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Critique de 5Arabella


Il s'agit d'une comédie-ballet en trois actes et en prose, donnée pour la première fois le 29 janvier 1664 au palais du Louvre devant la cour. L'oeuvre a vu le jour suite à une commande royale : Louis XIV avait un magnifique costume de bohémien, dans lequel il aurait dû danser dans une mascarade donnée en octobre 1663. La danse n'ayant au final pas eu lieu, le roi demande une nouvelle oeuvre où il pourra utiliser son costume. le duc de Saint-Aignan suggère de confier la tâche à Molière, dont Les fâcheux avaient eu un très grand succès. Molière devra collaborer avec Lully, à qui est confiée la musique. Les contraintes s'accumulent devant l'auteur : non seulement il faut une entrée de Bohémiens, mais aussi une danse par d'un magicien avec quatre esprits, une autre par la Jalousie et les chagrins, un concert espagnol…. Et j'en saute, pour ne pas trop alourdir. Pour couronner le tout, il y avait une musique de charivari que Lully avait en stock et qu'il voulait utiliser. Enfin, Molière n'eut qu'une dizaine de jours pour écrire son texte afin que les répétitions puissent commencer. Il va donc puiser dans des oeuvres qui existent, et s'inspirer tout particulièrement du Ballet de l'oracle de la Sibile de Pansoust, dans lequel Panurge enquêtait pour savoir s'il doit se marier. Les entrées de ballet deviennent ainsi des consultations, ce qui donne une sorte de fil conducteur au récit. le charivari imposé (rappelons qu'il s'agit d'un tapage désapprobateur suite au mariage d'un vieillard avec une jeune fille) lui donne l'idée du mariage d'un vieux avec une très jeune fille, mais comme ce type de mariage ne peut donner un final de comédie, qui doit bien se finir, il va inverser les rôles : c'est le vieillard qui est forcé et puni par là où il a pêché en quelque sorte.

L'intrigue est donc fort simple. le vieux Sganarelle (il a dépassé la cinquantaine, âge canonique à l'époque) a donné sa parole d'épouser la jeune Dorimène, qu'il ne connaît pas. Il est pris d'un doute et consulte un ami, qui trouve le projet ridicule, mais qui finit par approuver Sganaralle, tant celui-ci ne veut rien entendre. Mais une rencontre avec sa promise distille le doute chez le vieil homme : Dorimène est ravie du mariage, car elle est très surveillée chez elle, et compte mettre à profit son changement de statut pour vivre enfin comme elle l'entend, visiblement persuadée que son futur mari ne vivra plus très longtemps de toutes les façons. Ébranlé par cette vision des liens conjugaux, Sganarelle essaie de savoir s'il sera cocu après le mariage, et consulte différents « experts » : philosophes, Bohémiennes etc. Tous se rient de lui ou le perdent dans des considérations oiseuses. Notre homme en vient à vouloir remettre en cause le mariage projeté, mais sa future belle famille ne veut pas en démordre ; le frère de Dorimène veut le provoquer en duel, et sous la bastonnade, Sganaralle finit par conclure le mariage.

Une pièce qui sous des allures très légères, soulève bien plus de questions qu'on pourrait le penser. En effet, la question du mariage dans lequel les futurs mariés, et surtout les femmes, n'ont pas vraiment le choix, qui avait déjà été posée dans l'Ecole des femmes entre autres, est encore une fois au centre de l'intrigue. Et le vieillard qui veut se payer une jeunette est encore une fois ridicule et puni, par une assez jouissive inversion de rôles. La question du mariage, comme celle de la place et du rôle des femmes, est une question centrale dans la société galante, qui est le public central de Molière. C'est globalement des questions qui traversent le siècle, le philosophe La Mothe le Vayer, un des auteurs préférés de Molière, s'interrogeait sur le bien fondé du mariage, et en arrivait à la conclusion, que philosophiquement parlant, c'était un sujet de comédie, idée que Molière reprendra dans le livret de présentation du spectacle.

Les deux philosophes ridicules ne sont pas non plus choisis au hasard et renvoient encore une fois à la pensée de la Mothe le Vayer. L'un des philosophe est aristotélicien, et l'autre est un adepte de la pensée de Descartes, le premier censé représenter une pensée dogmatique et affirmative, le deuxième un doute généralisé qui exclut toute certitude. Deux attitudes dénoncé par la modération de la Mothe le Vayer, qui les jugeait dans leurs excès « ineptes et ridicules ».

A redécouvrir donc.
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