AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
3,94

sur 675 notes
5
39 avis
4
30 avis
3
16 avis
2
3 avis
1
0 avis
Un roman aux couleurs intenses, dans une ville industrielle des États-Unis des années 40 où dans une petite maison verte, vivent deux enfants noires durant quatre saisons.

Pas de rose ou de dentelle pour ces fillettes qui n'aiment pas les poupées, ces bébés blonds qui ne leur ressemblent pas. Pas beaucoup d'amour parental non plus, une vie aux teintes sombres, avec du rouge, rouge comme les blessures et comme le sang qui s'écoule du corps des petites filles devenues femmes.

On y voit du gris. Gris sont les hommes abrutis par l'alcool, des hommes qui ont été des garçons abandonnés, humiliés, dont l'âme est devenue grise, grise de la violence qui se tourne vers le plus faible plutôt que vers l'oppresseur.

On y trouve du blanc, blanc de la maison des riches, blanc immaculé de la cuisine où Pauline travaille, loin de la noirceur de sa race, une jolie maison entourée de vert, vert comme l'espoir inaccessible, comme les jardins interdits aux gens dont la peau est trop foncée.

Ici, les couleurs de l'arc-en-ciel sont éphémères, le plaisir de la sexualité, qui fait place au devoir pour certaines, à la violence pour d'autres, ou qui devient même un métier pour celles qu'on dit perdues.

On découvre aussi le brun de la peau métisse, source de prestige, comme le bleu des yeux des poupées qu'on admire et qu'on hait, bleu comme le ciel où s'envolent les rêves brisés des petites filles.

Les couleurs de Toni Morrison, prix Nobel de littérature 1993, brossent un tableau réaliste et dense, grâce à une écriture percutante, parfois imagée, mais tout à fait accessible, jamais lourde et grandiloquente…
Commenter  J’apprécie          902
Elle est noire, il est blanc. Elle est femme, il est homme. Elle est né au XXème dans l'Ohio, il est né au XIXème au Mississippi. Mais qu'ont-ils en commun me direz-vous ? Ils sont tous les deux Prix Nobels à presque quarante ans d'intervalle. Et son oeuvre à lui (William Faulkner, vous l'avez sans doute deviné) a fait en partie l'objet de son Master of Arts à elle (Toni Morrison, là c'était facile, il suffisait de regarder sur quel livre portait la critique, vous ne faites aucun effort, vraiment...).

Au delà de l'anecdote, il y a bien une vraie filiation littéraire entre ces deux-là. Une filiation thématique parce qu'ils racontent tous les deux l'histoire de l'Amérique et de son peuple noir, de deux points de vue diamétralement opposés et donc si complémentaires. Je dis bien thématique car je n'ai pas trouvé de filiation stylistique, moi qui l'attendais, en grand adepte de ce cher Bill.

Mais c'est encore mieux car évidemment Toni Morrison a le style qui lui convient le mieux, le sien. Je vais attendre pour émettre des généralités sur son style de lire plus qu'un seul de ces livres (et pas le plus connu, oui, ça devient vraiment une habitude) mais j'ai vraiment apprécié l'effet composite de ce roman. le style est totalement au service de l'histoire et surtout de la façon dont elle cherche à mener son récit.

Elle met immédiatement les pieds dans le plat avec un début d'histoire qui nous annonce tout de suite le drame terrible de l'histoire, même si elle reste totalement évasive sur les circonstances. Et elle nous ballade ensuite, au rythme d'une comptine enfantine, entre les différents lieux d'abord, puis entre les différents personnages clés et leur histoire. Elle joue à merveille de la légèreté qu'apportent deux petites filles, à la fois en marge et au centre du récit, et dont les interventions régulières sont si drôles malgré les situations dramatiques qu'elles décrivent parfois.

C'est une autre caractéristique du style de Morrison, parvenir à aborder l'horreur par l'humour. J'ai même eu peur parfois que cela banalise certaines choses horribles qu'elle raconte, mais cela a plutôt l'effet inverse, comme certaines comédies qui virent au drame et qui nous touchent d'autant plus au coeur. Elle est en totale empathie avec tous ces personnages, même les plus ignobles, à qui elle permet de dire leur vérité, même la plus insoutenable.

Elle sait également être juste dans ses indignations. La question du racisme est évidemment au coeur du récit, avec notamment cet oeil le plus bleu dont rêve la petite fille noire pour être enfin la plus belle et devenir celle qu'on regarde et admire. Mais Toni Morrison n'exempte pas les Noirs eux-mêmes de toute responsabilité dans ce racisme intégré, dans les rapports entre Noirs pauvres et Noirs cultivés, entre métisses et peaux plus sombres. Elle apporte le miroir face à chacun de ses personnages, que ce soit pour les forcer à se regarder ou leur offrir un interlocuteur compatissant.

Ma critique est devenue un vrai patchwork, à l'image du récit de l'auteure, nos mots sont forcément influencés par ceux qu'on vient de lire. En espérant que vous ne soyez pas tout de même trop perdus, sachez qu'on aime s'égarer dans les pages de ce roman de la grande Toni Morrison.
Commenter  J’apprécie          736
C'est une histoire poignante, marquante: celle d'une fillette noire de douze ans, laide et pauvre, qui rêve d'avoir les yeux bleus, pour qu'enfin on la regarde...

Elle va subir des drames horribles et on a le coeur serré tout au long de ce parcours de vie. Cela ne peut qu'aboutir à une issue fatale. Cette transparence vécue comme une souffrance, cette absence d'existence aux yeux des autres est terrible.

Le récit prend une forme originale, car il est ponctué de phrases leitmotiv qui débutent chaque chapitre, les lettres étant imbriquées les unes dans les autres, à tel point qu'on ne sait plus le sens de la phrase complète. Cela mime la folie progressive du personnage, de même que le dialogue final où Pecola converse avec son double.

D'autre part, le roman présente un deuxième point de vue, celui d'une autre fillette noire, qui a eu plus de chance qu'elle, témoin indirect de ses drames, mais témoin indifférent parfois...

Un livre violent, touchant.Cette fois encore, l'auteure percute nos coeurs.
Commenter  J’apprécie          545
L'oeil le plus bleu ou la Genèse de l'oeuvre de Toni Morrison, un roman qui met en scène, avec l'imaginaire de l'auteure, un événement qui a éveillé la conscience afro-américaine (et esthétique) de Toni Morrison en tant que femme noire Américaine.
Ce n'est pas un roman simple à aborder, et le résumé vraiment très réducteur sur la quatrième de couverture n'aide pas et ne prépare pas le lecteur lambda (à mon avis) à rentrer dans le récit.

A l'inverse des autres romans de Toni Morrison, L'oeil le plus bleu parle presque uniquement de l'enfance, de ce qui la construit autant que de ce qui la détruit. C'est aussi un roman plus terre à terre, dont la langue bien que très poétique n'a pas la dimension d'incantation aux ancêtres qu'on trouve pourtant souvent dans son oeuvre. Ce roman décrit des évènements quotidiens de la petite Pecola qui en plus d'être née dans une famille noire pendant la ségrégation raciale est aussi née dans une famille brisée, tant physiquement que moralement (y compris sur le plan de la moralité). Ce réalisme m'a beaucoup étonnée, d'autant plus qu'il est violent- le roman s'ouvre sur le récit d'un inceste, ce sui donne le ton à l'ensemble du roman. Viol d'enfant, meurtre d'animaux, humiliations et atteintes à la dignité sont le lit de ces personnages.

Curieusement (mais on comprendra vite pourquoi), la narratrice de l'histoire n'est pas Pecola elle-même, mais Claudia, une autre petite fille du quartier. Claudia et sa soeur Frieda tentent de comprendre ce monde violent qui les entoure et de lui donner un sens avec leurs mots et leurs réflexions d'enfants- ce décalage créé d'ailleurs une violence supplémentaire. Quant à la partie consacrée aux portraits de personnages adultes, le lecteur n'est pas en reste pour constater que les dégâts sur cette communauté font date ! Contrairement à d'autres romans, on ne voit pas la résilience qui viendrait éclairer ce récit. Les mits tombent comme des couperets, et l'écho des derniers mots résonnent comme une dénonciation individuelle de chaque personnzge dans le malheur de Pecola, que ce soit par ses moqueries ou son indifférence.

Avec du recul, on peut voir les thèmes qui seront récurrents dans l'oeuvre de la romancière américaine. Une chose est sûre, les différents visages de la violence dans ce récit ne laissent pas indifférent et interpellent, donnent matière à réflexion. En cela, la lecture de la postface de l'auteure dans l'édition Vintage apportent des éléments intéressants sur le contexte de l'écriture.

En bref, un roman âpre, mais beau malgré tout qui "remonte dans le temps", comme le fantôme de Marley de Dickens qui tente de nous expliquer comment et pourquoi une petite fille noire a pu détester son image au point de vouloir des yeux bleus. Et pas seulement bleu, les plus bleus.
Commenter  J’apprécie          530
Je continue par le commencement : L'Oeil le plus bleu est le premier roman de Toni Morrison. Il se situe dans l'Ohio, à Lorrain, ville natale de l'autrice, dans les années 1940 ; les principales protagonistes pourraient donc être ses doubles, mais que m'importe, il suffit que ce « saisissant premier roman » ait les apparences d'un certaine tranche de réalité sociale.
Au début, je craignais que ce ne soit un peu la même chose que Sulla, dont l'histoire commence environ dix ans plus tôt dans le même milieu. Mais le point de vue est un peu différent : la principale narratrice est une de ces fillettes, celle qui ne comprend pas la fascination des autres pour les poupées et les fillettes blondes aux yeux bleus.
Comme Sulla, c'est un livre magnifique, avec une construction subtile, qui tient le lecteur en haleine. J'aime cet art de l'écriture, qui s'appuie non sur une suite de coïncidences comme trop de romans classiques, mais sur la germination tardive d'indices semés plus tôt dans le récit.* Les personnages et leurs facettes sont découverts peu à peu, et le drame principal éclate dans l'esprit du lecteur vers la fin.
Toni Morrison est dès son début une autrice éblouissante, qui m'ouvre les yeux sur l'humanité à travers cette histoire dure, mais sans doute proche de la vie réelle de cette population noire et métisse, victime de formes ignobles et plus subtiles de discrimination. Sa description de ces vies vous marquera sans doute comme elle m'a emballé.

*Un exemple que j'avais beaucoup aimé est le Monde selon Garp.
Commenter  J’apprécie          435
Claudia et Frieda ont la chance d'être soudées, et d'être nées dans une famille qui leur a donné de la force même si la tendresse maternelle venait à manquer. Pecola, elle est née dans la violence et est rejetée par tous pour sa laideur. Alors que Claudia reste fière de qui elle est et méprise les poupées blondes qu'on lui offre, Pecola ne rêve que d'avoir les yeux bleus et de ressembler à Shirley Temple.
Cette année là, les marguerites n'ont pas germées à Lorain, Ohio. Claudia et sa soeur Frieda se demandent si c'est parce que Pecola allait avoir son bébé, le bébé de son père...

Dès les premières pages, le récit regorge de malheur et de violence. Ce roman, le premier écrit par Toni Morrison, aborde déjà les thèmes qui vont articuler son oeuvre. Il dénonce la société américaine ségrégationniste, une société qui décide de la supériorité des Blancs, qui détermine à quoi il faut ressembler pour avoir de la valeur. Et qui pousse les Noirs à la violence et à la folie, folie de ne pas être accepté tout simplement comme un Etre humain.
Tout dans la société tant à montrer à quoi il faut ressembler, comme par exemple le cinéma et ses modèles de stars blanches et blondes. Pour la mère de Pecola qui aimait se coiffer comme Jean Harlow,
"C'était un plaisir simple, mais elle a appris tout ce qu'il fallait aimer et tout ce qu'il fallait haïr" p.130
Les blessures et les vexations sont quotidiennes et entraînent une violence qui doit rester contenue. Comment alors ne pas la déverser sur ses enfants ? Peut-on aimer et faire preuve de tendresse dans l'adversité quotidienne ?
"Les insultes faisaient partie des ennuis de l'existence, comme les poux." p.163

Dans ce contexte où les hommes sont victimes d'insultes et de coups, les femmes sont en plus victimes des hommes.
"Elles étaient entrées dans la vie par la porte de service. Convenables. Tout le monde était en position de leur donner des ordres. Les femmes blanches leur disaient : "Fais ça." Les enfants blancs leur disaient : "viens ici." Les hommes noirs leur disaient : "Allonge-toi." Les seuls dont elles n'avaient pas besoin de recevoir des insultes étaient les enfants noirs et les autres femmes noires." p147
Ainsi que les enfants.
Mais la plus grande violence que j'ai ressentie en lisant ce livre ne vient pas des coups reçus ou portés, elle vient de la négation de l'identité des Noirs. Comment se construire quand tout nous porte à croire que nous ne valons rien ? Comment vivre en rêvant d'être quelqu'un d'autre ? Même si ce roman parle de la situation aux Etats-Unis dans les années 1940, ces questionnements sont universels et peuvent concerner tous les laissés pour compte encore aujourd'hui.
Enfin, l'écriture de Toni Morrison est très belle et poétique. Ce qui rends le roman encore plus fort car ses mots nous touchent et nous font ressentir, percevoir toute la violence dépeinte.
Lien : http://mumuzbooks.blogspot.f..
Commenter  J’apprécie          350
Encore une belle histoire de Toni Morrison.
Et cette fois-ci elle ne nous égare pas trop dans les méandres des personnages, même si, comme dans ses romans suivants, on ne sait jamais qui parle en commençant un chapitre.
J'ai trouvé que c'était plus fluide et moins alambiqué que dans les autres.
On retrouve le thème de la condition des noirs dans la société américaine.
Cette fois-ci c'est à travers deux familles, celle de deux jeunes soeurs, Frieda et Claudia, et celle de Pecola et de son père alcoolique.
Les petites ritournelles en tête de plusieurs chapitres sont assez lancinantes. Les mots sont liés, sans espaces entre eux.
Quel talent elle a pour nous plonger dans des destins incertains et chaotiques !
C'est très réaliste et lucide, poignant et désespérant.
Commenter  J’apprécie          274
Cette lecture fût un peu déconcertante dans sa composition. On passe de personnage en personnage de façon pas très linéaire ... le fils conducteur reste cette jeune enfant Pecola. Cette enfant qui n'a rien pour elle, la pauvre, et qui pense qu'avoir les yeux bleus changerait sa vie.

J'ai retrouvé l'écriture âpre de Toni Morisson, cette écriture qui colle si bien à la dure réalité de bien des hommes et des femmes de ce roman.

J'ai lu en novembre 2012 Home


Le malaise est bien là, le malaise de ces vies malmenées par cette misère poisseuse et obsédante.

Et l'écriture de Toni Morisson sur la vie la mort, si juste !
Et ce drame, cet inceste si dérangeant, mis en mots de façon exceptionnelle. On est là, on assiste impuissant à l'ignominie...


Dérangeant, heurtant,
un livre choc qui cogne là où sa fait mal !
Une lecture coup de poing !
A lire avec des yeux bleus, gris, verts, marrons !

Lien : https://imagimots.blogspot.c..
Commenter  J’apprécie          230
D'une écriture rugueuse, sinueuse et allégorique, Toni Morrison nous conte l'histoire de cette petite fille noire que la vie malmène et qui rêve d'avoir les yeux bleus.

Car les yeux bleus appartiennent aux petites filles blanches, celles qui sont dorlotées comme des poupées et aimées.

Mais la laideur est bien souvent dans l'oeil de celui qui regarde et c'est de cela que nous parle Toni Morrison.

Les Noirs subissent tant les humiliations des Blancs qu'ils croient à leur propre laideur. Les Blancs méprisent tout ce qui n'est pas Blanc. Les Métis méprisent les Noirs. Les Noirs propriétaires, mieux nantis, méprisent les Noirs pauvres. Et le mépris devient misère, violence, haine de soi et haine de l'autre.

L'oeil le plus bleu est une fable cruelle qui dépeint l'Amérique raciste dans les années 40. Écrit en 1971, il est son premier roman qui, comme le dit la quatrième de couverture, préfigure ce que sera toute son oeuvre.

Cette auteure me touche et me déstabilise.
Toni Morrison a indéniablement sa patte bien à elle. Une écriture non linéaire, qui réclame de vous toute votre attention. Elle donne à voir des pièces, des angles qui s'assemblent en tableaux qui nous racontent une histoire et qui délivrent un message.

Incontestablement, ce n'est pas une auteure comme les autres et son talent ne se dément pas.
Commenter  J’apprécie          210
Non... toutes les choses ne sont pas réglées, et pas seulement au pays de l'oncle Sam.
L'esclavage, au delà de l'horreur qu'il a fait vivre aux chairs, imposant la dépossession des corps, à créer un traumatisme extrêmement profond dans les âmes, et cela durant des générations.
Il ne suffit pas que cela cesse pour que tout soit réglé.
Il en est pour l'esclavage et il en est de même pour le colonialisme.
Pour toute forme de société instaurant la suprématie d'une race, d'une ethnie, d'une religion sur d' autres.
Déculturer totalement des peuples, imposer l'amnésie de plusieurs cultures, de civilisations, anéantir tout repère. Quelles en furent les conséquences? Quelles en sont également leur survivance ?
Comment vivre lorsqu'on se voit imposer comme mètre étalon la race, la culture ou la religion qui vous oppresse, vous possède, vous décervelle ? Comment y survivre ?
De ces états de faits surgissent de multiples syndromes traumatiques et post traumatiques qui s'inscrivent profondément et pour très longtemps dans toute la société.
Mais de cette mémoire peu de choses nous parviennent pour finir aujourd'hui.
La culture américaine montre en ce 21e siècle un visage multi racial. Mais l'Amérique tellement friande de revivre et de faire revivre au monde entier ses guerres, ne parle étrangement presque jamais de l'esclavage. du moins très peu d'écho nous parviennent. Quoique les productions cinématographiques américaines sur le sujet soit bien plus nombreuses que celles des français. Ainsi, le tout premier film français sur l'esclavage est il "La montagne est verte" documentaire de Jean Lehérissey tourné en 1950 à Paris et en Martinique sur le rôle de Victor Schoelcher et des esclaves à la libération.Voilà qui est bien tardif pour le pays de l'Abbé Grégoire et pour la patrie de la déclaration universelle des droits de l'homme et du citoyen...
Un fait acquis, peut être, mais non réglé.
Et les derniers évènements qui ont eu lieu en cet été 2014 au USA nous le montre bien. Il y a toujours un problème racial aux USA. Comme il existe encore et toujours un problème racial dans tous les pays qui furent colonialistes ou esclavagistes. Il en va des USA comme de l'Europe et dans bien d'autres pays du globe. Afrique, Australie, Asie, aucun continent n'y échappe.
Pour comprendre l'échelle du tsunami que provoquèrent ces crimes, car l'esclavage mais également le colonialisme furent des crimes contre l'humanité, il faut des mots comme ceux de Toni Morrison.
Pour comprendre ce que le fait d'oppresser, à ce point, un groupe d'hommes sans jamais lui laisser d'échappatoire, aucun moyen de contestation, de rébellion, sans jamais lui permettre de se « décharger » de l'oppression, peut provoquer à l'intérieur du groupe opprimé, il faut que les histoires soient exprimées comme ici avec le talent, la délicatesse, l'honnêteté que montre Toni Morrison. Pour comprendre la survivance des spectres et fantômes qui hantent encore de nos jours les esprits il faut ces mots là.
La pression, la tension ne pouvant être émise vers l'extérieure, c'est à l'intérieur que se retourne la décharge. Que ce soit en soi ou à l'encontre des membres du groupe. La couleur même de sa propre peau peut devenir insupportable, comme une tache indélébile que le mauvais sort s'acharne à vous donner. On en vient parfois à se haïr soi même, à mépriser même son propre frère, et même jusqu'à maltraiter ses propres enfants.
Des petites filles rêvent de cheveux blonds et de regard bleu, la seule image de princesse qu'une société autorise à vénérer. D'autres brisent les poupées qui leur renvoient la négation de ce qu'elles sont.
Il faut le langage de Toni Morrison pour entrer dans l'esprit traumatisé.
Lorsque l'enfant noir se regarde à travers le prisme du miroir des blancs sa vision est difforme, déformée. Comment construire et se reconstruire lorsque la réalité vous échappe, vous qui ne pouvez de nul part vous échapper ? Comment retrouver son image, comment apprendre à l'aimer?
Pour comprendre un peu mieux ce que l'Amérique ne montre pas, ne dit pas, ce à quoi elle n'a pas totalement fait face, il y a les livres de Toni Morrison. Paroles toujours justes, sans aucun manichéisme, et pleines d'une terrible et profonde humaine vérité.

Astrid Shriqui Garain

Commenter  J’apprécie          200




Lecteurs (1821) Voir plus



Quiz Voir plus

Beloved de Toni Morrison

De quoi s'inspire ce roman ?

D'un fait divers
De rien
De la vie de l'auteur

7 questions
75 lecteurs ont répondu
Thème : Beloved de Toni MorrisonCréer un quiz sur ce livre

{* *} .._..