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Critique de le_Bison


Les Matchs de la rentrée littéraire 2012.

Ma première participation a un tel évènement, retransmission mondiale et at home. L'engouement est là mais suis-je prêt à monter sur le ring et affronter des adversaires sans doute plus prestigieux que moi. Je me prépare, je m'entraîne. Un régime astreignant à base de céréales (surtout du malt au pouvoir énergisant et euphorisant incontestable), je n'oublie pas une hydratation sans modération, car je sens déjà les perles de sueur couler sur mon front…

Face à moi, Cassius Clay ou son grand-frère. Mon objectif : rester sur le ring et ne pas tomber KO dès le premier coup de gong. Serais-je à la hauteur de l'évènement ? le trac, la pression (mais la pression a du bon, j'aime la pression sous toutes ses formes, j'aime les pressions). Je ne reviens pas sur les choix proposés, il y avait du lourd, du très lourd pour ce match – c'est un combat pas une réunion Tupperware. Pour ma part, j'ai décidé d'aller sur le terrain de Toni Morrison avant de rentrer à la maison. Home.

Frank Money est un vétéran noir de la guerre de Corée. Il a réussi à rentrer en vie alors que ses camarades ont succombé dans la jungle. Peut-il refaire sa vie ? Il le pense, il le croit. L'Amérique a changé, du moins l'espère-t-il ? C'est alors que sa soeur Ycidra dite « Cee » l'appelle au secours. Un SOS lancé dans une bouteille à la mer qui va plonger Frank dans le doute et l'obliger à un voyage à travers le Sud et le passé.

« Home » commence par une vision presque fantasmagorique : deux enfants assistent à un combat entre des chevaux, et à la mise en terre d'un cadavre, à la sauvette. Je ne comprendrai cette histoire que bien plus tard, à la toute dernière page du roman. Mais de cette entrée en scène découle toute l'obsession et la peur de Frank Money. Sa vie sera marquée à tout jamais de ce qui pourrait ressembler à un cauchemar et que l'enfer de la Corée n'a fait qu'entretenir. D'ailleurs, une fois le livre achevé, je relis cette première page. Elle est l'essence même du roman de Toni Morrison.

Je découvre donc l'écriture de Toni Morrison. J'ai passé pas mal de temps avec Jim, ce bon vieux Jim homonyme dont sa musique m'enlace encore des nuits et des jours. La musique de Toni place ses sonorités dans le jazz version be-bop. Question d'époque aussi, certainement, question de racines aussi. Celles de Toni sont afro-américaines avec tout ce que cela entraîne : l'esclavage, la ségrégation, le racisme et la misère. le Sud profond de l'Amérique où les moeurs ne sont pas les mêmes notamment à l'encontre de la « communauté » noire (entre guillemets de bien-entendu, parce que pour fédérer une communauté, il faut des êtres, des hommes, des âmes ; mais là-bas, les nègres sont loin d'appartenir à cette catégorie).

L'Amérique de Frank est celle d'avant l'ère Kennedy. Mais c'est aussi celle du douloureux maccartisme. Chaque ère a sa part d'ombre et de lumière. Il ne valait mieux pas être nègre, mais il ne valait mieux pas être un coco, non plus. Sud natal ou Nord adopté, je découvre ce pays bien différent de l'Amérique d'Obama, fraîchement réélu ou déchu (réponse ce soir). Barak et Toni. Comme avant, Malcom et Martin Luther. Et Rosa Parks, surtout Rosa Parks.

J'ai survécu au premier round. Je suis chaud, la foule m'encourage, m'harangue. Je suis debout, encore. Nul doute que je remonterai à nouveau sur le devant de la scène. Je n'ai pas la ceinture dorée du champion, mais je continuerai sur la voie Toni Morrison. le gong retentit. Est-ce la fin du match ? Non, j'entends derrière une musique, une trompette s'élève, celle de Dizzie Gillespie, un saxo s'envole, celui de Charlie Parker, le piano gronde, celui de Thelonious Monk, la contrebasse frappe, celle de Charles Mingus, la batterie cogne, celle d'Art Blakey. le roman de Toni Morrison s'achève sur cette musique noire, chargée de sueur et de liberté, sur ces notes de be-bop.
Lien : http://leranchsansnom.free.f..
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