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Citations sur L'hiver à Lisbonne (33)

- J'ai écouté ce morceau, Lisboa. Cela m'a rappelé le voyage que vous aviez commencé ensemble.
- Ce voyage, a-t-il répété. C'est à ce moment-là que je l'ai composé.
- Mais tu m'as dit toi-même que vous n'étiez pas allés jusqu'à Lisbonne.
- Non bien sûr. C'est pour cela que j'ai fait cette chanson. Toi, est-ce que tu ne rêves jamais que tu te perds dans une ville où tu n'as jamais été?
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A peu près deux ans s'étaient écoulés depuis la dernière fois que j'avais vu Santiago Biralbo, mais quand je l'ai retrouvé, à minuit, au comptoir du Metropolitano, il y a eu dans notre salut la même absence de solennité que si nous avions bu ensemble le soir précédent, on pas à Madrid mais à Saint-Sébastien, au bar de Floro Bloom, là où il avait joué pendant une longue période.
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J'ai senti qu'un seul mot aurait suffi pour retenir un moment Lucretia, mais je ne le connaissais pas : c'était comme bouger les lèvres en silence face à elle. Sans rien dire d'autre elle a fait demi-tour et j'ai entendu le bruissement de sa gabardine dans l'air, puis le bruit lent de l'ascenseur.
J'ai fermé la porte et j'ai rempli le verre de bourbon. Derrière les vitres, par la fenêtre, je l'ai vue apparaitre sur le trottoir, de dos, un peu penchée, sa gabardine blanche écartée par le vent de décembre, luisante de pluie sous les lumières bleues de l'hôtel. J'ai reconnu sa manière de marcher tandis qu'elle traversait la rue, déjà transformée en une lointaine tache blanche au milieu de la foule où elle s'est perdue, invisible, soudain effacée derrière les parapluie ouverts et les voitures, comme si elle n'avait jamais existé.
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"Comment sais -tu que cette rencontre est la dernière ?" me demanda-t-elle. "Dans les films, quand il pleut autant, un des personnages s'en va pour toujours."
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Pour ce qui est de ce surnom, Bloom, j'ai de bonnes raisons pour penser que c'est Santiago Biralbo qui le lui a donné parce qu'il était gros et placide et qu'il affichait toujours sur ses joues une plénitude rose, très semblable à celle des pommes. Il était gros et blond et on aurait vraiment dit qu’il était originaire du Canada ou de Suède. Ses souvenirs, comme sa vie apparente, étaient d’une confortable simplicité : un ou deux verres lui suffisaient pour se rappeler un restaurant du Québec où il avait travaillé quelques mois, une espèce de guinguette au milieu d’une forêt où les écureuils venaient finir les assiettes et ne prenaient pas peur en le voyant : ils remuaient leur museau humide, leurs ongles minuscules, leur queue, puis ils s’en allaient à petits sauts sur le gazon et savaient exactement à quelle heure ils devaient revenir, le soir, pour finir le reste du dîner. Parfois, quand on y mangeait, un écureuil sautait sur la table. (p.72)
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Il ne l'a pas vue en descendant du taxi. Les réverbères des angles ne parvenaient pas à éclairer l'intérieur des galeries, sombre et humide. Il a entendu le taxi s'éloigner et il est resté immobile tandis que sa stupeur dissipait sa hâte en néant. Pendant un instant, c'était comme s'il ne se rappelait plus pourquoi il était venu sur cette place si noire et déserte.
- C'est alors que je l'ai vue, a dit Biralbo. Sans surprise aucune, comme si maintenant je fermais les yeux, que je les rouvre et que je te voie. Elle était appuyée contre un mur, à côté du grand escalier de la bibliothèque, presque dans le noir, mais de loin on apercevait son chemisier blanc. C'était un chemisier d'été mais elle portait par-dessus une grosse veste bleu sombre. A la manière dont elle me souriait j'ai compris que nous n'allions pas nous embrasser. Elle m'a dit : "Tu as vu comme il pleut?", je lui ai répondu que c'était comme cela qu'il pleut dans les films quand les gens vont se quitter.
- C'est comme ça que vous avez parlé? ai-je dit. - Mais Biralbo ne semblait pas comprendre mon étonnement. - Après deux semaines sans vous voir, c'est tout ce que vous trouviez à vous dire?
- Elle aussi avait les cheveux mouillés mais cette fois ses yeux ne brillaient pas. Elle portait un grand sac de plastique parce qu'elle avait dit à Malcolm qu'elle devait aller chercher un vêtement, de sorte qu'elle avait à peine quelques minutes à passer avec moi. Elle m'a demandé pourquoi je savais que cette rencontre était la dernière. "Mais à cause des films, lui ai-je dit. Quand il pleut autant, c'est que quelqu'un va partir pour toujours."
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Comme l’amour, parfois, et la musique, presque toujours, ce tableau lui révélait la possibilité morale d’une justice étrange et inflexible, d’un ordre presque toujours secret qui modelait le hasard et rendait le monde vivable, bien qu’il lui soit étranger, une chose sacrée mais néanmoins quotidienne et présente dans chaque souffle d’air, comme la musique de Billy Swann quand il jouait de la trompette sur une tonalité si basse que le son allait se perdre dans le silence, comme la lumière ocre, rose et grise des crépuscules de Lisbonne : non pas le sentiment de déchiffrer le sens de la musique, des taches de couleur ou du mystère immobile de la lumière, mais celle d’être compris et accepté par eux.
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Les matinées des dimanches d'hiver, il y a dans certains endroits de Madrid une lumière paisible et froide qui épure, comme dans le vide, la transparence de l'air, une clarté qui rend plus aiguës les arêtes des immeubles et dans laquelle les pas et les voix résonnent comme dans une ville déserte. J'aimais me lever tard et lire le journal dans un café propre et vide en buvant juste la quantité de bière qui me permettrait d'arriver au déjeuner dans cet état d'indolence prometteuse qui vous fait regarder toutes choses comme si vous observiez, muni d'un carnet de notes, l'intérieur d'une ruche aux parois de verre. Vers deux heures et demie je pliais soigneusement mon journal, je le jetais dans une poubelle et cela me donnait un sentiment de légèreté qui me laissait très tranquille pour faire le trajet jusqu'au restaurant, une de ces bonnes maisons anciennes et opulentes, avec un comptoir en zinc et des bouteilles de vin cubiques, et où j'étais connu des serveurs mais pas au point de les voir s'autoriser cette familiarité gênante qui d'autres fois m'avait fait fuir des établissements du même genre.
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(...) Dès la première fois où nous nous sommes vus, j'ai lu dans tes yeux que tu mourrais d'envie d'embrasser mes lèvres.
- Pas autant que maintenant.
- Tu me mens. Jamais il n'y aura rien de meilleur que ce que nous avons possédé en ce temps-là.
- Cela sera, parce que c'est impossible.
- Je veux que tu me mentes, a dit Biralbo. Que tu ne me dises jamais la vérité.
Mais en disant cela il effleurait déjà les lèvres de Lucrecia.
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Il conduisait, excité par la peur et la vitesse : maintenant ce n’était plus, comme d’autres fois, l’abandon des taxis, l’immobilité en face d’un bourbon, la sensation passive de voyager dans un train lancé à travers la nuit, la vie inerte des dernières années. C’était lui qui réglait la cadence du temps, comme lorsqu’il jouait du piano et que les autres musiciens et ceux qui l’écoutaient étaient poussés vers l’avenir et vers le vide par la vaillance de son imagination, par le vertige et la discipline de ses mains qui bougeaient pour presser les touches du clavier, ne domptant pas la musique et ne contenant pas son énergie, s’offrant à elle, tel un cavalier qui rassemble les rênes tout en plantant ses talons dans les flancs d’un cheval. (p.139)
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