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Citations sur L'hiver à Lisbonne (33)

Je suppose qu'il y a des villes où l'on revient toujours et d'autres où tout s'achève, et que Saint-Sébastien fait partie des premières, même si quand on voit l'embouchure du fleuve au-delà du dernier pont, les soirs d'hiver, et qu'on regarde les eaux qui refluent et la puissance des vagues blanches qui avancent comme des crinières hors de l'obscurité, on a la sensation d'être au bout du monde. Aux deux extrémités de ce pont, qu'on appelle pont de Kursaal comme s'il se trouvait au-dessus d'une falaise en Afrique du Sud, il y a deux hauts réverbères à la lumière jaune qui semblent être les phares d'une côte improbable, annonciateurs de naufrages. Mais moi je sais que c'est une ville où l'on revient et qu'un jour je le vérifierai, que n'importe quel autre endroit, Madrid par exemple, est un lieu de passage.
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Jamais je n'ai séjourné à Lisbonne et il y a des années que je ne suis plus allé à Saint-Sébastien. Je me souviens de façades ocre aux balcons de pierre noircies par la pluie, d'une promenade en bord de mer qui entoure une colline boisée, d'une avenue imitant un boulevard parisien bordé d'une double rangée de tamaris, dégarnis en hiver, couronnées en mai d'étranges grappes de fleurs rose pâle qui ressemblent beaucoup à l'écume des vagues par les soirées d'été. Je me rappelle les villas abandonnées, face à la mer, l'île et le phare au milieu de la baie et les lumières déclinantes qui l'entourent, la nuit, et se reflètent dans l'eau avec un papillotement d'étoiles sous-marines. Loin, tout au fond, se trouvait l'enseigne bleue et rose du Lady Bird avec sa calligraphie de néon, les voiliers à l'ancre qui portaient à l'avant des noms de femmes ou de pays, les bateaux de pêche qui répandaient une intense odeur de bois détrempé, de gazole et d'algues.
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On oublie plus rapidement une ville qu'un visage : le vide et les remords remplacent vite les souvenirs, et elle ne demeure intacte que si la conscience n'a pu l'altérer.
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"Elle n'a presque rien dit. Elle craignait que je ne me souvienne pas d'elle, comme ces types que je rencontre de temps en temps et qui me disent : "Billy, tu ne te souviens pas de moi ? Nous avons joué ensemble à Boston en 54." C'est comme ça qu'elle m'a parlé mais je me souvenais. C'est quand j'ai vu ses jambes que je me suis souvenu. Je suis capable de reconnaître une femme parmi vingt autres rien qu'à ses jambes. Dans les théâtres il y a très peu de lumière et on ne voit pas le visage des femmes qui sont assises au premier rang, mais leurs jambes si. J'aime les regarder pendant que je joue. Je les vois qui bougent leurs genoux ou qui frappent le sol de leur chaussure pour marquer le rythme."
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Un musicien sait que le passé n’existe pas, a-t-il dit soudain comme s’il réfutait une opinion que j’avais pas encore énoncée. Ceux qui peignent ou écrivent passent leur temps à accumuler du passé sur leurs épaules, des mots ou des tableaux. Un musicien est toujours dans le vide. Sa musique cesse d’exister au moment précis où il a terminé de jouer. C’est le présent à l’état pur.
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Il avait imaginé une ville aussi brumeuse que Saint-Sébastien ou Paris. Il était surpris par la transparence de l'air, par la netteté du rose et de l'ocre des façades, par la couleur rouge claire de tous les toits, par la lumière immobile et dorée qui s'attardait sur les collines de la ville, splendide comme après la pluie. De la fenêtre de sa chambre, dans un hôtel aux couloirs sombres où tout le monde parlait à voix basse, il regardait une place aux balcons tous semblables et, de profil, la statue d'un roi à cheval qui désignait le sud d'un geste grandiloquent.
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Lucrecia a avancé ses mains sur la table jusqu'à ce qu'elles rencontrent celles de Biralbo qui sont restées immobiles. Elle lui a touché le visage et les cheveux comme pour le reconnaître avec une certitude que son regard ne lui procurait pas. Peut-être n'était-ce pas la tendresse qui l'émouvait mais la sensation qu'ils étaient réciproquement orphelins l'un de l'autre. Deux ans plus tard, à Lisbonne, pendant une nuit et une aube d'hiver, Biralbo apprendrait que c'était la seule chose qui les lierait jamais, non pas le désir, ni la mémoire, mais l'abandon, la sécurité de se trouver seuls sans même avoir l'excuse de l'échec amoureux.
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Lisbonne toute entière, m'a-t-il dit, même les gares, est un dédale d'escaliers qui n'en finissent pas d'arriver dans les endroits les plus élevés, il reste toujours une coupole ou une tour où grimper, un alignement de maisons jaunes, inaccessibles.
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_ Est-ce que tu étais amoureux de Lucrecia ?
_ Aujourd'hui, ça n'a plus d'importance, Malcolm. C'était il y a longtemps.
_ Tu m'as promis la vérité.
_ Mais tout à l'heure tu m'as dit que je ne faisais pas attention aux femmes, pas même à elle.
_ A Lucrecia, si. Nous allions prendre le petit déjeuner au Café de Vienne et nous te rencontrions. Et au Lady Bird, tu te rappelles ? Tu finissais de jouer et tu t'asseyais avec nous. Vous parliez beaucoup, vous le faisiez pour pouvoir vous regarder dans les yeux, vous connaissiez tous les livres, vous aviez vu tous les films et vous saviez les noms de tous les acteurs et de tous les musiciens. Tu te rappelles ? Moi, je vous écoutais et il me semblait toujours que vous parliez une langue que je n'arrivais pas à comprendre. C'est à cause de ça qu'elle m'a quitté. A cause des livres, des films, des musiques. Tu ne vas pas dire le contraire, tu étais amoureux d'elle. Est-ce que tu sais pourquoi je l'ai emmenée loin de Saint-Sébastien ? Je vais te le dire. Tu as raison, ça n'a plus d'importance. Je l'ai emmenée pour qu'elle ne tombe pas amoureuse de toi. Même si vous ne vous étiez pas connus, même si vous ne vous étiez jamais vus, j'aurais été jaloux. Et je vais te dire autre chose : je le suis encore.
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Dans le hall de la gare, au buffet, sur le quai, ils ont échangé des promesses mensongères : Billy Swann abandonnerait provisoirement l'alcool, Biralbo écrirait une lettre blasphématoire pour se débarrasser des bonnes soeurs, ils se retrouveraient à Stockholm deux ou trois semaines plus tard. Biralbo n'écrirait plus de lettres à Berlin parce que, contre l'amour des femmes, le seul remède convenable est l'oubli.
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