C’était presque touchant, cette façon qu’ils avaient de s’inquiéter pour moi.
« Vous êtes si pâle, a annoncé la garde-malade. Il faut rester tranquille jusqu’à ce que vous ayez repris des couleurs.
— Je suis toujours de cette couleur-là, ai-je répondu. Parce que autrefois, j’étais en pierre. »
La femme a esquissé un sourire en remontant ma couverture. Mon époux l’avait prévenue que j’étais fantasque, que ma maladie me faisait dire des choses qu’elle trouverait étranges.
« Rallongez-vous tout simplement, et je vous apporterai à manger », a-t-elle lancé.
Elle avait un grain de beauté au coin de la lèvre, et j’aimais bien l’observer pendant qu’elle parlait. Certains d’entre eux ont une beauté originale, comme la robe d’un cheval pommelé. Mais d’autres sont piquetés de poils et ont l’aspect pulpeux des vers de terre ; le sien était de cette sorte-là.
Elle a répété « Rallongez-vous », puisque je n’avais pas obéi, et j’ai alors proposé : « Vous savez ce qui me rendrait mes couleurs ? Une promenade.
— Oh, non. Pas tant que vous n’allez pas mieux. Vous sentez à quel point vos mains sont glacées ?
— C’est la pierre, comme je vous l’ai expliqué. Je ne peux pas me réchauffer sans soleil. Vous n’avez jamais touché de statue ?
(INCIPIT)
Le fond de l’océan sablonneux avait la douceur d’un oreiller. Je m’y suis blottie, et j’ai dormi.
Je suis tombée enceinte la toute première fois, peu après ma naissance. Et bien que j’aie été en pierre et créée par la déesse, ma grossesse était très réelle, j’étais fatiguée et nauséeuse, et mes pieds trop gonflés pour les délicates sandales dorées dont il aimait les voir chaussés. Mon état le mettait en colère, sans pour autant l’empêcher de me pousser sur le lit ou contre le mur, et de ce fait, je craignais de ne pas avoir un enfant, mais toute une portée, comme les chats errants.
Ma fille était magnifique et d’une pâleur minérale, née durant un été à la chaleur si impitoyable que les veaux mouraient dans les champs. Cependant, nous restions toujours parfaitement fraîches, elle et moi, quand nous nous balancions ensemble dans notre siège.
He had no chance, really. He was only flesh.
Rougis,rougis. Rougis pour lui ou il te tuera.
- Vous êtes si pâle, a annoncé la garde-malade. Il faut rester tranquille jusqu'à ce que vous ayez repris des couleurs.
-Je suis toujours de cette couleur-là, ai-je répondu. Parce que autrefois, j'étais en pierre.
Jadis, j’étais en pierre. Je ne peux pas me blesser en faisant une simple promenade.
Le fond de l'océan sablonneux avait la douceur d'un oreiller. Je m'y suis blottie, et j'ai dormi
Certains autres y ont vu une métaphore sur la manière dont les artistes tombent amoureux de leurs créations.
D'autres encore (moi comprise) ont été dérangés par les implications profondément misogynes de ce récit. La fin de « Pygmalion » n'est heureuse que si l'on accepte un certain nombre d'idées répugnantes : le fait qu'une femme ne soit considérée comme digne de ce nom que si elle renonce à elle-même pour plaire à un homme, la fétichisation de la pureté sexuelle féminine, le lien entre l’ivoire « blanc comme neige » et la perfection, l'élévation du fantasme du mâle au-dessus de la réalité de la condition féminine. […]
Quant à Pygmalion, je l'ai accepté exactement tel qu'Ovide l'avait créé. Si le terme d'incel ne circulait pas autant lorsque j'ai écrit ce texte, Pygmalion en est bel et bien un exemple type.
« Rallongez-vous tout de suite », a-t-il ordonné. Puis, voyant que j’obéissais, il a saisi mon poignet, qu’il a tenu un moment. « Votre pouls est lent. »
Évidemment que mon pouls est lent, puisque jadis, j’étais en pierre, mais je n’ai pas dit ça. J’ai juste émis un son, Mmmm, censé exprimer à la fois la contrition et l’intérêt.