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Slaine - Brutania Chronicles tome 2 sur 3
EAN : 9781781084724
112 pages
2000 AD Graphic Novels (14/01/2016)
5/5   1 notes
Résumé :
Albion, in a time of legend. Celtic warrior Sláine united the tribes of the Earth Goddess Danu and became the first High King of Ireland. After ruling for seven years, he travelled through time to fight for the Goddess in other eras before returning to save his people from the Fomorian sea devils. Now, having journeyed to Monadh to rescue Sinead from the Drune Lords, he must face the powerful might of the Trojan army and their superhuman warrior, the Primordial, in ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Ce tome est le deuxième d'une tétralogie. Il faut impérativement avoir lu le premier Slaine Brutania Chronicles 1 (progs 1874 à 1886) pour comprendre celui-ci. Il contient les chapitres initialement parus dans les numéros (progs) 1924 à 1936 de l'hebdomadaire britannique 2000 AD en 2015, écrits par Pat Mills, dessinés et peints par Simon Davis. Il comprend également une introduction d'une page écrite par Pat Mills en septembre 2015, 3 couvertures de 2000 AD réalisées par Davis (numéros 1925, 1930 et 1934), ainsi que 11 pages de croquis préparatoires à l'encre.

À Gulnasadh, sur l'île de Monadh, Sláine est à terre avec sa hache à la main, devant 3 seigneurs Drunes : Slough Gododin et ses subalternes Slough Thruc et Slough Grad. Gododin leur ordonne de surveiller la cérémonie de sacrifice, et de laisser Sinead en vie car il souhaite qu'elle soit témoin de la mort de Sláine. L'affrontement physique entre Sláine et Slough Gododin reprend, ce dernier évoquant le père de Sláine, Ukko et la pulsion de mort de Sláine. Slough Gododin enjoint Sláine de devenir une divinité, en lui laissant séparer son esprit de son corps. Jeté encore une fois à terre, Sláine clame haut et fort son refus de céder et en appelle à la déesse pour que le pouvoir de la Terre habite son corps et qu'il soit possédé par un spasme de déformation. Rien ne se produit. le pouvoir de la Terre ne prend pas possession de son corps. Slough Gododin lui explique que c'est parce les seigneurs Drunes ont réussi à détourner le flux de ce pouvoir pour nourrir une créature qu'ils ont appelée Primordial. Il se vante de la facilité avec laquelle les prêtres Drunes dupent les humains, simplement en revêtant des robes de cérémonie et leur promettant la vie éternelle.

Le duel se poursuit entre Sláine armé de sa hache Brainbiter et Lord Slough Gododin armé de son épée. Sláine s'interroge sur la nature d'une créature qui a besoin de sacrifices humains pour exister. Gogodin lui assure qu'elle sera terrible. Il indique à Sláine qu'il a le pouvoir de saper sa force et sa volonté, et de fait Sláine tombe à terre. Mais il oppose à Gododin ses propres souvenirs de la mort de Lord Weird Slough Feg, le père de Gododin. Il lui raconte comment il l'a émasculé d'un coup de sa lance Gae Bolga, ce qui a rendu Slough Feg fou. Il explique comment Slough Feg a été emmené par le dieu asticot Crom-Cruach, et entraîné dans les entrailles de la terre à Cythrawl. Sláine se remet debout, toujours la hache à la main, empoigne Sinead par le bras et se fraye un chemin à grands coups de hache, au travers des gardes qui viennent d'arriver. Sláine et Sinead atteignent l'extérieur et décident de rallier la montagne de l'Archon.

Le premier tome de cette saison avait pleinement rassuré le lecteur, à la fois sur l'ambition de l'intrigue de Pat Mills, à la fois sur la capacité de Simon Davis de réaliser des pages exceptionnelles pour donner à voir le monde extraordinaire de Sláine, littéralement ce en quoi il sort de l'ordinaire des histoires de barbare avec une arme tranchante. Ce deuxième tome reste au même niveau d'excellence, même si parfois le lecteur peut ressentir une impression étrange de facilité. Effectivement le scénario ne semble pas très original ou dense : Sláine se bat contre Slough Gododin pour sauver Sinead, ils s'échappent, Sláine se bat contre une légion troyenne, Sláine fait face à Primordial et il se retrouve à terre rattrapé par Slough Gododin, c'est-à-dire quasiment la même situation qu'au début du tome. Entretemps, Sláine et ses opposants successifs auront beaucoup parlé en se battant, et Sláine aura tué beaucoup de monde. Il n'y a alors plus qu'à passer à l'étape suivante de la quête dans le tome 3, intitulé Psychopompe.

Cette impression de linéarité et d'intrigue convenue découle directement des convictions d'auteur de Pat Mills. Il estime que pour accrocher le lecteur, il doit lui présenter un récit facile d'accès avec un vrai héros et des méchants très méchants qui méritent d'être massacrés. le lecteur peut donc être étonné que Sláine tue les soldats troyens sans aucune hésitation, sans une pointe de remord ou de regret. Mais en fait dès la première page, ce comportement fait sens, au-delà de la volonté de l'auteur de construire son récit sur une dynamique opposant le bien contre le mal. En effet quand Sláine se trouve à terre devant Slough Gododin, l'affrontement n'est pas que physique, il est aussi psychologique et idéologique. Gododin appuie là où ça fait mal : le sentiment de culpabilité de Sláine de n'avoir pas pu sauver sa mère, l'idée suicidaire qui en découle, le projet des Drunes de domestiquer les êtres humains. le conflit physique incarne l'expression du conflit, ou plutôt des conflits psychiques. Il ne s'agit pas d'un barbare qui lutte contre des agresseurs, mais d'un individu libre qui lutte contre un système qui veut lui imposer ses valeurs, une forme extrême de servitude. Avec ce point de vue en tête, chaque scène prend une autre dimension, et l'intrigue prend une autre ampleur. Sláine incarne les valeurs morales et sociales de Pat Mills, et il refuse toute compromission de ses idéaux. Ses combats deviennent le révélateur des formes d'oppression auxquelles il est soumis. le récit ainsi envisagé, il devient évident qu'il faut un artiste accompli pour éviter de tomber soit dans une mise en image littérale à base de clichés visuels, soit dans des illustrations magnifiques, mais figées comme autant de tableaux sur lesquels sont collés les cartouches contenant le discours de l'auteur.

Mine de rien, l'intrigue ne peut pas être réduite à un fil directeur simpliste. En effet la motivation des Drunes et de leur chef Slough Gododin ne se résume pas à réduire les humains en esclavage juste par méchanceté. Les Drunes ont imaginé comment capter l'énergie de la Terre (c'est-à-dire celle de la déesse) pour leurs propres fins. Ils dévoient l'ordre naturel pour leur intérêt. Par ailleurs, Slough Gododin est également motivé par sa vengeance contre Sláine qui a tué son père Lord Weird Slough Feg. Dès ce premier affrontement entre Sláine et Slough Gododin, le lecteur est aux anges avec la narration visuelle. Il avait découvert dans les pages en fin du premier tome, le processus élaboré du peintre : d'abord des esquisses rapides de chaque page, puis des dessins encrés, puis enfin la peinture qui recouvre les dessins au point de faire disparaître l'encrage. Pour cette première séquence, Simon Davis a choisi d'associer des teintes mordorées à des teintes grises et vert-de-gris, déclinées en camaïeux pour une ambiance unique opposant la luminosité ternie du héros, aux formes enténébrées de l'ennemi. Tout du long du récit, l'artiste va ainsi créer des compositions chromatiques spécifiques pour chaque environnement ou pour chaque situation : un bleu fumée pour Ifurin le royaume des ténèbres éternelles, un jaune miel avec du marron alezan pour les scènes du passé, ou encore un vert de vessie (pour une végétation luxuriante) sur lequel ressort un beau bleu roi (celui des armures des troyens), à chaque fois avec des nuances de teinte pour rendre compte du relief des surfaces. Cet usage des couleurs donne une sensation très organique aux dessins, à l'opposé d'une représentation froide et clinique.

Pour revenir à la première séquence, le lecteur observe également que Simon Davis réalise des dessins figuratifs, avec un savant dosage entre les éléments descriptifs et les éléments impressionnistes, avec des traits de pinceau visibles. Alors que Sláine et Slough Gododin se font face, le lecteur peut voir les imposants bracelets métalliques au poignet de Sláine, les petits médaillons de métal accrochés à sa ceinture, son énorme ceinture proche du harnais, la bande autour du manche de sa hache, le médaillon qui sert d'attache pour sa cape, le médaillon orné d'un triskèle de Gododin, le pommeau de son épée, ses ongles pointus, etc. Dans le même temps, s'il observe les peintures de plus près, il voit les traces de pinceau, la manière dont les poils de la cape ne sont que des coups rapides de pinceau, les tâches de lumière sur le corps de Sláine pour figurer la dureté de ses muscles, les longs traits sur le manteau de Gododin pour montrer qu'il est enrobé par l'étoffe, les petits points lumineux pour évoquer le scintillement généré par les déplacements rapides, ou par l'énergie qui sourd de Gododin. Cet équilibre entre description et impression donne une patine mythologique à ce qui est représenté, et permet aussi d'intégrer les éléments fantastiques sur le même plan que les humains normaux. Ainsi l'apparition de Crom-Cruach ne donne pas l'impression d'un monstre générique et infantile. La montagne de l'Archon n'est ni une formation géologique vaguement menaçante, ni un monstre vaguement minéral, mais une forme dont le lecteur ne peut pas percevoir toutes les dimensions et la nature exacte, du fait de sens limités. le massacre des guerriers troyens par Sláine n'est pas juste une suite de coups d'estoc et de taille, mais une lutte fiévreuse baignant dans le sang. Par moments, Simon Davis intègre des visions expressionnistes pour rendre compte de situations énormes, ou de phénomènes surnaturels. Ainsi à l'issue d'un combat où il s'est transformé, Sláine se retrouve littéralement au sommet d'un monceau de cadavres pour rendre compte de l'ampleur du carnage hors de contrôle. Bien évidemment, le lecteur attend avec impatience de voir comment Simon Davis va interpréter le spasme de déformation de Sláine. Effectivement l'artiste part dans la direction de l'expressionnisme, pour 2 transformations énormes, débarrassées d'imagerie simpliste, rendant compte de la force qui habite Sláine et qui le déforme monstrueusement.

Les qualités de narrateur de Simon Davis ne s'arrêtent pas là car son découpage et sa mise en scène sont aussi élaborés. Il ne se produit donc pas d'effet de type belles illustrations statiques servant de support au texte. Dès la première séquence, l'artiste conçoit ses pages en fonction de ce qu'elles montrent. le lecteur regarde 2 pages en vis-à-vis, avec à gauche Sláine debout tenant sa hache, et à droite de la page de droite Slough Gododin dans la même posture, comme s'ils se faisaient face. Entre ces 2 silhouettes, 6 cases montrant les mouvements des combattants. Un peu plus loin, le lecteur découvre une autre composition en double page, cette fois-ci avec des images toute en largeur, l'une au-dessus de l'autre montrant les individus agenouillés pour être sacrifiés, et la rivière de sang qui coule vers les individus en bas de la page. Quelques pages plus loin, Sláine abat sa hache sur un soldat troyen après l'autre, dans des cases de la hauteur de la page pour montrer l'ampleur du geste, rappelant une mise en page similaire dans le tome 1 quand un géant chute au sol après avoir été attaqué par Sláine. À nouveau Simon Davis épate le lecteur par l'intelligence de sa narration visuelle.

Dans l'introduction du premier tome, Pat Mills mettait en avant le fait que Slough Gododin est un adversaire redoutable pour Sláine car il connaît son histoire personnelle. Effectivement, il est à nouveau question du père de Sláine et de sa mère, Gododin appuyant là où ça fait mal semant le doute dans l'esprit de Sláine quant à ses réelles motivations. Il pointe du doigt un comportement fondé sur un sentiment de culpabilité et une propension à céder à une pulsion de mort, comme une forme de suicide pour s'échapper d'une contradiction insoluble, entre le fait d'être en vie, et la sensation de devoir être puni pour avoir survécu à sa mère. Cet état d'esprit constitue le prolongement de la forme de lassitude visible sur le visage de Sláine dans le premier tome. Sous le coup de stress de syndrome post traumatique, Sinead déclare même : Les celtes ont un sens durable de la tragédie qui leur permet de tenir le coup pendant les périodes de bonheur. À l'évidence, les personnages n'agissent pas en fonction des caprices du scénariste, mais bien en fonction de leur caractère, de leur histoire personnelle.

Chaque séquence comprend également un questionnement d'ordre moral, politique ou spirituel. le premier à apparaître concerne l'asservissement des humains par les Drunes. Au fils des confrontations entre Sláine et Gododin, ce thème présente plusieurs facettes, de la domestication des humains pour une obéissance sans discussion, à l'éradication d'une culture pour une assimilation forcée quand il ne reste plus que la culture de l'envahisseur (en l'occurrence celles des troyens). La notion d'obéissance sans discussion s'enchevêtre rapidement avec celle du dogme religieux. Par le passé, Pat Mills a déjà exprimé tout le mal qu'il pense de l'appareil d'Église quand il est hors de contrôle. Ici, il s'attaque au principe de dogme. Il commence par Sláine se moquant de Sinead qui ne répond que par des aphorismes prêts à l'emploi. Puis il évoque la foi aveugle qui consiste à ne jamais rien remettre en question, juste à croire ce qu'on nous dit. Mills raille le don de l'obéissance. Il dénonce la tranquillité de l'ignorance, et souligne le poids et la responsabilité du savoir. Sláine finit par déclarer sa profession de foi : C'est notre capacité à défier qui fait vraiment de nous des êtres humains. Pat Mills réussit le tour de force de restituer l'état d'esprit de la culture celte, leur absence de code moral judéo-chrétien, et à faire exister des personnages habités par une foi païenne, de manière concrète et plausible, intelligente et sensible, professant que la société devrait être basée sur l'ordre naturel, celui de la déesse, de la Terre.

Ce deuxième tome confirme l'excellence de cette histoire de Sláine. Dans un genre littéraire très basique (un barbare avec une hache qui se bat contre les envahisseurs), Pat Mills et Simon Davis réalisent une oeuvre extraordinaire de simplicité (oui, Sláine tue ses ennemis avec sa hache) et d'intelligence aussi bien picturale que thématique. Il est aussi bien question de destruction de culture indigène, que de culpabilité psychologique, que de responsabilité sociale, d'endoctrinement, de nécessité de penser par soi-même, de s'indigner et de refus du conformisme. Chef d'oeuvre. 5 étoiles et plus.
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