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Critique de Meps


Meps
27 septembre 2021
Elle est noire, il est blanc. Elle est femme, il est homme. Elle est né au XXème dans l'Ohio, il est né au XIXème au Mississippi. Mais qu'ont-ils en commun me direz-vous ? Ils sont tous les deux Prix Nobels à presque quarante ans d'intervalle. Et son oeuvre à lui (William Faulkner, vous l'avez sans doute deviné) a fait en partie l'objet de son Master of Arts à elle (Toni Morrison, là c'était facile, il suffisait de regarder sur quel livre portait la critique, vous ne faites aucun effort, vraiment...).

Au delà de l'anecdote, il y a bien une vraie filiation littéraire entre ces deux-là. Une filiation thématique parce qu'ils racontent tous les deux l'histoire de l'Amérique et de son peuple noir, de deux points de vue diamétralement opposés et donc si complémentaires. Je dis bien thématique car je n'ai pas trouvé de filiation stylistique, moi qui l'attendais, en grand adepte de ce cher Bill.

Mais c'est encore mieux car évidemment Toni Morrison a le style qui lui convient le mieux, le sien. Je vais attendre pour émettre des généralités sur son style de lire plus qu'un seul de ces livres (et pas le plus connu, oui, ça devient vraiment une habitude) mais j'ai vraiment apprécié l'effet composite de ce roman. le style est totalement au service de l'histoire et surtout de la façon dont elle cherche à mener son récit.

Elle met immédiatement les pieds dans le plat avec un début d'histoire qui nous annonce tout de suite le drame terrible de l'histoire, même si elle reste totalement évasive sur les circonstances. Et elle nous ballade ensuite, au rythme d'une comptine enfantine, entre les différents lieux d'abord, puis entre les différents personnages clés et leur histoire. Elle joue à merveille de la légèreté qu'apportent deux petites filles, à la fois en marge et au centre du récit, et dont les interventions régulières sont si drôles malgré les situations dramatiques qu'elles décrivent parfois.

C'est une autre caractéristique du style de Morrison, parvenir à aborder l'horreur par l'humour. J'ai même eu peur parfois que cela banalise certaines choses horribles qu'elle raconte, mais cela a plutôt l'effet inverse, comme certaines comédies qui virent au drame et qui nous touchent d'autant plus au coeur. Elle est en totale empathie avec tous ces personnages, même les plus ignobles, à qui elle permet de dire leur vérité, même la plus insoutenable.

Elle sait également être juste dans ses indignations. La question du racisme est évidemment au coeur du récit, avec notamment cet oeil le plus bleu dont rêve la petite fille noire pour être enfin la plus belle et devenir celle qu'on regarde et admire. Mais Toni Morrison n'exempte pas les Noirs eux-mêmes de toute responsabilité dans ce racisme intégré, dans les rapports entre Noirs pauvres et Noirs cultivés, entre métisses et peaux plus sombres. Elle apporte le miroir face à chacun de ses personnages, que ce soit pour les forcer à se regarder ou leur offrir un interlocuteur compatissant.

Ma critique est devenue un vrai patchwork, à l'image du récit de l'auteure, nos mots sont forcément influencés par ceux qu'on vient de lire. En espérant que vous ne soyez pas tout de même trop perdus, sachez qu'on aime s'égarer dans les pages de ce roman de la grande Toni Morrison.
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