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Citations sur Ecuador : Journal de voyage (38)

Le vide

Il y souffle un vent terrible.
Ce n'est qu'un petit trou dans ma poitrine,
Mais il y souffle un vent terrible.
Dans le trou il y a haine (toujours), effroi aussi et impuissance,
Il y a impuissance et le vent est dense,
Fort comme les tourbillons,
Casserait une aiguille d'acier,
Et ce n'est qu'un vent, un vide.
S'il disparaît un instant, je me cache, je m'affole.
Qu'est-ce que le Christ aurait dit s'il fait été fait ainsi?
Les frissons ont en moi du froid, toujours prêt.
Mon vide est un grand mangeur, grand annihileur.
Il est ouate et silence,
Un silence d'étoiles.

Et quoique ce trou soit profond, il n'a aucune forme...
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NAUSÉE
OU C'EST LA MORT QUI VIENT?

27 avril

Rends-toi, mon cœur.
Nous avons assez lutté,
Et que ma vie s'arrête,
On n'a pas été des lâches,
On a fait ce qu'on a pu.

Oh! Mon âme,
Tu pars ou tu restes,
Il faut te décider,
Ne me tâte pas ainsi les organes,
Tantôt avec attention, tantôt avec égarement,
Tu pars ou tu restes,
Il faut te décider.

Moi, je n'en peux plus.

Seigneurs de la Mort
Je ne vous ai ni blasphémés ni applaudis.
Ayez pitié de moi, voyageur déjà de tant de voyages sans valise,
Sans maître non plus, sans richesse, et la gloire s'en fut ailleurs,
Vous êtes puissants assurément et drôles par-dessus tout,
Ayez pitié de cet homme affolé qui avant de franchir la barrière vous crie déjà son nom,
Prenez-le au vol,
Et puis, qu'il se fasse à vos tempéraments et à vos mœurs, s'il se peut,
Et s'il vous plaît de l'aider, aidez-le, je vous prie.

p.97-98
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La Cordillera de los Andes


La première impression est terrible et proche du désespoir.

L'horizon d'abord disparaît.

Les nuages ne sont pas tous plus hauts que nous.

Infiniment et sans accidents, ce sont, où nous sommes,
Les hauts plateaux des Andes qui s'étendent, qui s'étendent.

Le sol est noir et sans accueil.

Un sol venu du dedans.

Il ne s'intéresse pas aux plantes.

C'est une terre volcanique.
Nu ! et les maisons noires par-dessus,
Lui laissent tout son nu;
Le nu noir du mauvais.

Qui n'aime pas les nuages,
Qu'il ne vienne pas à l'Equateur.
Ce sont les chiens fidèles de la montagne,
Grands chiens fidèles;
Couronnent hautement l'horizon;
L'altitude du lieu est de 3000 mètres, qu'ils disent,
Est dangereuse qu'ils disent, pour le coeur, pour la respiration,
pour l'estomac
Et pour le corps tout entier de l'étranger.

Trapus, brachycéphales, à petits pas,
Lourdement chargés marchent les Indiens dans cette ville,
collée dans un cratère de nuages.
Où va-t-il , ce pélerinage voûté?
Il se croise et s'entrecroise et monte; rien de plus: c'est la vie
quotidienne.
Quito et ses montagnes.
Elles tombent sur lui, puis s'étonnent, se retiennent, calment
leurs langues! c'est chemin; sur ce , on les pave.
Nous fumons tous ici l'opium de la grande altitude, voix basse,
petit pas, petit souffle.

Peu se disputent les chiens, peu les enfants, peu rient.
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Ne me laissez pas pour mort, parce que les journaux auront annoncé que je n'y suis plus. Je me ferai plus humble que je ne suis maintenant. Il le faudra bien. Je compte sur toi, lecteur, sur toi qui me vas lire, quelque jour, sur toi lectrice. Ne me laisse pas seul avec les morts comme un soldat sur le front qui ne reçoit pas de lettres. Choisis-moi parmi eux, pour ma grande anxiété et mon grand désir. Parle-moi alors, je t'en prie, j'y compte.
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Je n'ai écrit que ce peu qui précède et déjà je tue ce voyage. Je le croyais si grand. Non, il fera des pages, c'est tout.
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Samedi 3 novembre en pirogue,
souffrant et sans doute avec
fièvre


Prêtez-moi de la grandeur,
Prêtez-moi de la grandeur,
Prêtez-moi de la lenteur,
Prêtez-moi de la lenteur,
Prêtez-moi tout,
Et prêtez-vous à moi,
Et prêtez encore,
Et tout de même ça ne suffira pas.

Le désespoir est doux,
Doux jusqu'au vomissement.
Et j'ai peur, peur,
Quand la moelle elle-même se met à trembler,
Oh! J'ai peur, peur,
Je n'y suis plus, je n'y suis presque plus.

Oh! Mon ami,
Je m'accroche à ton souvenir,
À ta haute stature,
Je m'accroche mais je tombe,
Je me lâche.
Je n'étais donc pas tellement moi-même qu'on me
l'avait dit.
Je vis à la renverse.
Encore un jour? Encore deux?
Et Iquitos d'ici est encore à douze jours.

p.148
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Voulez-vous que je vous dise ? Je suis une bonne pompe. Les impressions les plus fortes, les plus vitales ne tiennent pas longtemps. Je les refoule au profit des suivantes et les oublie, et il en est ainsi des autres dans la suite, et puis encore de celles-ci pareillement. On dit que je compte déjà un certain nombre d'années. Je n'ai jamais eu dans ma vie plus de quinze jours. D'une seconde à quinze jours, voilà toute ma vie.
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Lundi 19.

Je fus bien, hier.
Que je peux donc me sentir large et comblé.
Qui se serait attendu à une si forte respiration de la part d'une si étroite poitrine ?
Si; c'est donc possible.
Dans les lieux qu'on ne connaît pas, il y a donc parfois quelque chose.
C'est hier seulement que j'ai vu un parc.
Il y avait ceci, et cela, et ceci comme ça.
Il y avait une cascade, et des eaux à tout niveau.
Il y avait un grand horizon qui entrait par la fenêtre,
Et le Colopaxi en était.
Des nuages en cercle semblaient loués pour l'après-midi.
De grandes ailes s'échappaient tout à coup,
Et les aigrettes sont très précieuses,
Et les paons bien entourés n'ont pas l'air si bêtes.
L'Araucaria excelsis,
Et enfin ce charme si général,
Où intervint cet homme gros si plein de tact, dont je suis l'hôte.
Si proche de la nature, tout ceci
Si proche que s'y laissent prendre les grues sauvages,
Viennent de loin, s'y sentent fort à l'aise.
Dans l'appartement, dans chaque pièce, de l'eau qui rit et bredouille.
Grosse, solennelle, très hébergeante la salle à manger.
UN LIT ROYAL
Mais nous partîmes.
L'automobile fut longtemps à cette montée du Chilio.
On avait la nuit dans les yeux.
La nuit noire et le monde serré des étoiles comme il apparaît à l'Équateur.
Quito se montre à l'autre versant, étendu comme un homme,
Et tremblent dans les vallées les lumières qui veillent sur lui.

p.42-43
Extraits Ecuador, Journal de voyage, LE CHATEAU ET LE PARC DE PACIFICO CHOIRIBOGA
Nouvelle édition revue et corrigée, Gallimard 1968.
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Rends-toi, mon cœur.
Nous avons assez lutté,
Et que ma vie s'arrête,
On n'a pas été des lâches,
On a fait ce qu'on a pu.
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Je passai par le Japon vers la troisième heure. Il y avait à ce moment, en effet, le jeu du brouillard comme il se joue au Japon, suivant ce que nous en ont décrit les peintres. Du blanc se détache du ciel, ici et là, et descend.
Voici le jeu du brouillard : il prend un arbre ici, là une montagne, un autre dans la vallée prend un mouton brun, il le fait avec grâce, lui laisse sa forme, seule la laine paraît perdue, un autre plus loin prend trois eucalyptus, mais très peu après, tchip!.. on les revoit, on les retrouve, les revoilà, le troisième déjà presque entier, et au delà à droite, un qui va être pris, un autre derrière qui en revient à l'instant, qu'on regarde tout ému.
Les plus légers brouillards cachent une cuadra ou deux de cannes à sucre, ou un jeune arbre encore blanc.
Tous les tableaux japonais paraissent des résurrections. Ces brouillards portent et apprennent singulièrement à regarder, attendrissent notre regard, attendu donc que le visage de la nature et du minéral même n'est pas si dur ni si inébranlable qu'on le connaissait, mais faible, désemparé, et sujet à autant de troubles que le corps d'une femme, et ainsi on les suit avec sympathie. Il y a aussi le petit nuage collant. Il reste dans un trou tout le jour, ou se tapit dans un coin de pâturage, et il suce une brebis, à fond.
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