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Citations sur Dernier jour à Budapest (31)

Il se souvenait de l'épaisse carapace de glace, isolante et sale, qui enveloppait les ondes encore peu de temps auparavant, quelques semaines seulement, et des trous découpés par les pêcheurs aux environ du chantier naval; et puis, un matin, l'eau s'était débarrassée de ce manteau souillé et avait recommencé à couler, fraîche et blonde, comme si elle s'était baignée dans la mer.
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Moi, je n'accorde aucun crédit à une telle littérature, monsieur. Que la littérature reste fidèle à elle-même, à ses règles, à son atmosphère,ses plats, ses boissons, son mode de vie et à tout ce qu'il faut à un homme pour que, parfois, lui vienne à l'esprit ce qui n'est encore jamais venu à l'esprit d'un autre et qu'il l'exprime ensuite également sous la forme d'une oeuvre d'art
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Il aimait la façon d'être exigeante et toutefois modeste des Hongrois vieillissants, la façon dédaigneuse dont ils soulevaient une main aux veines enflées et bleues, parsemée de tâches de rousseur et ornée de bagues blasonnées serties de menues pierres, geste dérisoire par lequel ils dénonçaient le désordre du monde et repoussaient, en hommes ayant déjà tout vu, quelque mode insolente et prétentieuse (page 150).
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Il écrivait parce qu'il était écrivain et que, parfois il entendait une sorte de voix qui ressemblait à celle d'un alto solitaire, oublié dans un coin, qui résonne soudain dans une pièce vide.
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Il écrivait parce qu'il se souvenait d'une certaine forme de vie provinciale qui
avait la même odeur que le pain, une odeur organique, solennelle et éternelle, et une saveur délicieuse. Beaucoup de choses dépendent des femmes, se disait le marin dans ces moments-là, obligé de reconnaitre cette vérité. Rare était la femme qui trouvait sa place dans la vie, qui savait maintenir l'ordre et la propreté, non seulement dans les tiroirs des buffets mais également dans l'âme de la maisonnée. Il suffisait d'entrer dans ces maisons pour sentir que tout était où il fallait. L'office était rempli de choses bonnes et utiles, comme l'âme des habitants. L'odeur de paix et de patience qui flottait dans les pièces de la maison rappelait celle des fleurs du jardin qui se fanent au printemps dans des vases verts et bombés. Car dans la vie, la vertu et l'intelligence ne suffisent pas, il faut aussi de la patience et de la bonne volonté, une forme de résignation naïve et souriante, sans laquelle nulle harmonie n'existe dans les cœurs, sans laquelle les meubles eux-mêmes se retrouvent bêtement et n'importe comment distribués dans les pièces, dans une sorte de colère, comme appelés à prendre part au charivari ambiant. Dans les maisons où une femme intelligente et un homme patient préservaient l'ordre, l'invité ne grelottait pas en hiver, parce qu'une chaleur encore plus agréable que celle du vieux poêle en céramique, nourri de bois de hêtre, éructant et grondant, et de l'eau-de-vie de prune, émanait de la paisible bienveillance des hôtes qui, d'un mot, d'un geste, d'un regard, d'une façon ou d'une autre, remettaient tout en place.
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Cette coupole, avec ses brèches de couleurs lumineuses, faisait penser à la voûte céleste orientale dans un conte des Mille et Une Nuits, un ciel aux étoiles chamarrées brillant de tous leurs feux au-dessus de la misère et de la nudité des hommes.
Car dans ces bassins trempaient des hommes de tous les âges, de tous les rangs, aux destins divers, de même que ceux allongés sur les bancs de pierre, le long des murs, nus, les bras croisés sur la poitrine, les yeux clos, semblables à des cadavres vieux de deux jours exposés en chambre funéraire, oubliés par la parentèle et dont les veuves ont déjà, en ce matin de mai, donné des rendez-vous galants aux fringants ordonnateurs des pompes funèbres au restaurant du Ramoneur dans le Bois de ville.
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Sindbad traversa les salles enfumées et chaudes tel un soldat qui revient sur un champ de bataille, bien des années après les combats, et qui recherche avec une impassibilité feinte les croix marquant les endroits où sont tombés ses camarades. Chaque renfoncement, chaque loge, chaque table lui rappelait les temps héroïques, quand les plumes étincelaient encore dans la patrie comme des armes, quand les femmes suivaient les écrivains et les poètes guerriers comme des anges gardiens et des vivandières, quand le prestige dont jouissaient les écrivains dépassait largement celui accordé au titre et au rang des fonctionnaires, quand la fortune et l’argent ne comptaient pas autant que le manuscrit d’un poème d’Endre Ady, et quand la littérature bouillonnait dans ce chaudron baroque tel un élixir de racines divines et démoniaques d’où la nation renaissait au monde sous la forme d’un phénix. A présent, il n’y avait plus en ces lieux que des loueurs de films somnolents et mal rasés.
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Qu'y avait-il dans l'âme des Hongrois qui n'existait pas chez d'autres peuples, où était l'erreur dans la formule, la faute dans le dosage chimique, quel était le secret, mélange d'allégresse et de volonté, de désir de mort et d'offuscation, de sens du sacrifice et d'obstination fidèle à un idéal jusqu'à la mort qui rendait le Hongrois si désespérément hongrois, qui rendait hongrois tous ceux dont, une nuit au bord du lac Balaton, le clair de lune, le vin, le parfum des roses et le son du violon avaient transpercé une fois le coeur, de telle sorte que jamais plus ils n'avaient retrouvé complètement le repos de l'âme ?
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Dans le monde de Sindbad, dans l’autre Hongrie, l’ancienne, le ventre avait du prestige, arboré par un homme : il attestait que ce dernier n’était pas n’importe qui mais un homme pondéré qui agissait avec loyauté et expérience dans son travail, au sein de sa famille et à chaque caprice de la vie. Le ventre montrait que le monsieur qui en était doté fréquentait volontiers les tables de restaurant mais qu’il était aussi capable d’examiner le ragoût de porc déposé sur la table familiale avec une sévérité telle que le cœur de la cuisinière, de la maîtresse de maison et même de l’horloge suspendue au mur s’arrêtait de battre, comme si le fait d’avoir ajouté le foie et les rognons du porc à cuire dans le ragoût constituait une question capitale dont dépendait leur destin… Sindbad faisait grand cas du ventre des hommes.
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"Un homme est beau quand il est gros", disait-il parfois... [... ] Selon Sindbad, l'homme qui avait du ventre comprenait mieux les choses de la vie, graves ou joyeuses, que les bons à rien maigres et frugaux qui ont toujours l'air de vouloir bondir de table pour courir régler une affaire louche et sans importance.
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