qui n’est pas moi.
By, toi qui étais ma By…..

p.120-121-122
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LA CORDILLERA DE LOS ANDES

La première impression est terrible et proche du désespoir.
L'horizon d'abord disparaît.
Les nuages ne sont pas tous plus hauts que nous.
Infiniment et sans accidents, ce sont, où nous sommes,
Les plus hauts plateaux des Andes qui s'étendent, qui s'étendent.

Ne soyons pas tellement anxieux.
C'est le mal de montagne que nous sentons,
L'affaire de quelques jours.
Le sol est noir et sans accueil.
Un sol venu du dedans.
Il ne s'intéresse pas aux plantes,
C'est une terre volcanique.
Nu! Et les maisons noires par-dessus,
Lui laissent tout son nu;
Le nu noir du mauvais.

Qui n'aime pas les nuages,
Qu'il ne vienne pas à l'Equateur.
Ce sont les chiens fidèles de la montagne,
Grands chiens fidèles;
Couronnent hautement l'horizon.
L'altitude du lieu est de 3 000 mètres, qu'ils disent,
Est dangereux qu'ils disent, pour le cœur, pour la respiration,
pour l'estomac
Et pour le corps tout entier de l'étranger.

p.33-34
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