Le cirque des rêves nous emmène dans le monde… du cirque, vous l'aurez compris. Je suis toujours un peu frileuse avec le cirque, je déteste ça. Mais j'avais confiance : après
La mer sans étoiles, je savais qu'
Erin Morgenstern avait le don pour transformer les choses, et nous amener à voir différemment. C'est exactement ce qu'il se passe ici.
Le cirque des rêves n'a donc rien à voir avec un cirque traditionnel. Déjà, c'est un cirque de nuit (comme son nom l'indique en VO). le jour, il ressemble à quelque chose d'assez basique, dénué de magie et de charme. Il en est presque repoussant, angoissant. En revanche, la nuit, il se pare de couleurs, de formes, de textures. Il génère des sentiments variés, passant de la surprise, au rêve éveillé, à l'émerveillement, puis à la curiosité. A l'empressement, aussi; car il y a beaucoup de chapiteaux à visiter et la nuit est courte. le temps semble s'écouler différemment, au Cirque des rêves.
Et puis c'est un cirque qui vous emmène ailleurs. Dans un monde entre rêve et réalité. Son atmosphère cotonneuse, remplie de plumes, de vapeur, de nuages, tout de noir et de blanc, vous donne l'impression d'être endormi. Ca m'a un peu fait penser à la BD Olivier Rameau, sans la couleur : un monde enchanté où tout est possible, ouvrant les portes d'un monde merveilleux.
Le cirque des rêves c'est un beau conte merveilleux, avec tous les procédés du genre. D'abord, dans la description du cirque. Il semble qu'il n'y a aucune limite dans l'imagination de l'autrice, qui invente des choses complètement folles.
Les personnages sont également typiques du conte. Chacun est assez brièvement esquissé. On est complètement dans le merveilleux, où rien n'est vraiment solide, réaliste, crédible. D'ailleurs, on retrouve pas mal de référence aux contes de fées dans le roman.
Même l'intrigue n'est pas super solide, tenant en deux lignes et demandant l'acceptation du lecteur les yeux fermés. La romance du récit m'a également plu, car elle est à l'image de ce conte : douce amère. Centrale, sans l'être non plus, tant finalement le regard est attiré tout au long du récit par la magie qui imprègne les chapiteaux. Cependant, chercher de la solidité dans ce roman serait passer complètement à côté de l'essence même de celui-ci. Une fois qu'on a accepté cet état de fait, il ne reste plus… qu'à attendre minuit et se faire spectateur de nouveau de ce cirque surréaliste… et à le croire vrai.
Car le lecteur est comme le spectateur du cirque devant ce roman : extérieur, un peu étranger. Cela peut être frustrant, car on sent qu'on ne fait pas partie pleinement de la troupe. En tant que lecteur, cela nous donne le sentiment qu'on reste étranger au récit, qu'on n'est jamais pleinement immergé.
Mais c'est là que réside la magie du cirque, à mon sens. Cet émerveillement fugace. Et ce petit pincement au coeur une fois la fête finie.
Comme en miroir, le lecteur est devant le roman dans une situation similaire. Pour qui la magie prend, il ressort de ce roman enchanté, mais aussi un peu groggy, indécis quant à ce qu'il vient de lire/voir.
Car l'autrice est une magicienne. J'ai avalé ce roman dans un état second, tournant les pages comme par magie, complètement envoûtée par le charme de sa plume onirique et poétique. Pleine de douceur, mais aussi de mélancolie qui vous pince le coeur. J'ai été une spectatrice du cirque.
Magicienne certes, mais surtout une brillante architecte.
J'ai apprécié les différentes époques entremêlées, la manière dont l'autrice nous donne à voir les ressorts de son intrigue que ne connaissent pas les personnages, les focus sur différents personnages. J'ai retrouvé ce qui me plait dans mes lectures : voir les dessous des choses, comprendre comment elles se construisent. J'ai ainsi adoré le jeu sur l'architecture : à celle complexe du cirque répond celle du roman, dont les chapitres s'imbriquent d'une manière particulière.
Erin Morgenstern est une architecte, et j'avais bien ressenti cela dans
La mer sans étoiles. Elle aime les labyrinthes, les murs qui s'effacent, qui s'estompent et qui s'évanouissent. Elle aime les faux-semblants, les choses qui bougent, qui se métamorphosent. C'est tout ceci qu'elle met en scène dans
le cirque des rêves.
A ce titre, je trouve que l'horloge dans
le cirque des rêves est une belle illustration de ce roman. Tic, tac, tic, tac : l'horloge tourne, le cirque va bientôt se terminer, le jour pointe le bout de son nez. Mais aussi : tic, tac, tic, tac : la fin est proche, le danger arrive. Instrument typique du conte, l'horloge. Elle transforme le conte en partie d'échec (ou de cartes), en course contre le temps. Et dans ce roman, elle reflète à la fois le travail méticuleux de construction mais aussi la magie une fois terminée, car qui peut deviner que derrière cette merveille issue de nulle part, se cachent des heures de travail et de la technique pure ? Car c'est une oeuvre d'art comme on n'en a jamais vue.
Bref, un roman que j'ai adoré de bout en bout et qui m'a charmée, littéralement. Je dirais donc contrat rempli, car le roman est un formidable jeu d'illusion, thème favori de l'autrice. « Les gens voient ce qu'ils ont envie de voir. Et la plupart du temps, ils voient ce qu'on leur dit de voir« . J'ai joué le rôle de spectatrice de cirque, et j'ai été émerveillée par ce conte magique, à la plume pleine de douceur amère et de mélancolie piquante. Complètement envoûtée par ce rêve fini au matin, par ses personnages évanescents, cette fin ouverte aux multiples interprétations selon le degré de magie qui réside dans le coeur de chacun…
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