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Citations sur Le metteur en scène polonais (12)

Une maladie est un lieu. Une maladie mentale est un lieu particulièrement vaste. Mais on ne s’y promène pas. On y est projeté de toutes parts. Les arbres sains du petit parc à la sortie du meilleur hôpital psychiatrique de Varsovie et la femme du metteur en scène polonais ne partageaient rien, eux. Ils n’avaient pas de maladie, donc pas de lieu commun. Pourtant, ils se promenaient. Car ils avaient ce pouvoir : s’approprier les lieux des autres. Mieux : faire des autres leurs lieux de promenade.
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Les promesses de s’aimer jusqu’à la mort avaient été nombreuses, désarmantes, mais, tout de même, le metteur en scène polonais s’était mis à nourrir, en parallèle de son amour qui n’avait jamais connu de brisures ni même le moindre fléchissement, contre sa femme une rancœur. Il pensait en effet, à cette époque, que, si elle l’avait abandonné, c’était parce qu’elle n’avait pas supporté de le voir devenir fou. Or ce n’était pas du tout ce qu’il s’était passé, car il n’était pas fou, pas même au début d’une démence qui allait le gagner, avant qu’elle ne le quitte. Non, il avait clairement déraillé après son départ, ainsi privé de la possibilité d’exprimer l’amour qu’il éprouvait, qu’il avait continué à éprouver pour elle même quand elle n’avait plus été là, et même quand elle était revenue.
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Tout le monde à Paris lui avait dit que c’était une idée extraordinaire, et que, pour la réalisation de cette idée qui à n’en pas douter ferait événement – mais il y a plusieurs types d’événements : il y a les succès d’une part, et le metteur en scène polonais en avait connu de nombreux, et d’autre part il y a les catastrophes, or à ce deuxième genre d’événement il avait été peu confronté, voire jamais concernant le théâtre, son succès ayant été fulgurant, son talent immédiatement visible, même s’il avait déjà connu des débâcles, familiales comme tout le monde, puis surtout amoureuses, dont une qui l’avait plongé dans une folie moindre que celle qui était la sienne à présent, moindre car limitée dans le temps – il jouirait d’une liberté, sinon totale, du moins immense, mais qui ne serait pas suffisante, étant donné l’ampleur (ou la folie) du projet, ampleur ou folie ayant conduit le metteur en scène polonais à s’excuser à de nombreuses reprises auprès des comédiens, de son assistante norvégienne qui n’était pas idiote, des techniciens, du directeur du théâtre français, du scénographe hongrois, et de sa femme aussi qui avait commencé à s’inquiéter bien qu’elle restât à l’hôtel toute la journée, et même auprès de l’auteur autrichien, qui était mort depuis au moins quinze ans, mais la mort – le metteur en scène polonais le savait à présent – ne changeait rien.
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Et encore, car il était sans doute préférable pour le metteur en scène polonais d'être pris pour un manipulateur que d'être pris pour un fou. Au manipulateur on accorde un intelligence, au fou seulement une chambre capitonnée.
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On ne peut pas naître poule, vivre poule, mourir poule puis renaître poule à l’infini, taper du bec à l’infini contre des morceaux de pain rassis, taper du bec à longueur de vies contre le sol quand il n’y a plus de pain, comme si le pain rassis pouvait sourdre du sol, comme si la terre recélait des sources de pain rassis ou d’antiques boulangeries ensevelies, et que taper du bec était l’équivalent gallinacéen du bâton de sourcier.
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Il y a mille manières de recevoir la mort, et si j’en venais à mourir, donc, par l’un ou l’autre de ces biais qui sont nombreux, la folie se libérerait et détruirait tout. Je dis bien tout. Elle est de ce genre de folie. Je ne peux pas, en conséquence, me permettre de mourir. Je fais attention aux camions et aux tuiles, Roland Barthes est mort ici-même renversé par la camionnette du laitier en sortant de chez sa maman, et Cyrano non loin de là, du fait d’une tuile glissant d’un toit, tandis qu’Isadora Duncan est morte plus au sud étranglée par sa propre écharpe, qui s’était prise dans les roues d’une voiture, alors que, plus au nord, Émile Verhaeren a été poussé par la foule sous un train. Je suis extrêmement attentif à tout cela, écharpe, train, foule, voiture, tuiles et laitiers.
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Ces blagues mièvres auxquelles nous assistons complaisamment ont trop duré, et n’ont plus le droit, après ce soir, de porter le nom de spectacle. Nous voulons des cadavres. Un spectacle qui ne tue personne n’est pas un spectacle vivant.
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Il ne s’affolait pas. Il connaissait la différence entre s’affoler et devenir fou. Il s’était déjà souvent affolé, et une fois déjà il était devenu fou mais ça n’avait pas duré, on lui avait donné le bon médicament, il avait consulté le bon psychiatre, et au bout d’un temps relativement court il était sorti du meilleur hôpital psychiatrique de Varsovie sans craindre la moindre rechute, sans même envisager la possibilité d’une rechute, avec ce seul mot en tête : « passager », cette expression : « une folie passagère », qu’il avait prononcée gaiement, légèrement, en se promenant dans un petit parc avant de rentrer chez lui.
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Je demandais trop, j'avais tout. Tout s'effondre et les voeux continuent. Je souhaite mais rien, non, rien ne vient. Le monde est là, glacial, autour de mes désirs. Je me suis habitué au bonheur. Ce n'est pas une habitude à prendre.
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Les professionnels étaient des habitués du lieu, les scolaires en redemandaient, le troisième âge s’enthousiasmait, les amateurs de théâtre ne manquaient jamais de prendre leur abonnement pendant l’été, même les jeunes venaient, curieux, pris dans les filets d’un système bien rodé, démocratique et exigeant, où ministres et étudiants, handicapés et chefs d’entreprise, comédiens et sourds-muets s’asseyaient côte à côte. Personne ne se battait pour avoir une place, mais tout le monde s’y retrouvait.
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