Les gens finissaient toujours par vous décevoir. J'étais bien mieux tout seul, à ne compter que sur moi-même.
Maman avait un beau sourire, quand elle était vraiment heureuse, mais ils étaient plus rares que des arcs-en-ciel. Ça me faisait mal de voir ce sourire forcé sur son visage prématurément vieilli. Elle n'avait pas quarante ans, mais sa vie avait été si difficile qu'un faisceau de rides creusait profondément le contour de ses yeux, certaines rejoignant celles qui encadraient sa bouche.
Rien ne vaut l'expérimentation pour vérifier une hypothèse.
Le chien du jardinier n’aime pas les choux, mais empêche tout le monde de les manger. Chris, c’est le chien, et toi, le chou.
Mais il t'aime bien, ça se voit. Il te trouve sans doute trop jeune et trop innocente...
Bon sang, ça se voyait donc à ce point ! me lamentai-je intérieurement.
-... mais ça ne veut pas dire que tu ne lui plais pas. Tu connais l'histoire du chien du jardinier ?
Là, j'étais paumée. Léna dut lire ma confusion sur ma figure, car elle m'expliqua : - Le chien du jardinier n'aime pas les choux, mais empêche tout le monde de les manger. Chris, c'est le chien, et toi, le chou.
Il y avait trois autres filles dans ma classe. L'une d'elle, Clarisse, était sympa ; les deux autres, Julie et Lydia, m'attiraient nettement moins. Lydia avait l'air d'une pétasse, et Julie semblait à moitié autiste - et pour qu'une fille aussi peu sociable que moi porte un jugement sur quelqu'un, ce n'était pas pour rien.
J'aimais bien les couleurs vives, mais j'avais choisi la sécurité en ce premier jour d'école : la veste était noire et le pull rouge. Pour moi, c'était sobre. Mes bottines étaient noires, avec de petits clous dorés sur le talon.
J'espérais ne pas trop détoner. J'étais loin d'être une obsédée de la mode, mais c'était quand même l'Université, et je ne voulais pas avoir l'air d'une plouc. Pas que ça me soucie outre mesure, mais j'avais l'espoir de me faire quelques amis, si possible.
C'est vrai que je faisais un peu tache, mais ça faisait longtemps que le regard des autres m'était indifférent. C'était peut-être un peu puéril, mais j'aimais bien me démarquer des autres, et j'assumais totalement mon décalage. Mon apparence défiait les gens de m'accepter comme j'étais ou de me rejeter pour une raison aussi futile.