Le plus grand peintre du monde

Oncle Bruno passait presque tout son temps dans sa cuisine. Il entrechoquait ses casseroles en chantant des chansons, et remuait sa moustache vers moi chaque fois que j'entrais, ce qui me faisait toujours rire. C'est dans sa cuisine qu'il était le plus heureux, j'en suis sûr. Tante Mathilde s’affairait et se démenait; elle aimait ça. Elle accueillait chaque client comme un ami retrouvé après de longues années. Elle était le cœur et l'âme de l'auberge.

J'étais désormais convaincu que j'allais me rendre dans l'endroit le plus merveilleux du monde, celui où Cézanne, le plus grand artiste du monde, peignait ses tableaux, où le vieux berger de Giono arpentait les hautes collines sauvages, en plantant ses glands pour faire pousser une forêt.

Je fus logé dans une petite chambre pour moi seul au-dessus du restaurant, qui donnait sur un jardinet à l'arrière de la maison. Un amandier poussait là, dont les fleurs roses effleuraient la vitre de ma fenêtre. Derrière l'arbre, les collines, les collines de Cézanne. Et après le dîner, on me donna un fruit confit, un abricot, celui que je préfère. Tout ça, plus Amandine. Je ne pouvais être plus heureux.