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Doom Patrol - Urban tome 2 sur 3

Richard Case (Illustrateur)
EAN : 9791026818670
448 pages
Urban Comics Editions (14/02/2020)
4.6/5   5 notes
Résumé :
La Doom Patrol poursuit ses pérégrinations dans les recoins les plus obscurs et fascinants de l'univers. L'une des anciennes coéquipières de Robotman et de l'Homme Négatif, Rhéa, sort d'un coma et devient une entité surpuissante perdue dans une guerre entre deux races extraterrestres. Et sur Terre, Danny, une rue douée de conscience, tente d'échapper aux agissements néfastes des agents du N.O.W.H.E.R.E., avec l'aide de son champion, le musculeux Flex Mentallo, super... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Ce tome contient 2 recueil VO. (1) Down Paradise Way - Épisodes 35 & 36 - Darren Jones est le responsable des hommes de N.O.W.H.E.R.E. (ils s'expriment en faisant des phrases de 7 mots dont les initiales composent le mot nowhere), il vit dans un monde de sitcom (des années 1950) dans lequel sa femme l'accueille après avoir déclenché les rires enregistrés. Darren Jones combat tout ce qui sort de la normale. Sa nouvelle cible : une rue dotée de conscience et de capacité de téléportation répondant au nom de Danny (un hommage à Danny La Rue). Dans cette rue, Sara (un être humain véritable) découvre un barbu étrange : Flex Mentallo dont c'est la première apparition. La Doom Patrol détecte les perturbations causées par l'attaque des hommes de N.O.W.H.E.R.E. et ses membres interviennent.

Épisodes 37 à 41 - Rhea Jones qui était dans un coma depuis plusieurs numéros reprend conscience dans une forme altérée (la jeune femme nue sur la couverture). Son réveil coïncide avec l'arrivée sur terre des Géomanciers du Kaléidoscape qui l'enlèvent et des émissaires de l'Orthodoxie qui ne peuvent que constater qu'ils ont été devancés. Robotman et Crazy Jane se retrouvent embarqués avec les émissaires, alors que Rhea Jones (anciennement Lodestone, rebaptisé The Pupa) et Rebis ont été enlevés par les Géomanciers. Ils apprennent rapidement que ces 2 factions se livrent à une guerre depuis des siècles et que la capture de The Pupa peut amener à mettre un terme définitif au conflit.

Avec ce tome, Grant Morrison franchit à nouveau un palier dans l'abstraction de la narration. le premier récit introduit à nouveau des concepts ébouriffants parfaitement intégrés au récit. Les caractéristiques de Danny le rendent pernicieusement subversif, alors même qu'il constitue un personnage qui ne peut exister que dans les comics. le concept même de rue consciente capable de s'insérer dans n'importe quelle ville (les autres rues lui faisant de la place) est rendu visuellement crédible dans les dessins, alors qu'il serait impossible de faire croire à un spectateur de films à une telle invention qui semble issue de l'imagination d'un enfant insensible aux impossibilités physiques et matérielles d'une telle chose. Morrison s'ingénie mettre en scène les idées les plus bizarres possibles, tout en respectant honnêtement la logique interne de cette série. La résolution de cette histoire s'inscrit dans cette logique pervertie.

Avec le deuxième récit, Morrison passe encore au niveau supérieur. Les 2 factions qui s'opposent utilisent un vocabulaire inventé porteur d'image et d'associations d'idées. D'un coté, le lecteur comprend qu'il s'agit d'une guerre, avec des batailles qui donnent l'avantage à l'un ou l'autre des camps, mais de l'autre coté les enjeux, ainsi que les moyens pour guerroyer ne sont décrits que par le biais de ce vocabulaire imaginaire dont le sens matériel échappe au lecteur mais parle à son inconscient. Morrison joue donc plus avec le concept de guerre, qu'avec la réalité des champs de batailles. Il développe également l'idée que la forme même de cette guerre est vivante et que la nature des affrontements évolue au fur et à mesure que cette guerre vieillit. Morrison utilise ce jeu de langage pour faire naître des images poétiques à partir d'associations de mots détournées de leur sens premier. L'exercice est particulièrement périlleux et incongru dans un comics de superhéros. Quelques indices semés ça et là montrent que Morrison se nourrit à plusieurs sources romanesques et artistiques (dont un horrible jeu de mots éhonté sur En attendant Godot). Si ce récit conserve une structure solide et un logique interne, c'est bien parce que Morrison s'appuie sur des concepts qu'il a assimilés ; il ne se contente pas de jeter dans le désordre des trucs qu'il a été piocher à droite et à gauche. Là où il est encore plus fort, c'est qu'il parvient à conserver des moments permettant de développer les personnalités de ses personnages et même quelques touches d'humour (avec une séance de thérapie de groupe irrésistible).

6 épisodes sur 7 sont illustrés par Richard Case, l'épisode 36 étant illustré par Kelley Jones. À ma grande surprise, j'ai fini par m'habituer au style brut de Case, à tel point que les illustrations de Kelley Jones m'ont paru fades alors que c'est un dessinateur que j'aime bien. Jones fait du Jones (par exemple comme dans la série des Batman vampire) avec une forte influence gothique qui finalement restreint le registre de l'histoire. Par contraste, le style de Richard Case apparaît plus mature, mieux pensé. Ce n'est pas que Case intellectualise plus ses illustrations ; son recours systématique à des formes humanoïdes pour les extraterrestres montre que son imagination ne lui permet pas de s'extraire de ce stéréotype qui voudrait que les autres formes de vie nous ressemblent. Case se contente d'affubler chaque race d'une forme de tête différente (avec une mention spéciale pour les émissaires de l'Orthodoxie). Case m'impressionne par sa capacité à donner une forme visuelle à tous les concepts délirants imaginés par Morrison, à commencer par The Pupa. Ce personnage se présente sous la forme d'une jeune femme nue, avec un visage dépourvu de toute marque (absence des yeux, de la bouche, du nez, des sourcils) et avec un oeil démesuré sur le tronc. Case la représente sa nudité sans tricher (fesses et poitrines comprises), mais sans qu'elle soit réduite à un simple objet de désir. de sa présence se dégage à la fois une forme de séduction bizarre, un sentiment dérangeant d'anormalité et un langage corporel tout à fait naturel. Là encore quand on pense à ce qui est représenté, Case a su trouver un équilibre précaire mettant en évidence un sens sûr du dosage. Il se permet même un ou deux gags visuels discrets tels la paire de lunettes sur la sphère qui sert de visage à un émissaire.

Les couvertures sont illustrées par Simon Bisley qui se lâche pour un résultat plus grand que nature, second degré, plein de dérision.

Avec ce tome, Morrison et Case abandonnent le récit conventionnel pour jouer avec les formes entre signifiant et signifié. Je reste impressionné par leur ambition artistique et créatrice, ainsi que par la lisibilité et l'accessibilité du résultat.

(2) Musclebound - Épisode 42 (dessins de Mike Dringerberg, encrage Doug Hazlewood) - Cet épisode raconte comment Flex Mentallo (héros de la plage) s'est retrouvé SDF dans Danny the Street. Grant Morrison est déchaîné : il parodie une série de publicités ventant la méthode de Charles Atlas pour devenir un gros balèze. Un homme épais comme un sandwich SNCF est la risée d'une grosse brute sur la plage. Il décide de commander le livre expliquant la méthode et devient de fait le héros de la plage. Il décide d'utiliser sa force (physique et psychique) pour faire le bien. Une rencontre fortuite le plonge au coeur d'un complot complexe dans le Pentagone. Les dessins de Dringenberg sont noirs comme il faut, le scénario est second degré tout en étant agréable au premier degré. Morrison développera Flex Mentallo dans une minisérie dessinée par Frank Quitely (Flex Mentallo : man of muscle mystery) que DC Comics aura bien du mal à rééditer à cause de la trop grande similarité entre Mentallo et Charles Atlas. 5 étoiles.

Épisodes 44 & 45 (illustrations de Steve Yowell, puis Richard Case) - Pourquoi le Pentagone a-t-il cette forme ? Qui gouverne réellement les États-Unis ? Qu'est-ce que la ferme des fourmis ? Flex Mentallo retrouvera-t-il ses pouvoirs ? Morrison continue sur sa lancée en s'inspirant des théories de la conspiration pour jouer sur l'idée d'individus utilisant le gouvernement américain pour arriver à leurs propres fins. le voyage est palpitant et Morrison utilise des légendes urbaines auxquelles il donne une substance hypnotisante telles les conversations téléphoniques qui se perdent. Les illustrations de Yeowell et de Richard Case capturent l'atmosphère de ce complot en sous-sol et conjurent des images de créatures improbables et inquiétantes. 5 étoiles.

Épisode 46 (dessins de Vince Giarrano, encrage de Malcom Jones III) - Cet épisode commence par une parodie déviante du Punisher : le journal de guerre d'Ernest Franklin explique que cet homme pourchasse et abat les individus portant une barbe, puis il fait subir les derniers outrages à leur cadavre en les rasant. Cet homme est obsédé par la musculation et les armes à feu, au point que ce culte du corps viril et de la puissance armée n'exprime plus que son homosexualité refoulée. Giarrano utilise un style sec et un peu dépouillé qui fait merveille dans ce récit très pince-sans-rire. Morrison utilise le stéréotype du Punisher pour un récit qui joue à la fois sur le premier degré (comment Niles Caulder peut-il échapper à ce tueur efficace ?) et à la fois sur le registre de l'absurde. 5 étoiles.

Épisodes 47 & 48 (Dessins de Richard Case, encrages de Scott Hanna et Mark Badger) - La Doom Patrol lutte contre Mister Evans, une entité qui souhaite libérer l'humanité du refoulement de ses pulsions sexuelles. La scène d'ouverture de l'épisode 48 défie l'entendement : dans une rue tranquille apparaissent trois vaisseaux en forme de pyramides poilues. Il s'agit des Sex Men qui viennent pour exterminer des pulsions sexuelles hors de contrôle. L'imagination de Morrison continue de fonctionner à plein régime et de produire séquence ahurissante sur séquence délirante, dans un flot continu et intarissable. Alors que le lecteur peine à se remettre des concepts passés à la sauce superhéros de l'histoire précédente, Morrison a déjà énoncé les 3 concepts suivants, tous présentant une forme graphique inoubliable. Richard Case continue d'assurer une mise en image qui commence un peu à se lâcher. Il ne cherche plus du tout à faire joli, il cherche à offrir une vision cohérente et bien amalgamée de tous les éléments du scénario et il y parvient avec aise.

Épisodes 49 & 50 (illustrations de Richard Case, plus des invités pour quelques pages) - La Confrérie de Dada est de retour, avec Mister Nobody et de nouveaux membres encore plus délirants que les précédents. Ils mettent la réalité sens dessus dessous, et la Doom Patrol n'arrive pas à suivre. En fin d'histoire, Des artistes invités illustrent chacun une pleine page correspondant à une idée de scénario de Morrison (c'est cadeau, il avait tellement d'idées qu'il ne pouvait pas toutes les développer).

Avec ce tome, Morrison prouve qu'il est une machine à idées, perpétuellement en train d'inventer. Il n'y a pas de redites, mêmes les membres de la Confrérie de Dada ont été renouvelés. Chaque histoire suit une trame linéaire facilement compréhensible. Sur ces trames, Morrison greffe de nombreux concepts, il joue avec les formes de récits, il développe plusieurs personnages dont Flex Mentallo, Rebis et Crazy Jane (une nouvelle personnalité fait son apparition et elle déborde de sex-appeal). Il aborde le thème de la libido sans que les images ne deviennent pornographiques, mais malgré tout sans concession. le défi pour le lecteur est de pouvoir absorber autant d'idées, aussi concentrées. Les dessinateurs font preuve d'un grand talent pour mettre en images ce foisonnement d'idées, tout en restant lisibles et en les rendant suffisamment crédibles. Mon cerveau exige une pause avant de passer au tome suivant.
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