Les conducteurs changeaient sans cesse et le dernier en date, bègue au plus haut point, était arrivé ventre à terre en fouettant ses bêtes qui saignaient aux épaules et en criant devant lui des bribes de mots incompréhensibles. Tout le monde avec cru qu'il avait une armée d'Indiens à ses trousses et qu'il avait vu en prime l'entrée des Enfers au détour d'un canyon.
De l'intérieur, la prairie était comme une jungle. Epaisse et moite, habitée à tous les niveaux. Il sentait la chaleur monter de la terre. Il dérangeait les rongeurs en marchant sur leurs trous. Des sauterelles noires et rouges grosses comme le pouce dégageaient sous ses pas. De petits oiseaux se perchaient sur les hautes tiges et lançaient leur cri d'alarme quand ils le repéraient. Ils chassaient des insectes invisibles et bourdonnants en piqués brefs, virtuoses, avant de revenir se poser sur une tige d'affût qui ployait à peine sous leur poids. [....] Il suivait sur son axe la lente course du soleil dont le but était apparemment de se coucher sous le bloc rocheux qu'il convoitait lui-même comme abri. [….] La prairie l'enveloppait de sa chaleur emmagasinée.Tandis que sa tête qui dépassait était baignée par le souffle frais qui précède le crépuscule, son corps était comme dans un vêtement de laine tiède. Tous ses mouvements étaient huilés, portés par une sensation de flottement. Il était épuisé .
- Vous n'allez pas faire ça? Et la solidarité du sang? Nous sommes de la même race tout de même!
- Oh la race, tu parles, elle a bon dos, dit Zébulon.
- Mon cul la race! La race quand tu m'as volé mon cheval, mon or, mes gamelles et mes haricots, tu l'avais où?
(...) la rumeur est un animal qui se déplace et se reproduit très vite si on la lance au bon endroit.
Il suivait sur son axe la lente course du soleil dont le but était apparemment de se coucher sous le bloc rocheux qu'il convoitait lui-même comme abri. Il était d'accord avec le mouvement de la lumière. Quand son ombre s'allongea derrière lui jusqu'à couvrir trois fois sa taille, les rochers paraissaient à nouveau à des miles de distance. Il continua. La prairie l'enveloppait de sa chaleur emmagasinée. Tandis que sa tête qui dépassait était baignée par le souffle frais qui précède le crépuscule, son corps était comme dans un vêtement de laine tiède.
Ils se sentaient plus seuls, plus abandonnés, que les orphelins qu'ils étaient devenus. La prairie, dans son indifférente immensité, accentuait encore ce sentiment de perte et de solitude irrémédiable.
Le ruisseau dévalait la pente en courant sur les galets pour s'y jeter dans un murmure de salutations enthousiastes.
(...) la gamine avait désigné d'un doigt le sillage d'un animal pressé que la prairie avalait.
Eau-qui-court-sur-la-plaine n'avait pas de peuple, elle en avait plusieurs.
Il lui semblait parfois que la vie s'accrochait à sa cage thoracique comme une perdue qui refusait de lever le siège.