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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
« Emporte-moi sur la lune, à Lisbonne. » lui avait-elle dit un jour.

C'est l'histoire de cet homme, né Biralbo devenu Dolphin. Il « ne s'appelait plus Santiago Biralbo, qui était né du néant à Lisbonne. » Un musicien qui se raconte par bribes au travers des paroles d'un narrateur, un ami peut-être, une connaissance sans doute bien que le mot soit mal choisi en l'occurrence car qui connait vraiment quelqu'un.

« les véritables solitaires installent le vide dans les lieux qu'ils habitent et dans les rues qu'ils parcourent. »

Biralbo c'est un solitaire, fou amoureux à ses moments perdus. Cette expression lui convient « moments perdus » car j'ai ressenti cette perte de soi dans l'attente de cette femme, Lucrecia. Et pourtant « en se regardant, ils s'appartenaient comme on sait qui on est quand on se regarde dans un miroir. » La rencontre a lieu dans un piano bar de Saint Sébastien. Immédiatement le flash. Elle est mariée avec Malcom. Sentant le vent tourné, Malcom décide qu'ils doivent partir immédiatement pur Berlin. Malcom est un escroc. de la vie, de l'amour et des hommes. le narrateur en sait quelque chose...

Pendant des années Biralbo et Lucrecia auront une relation ponctuée de longs silences, de quelques lettres et ne se rencontreront que bien peu de fois. Mais pourtant « ce qui leur appartenait véritablement : une trame de mots et de gestes, de pudeur et d'avidité, parce que jamais ils n'avaient cru se mériter l'un l'autre et qu'ils n'avaient rien désiré ni possédé qui ne se trouvât qu'en eux-mêmes, un royaume invisible et partagé qu'ils n'ont presque jamais habité, mais qu'ils ne pouvaient pas non plus renier parce que sa frontière les entourait aussi définitivement que la peau ou l'odeur d'un corps entoure sa forme. »

Elle lui demande de l'accompagner à Lisbonne un jour. Elle vient de se séparer de Malcom et ressent un besoin urgent de se réfugier dans Lisboa. Elle seule y arrivera, lui s'évadera dans des villes européennes. Mais un jour, il y retourne voir Billy Swann, son vieux compagnon musicien malade.

« Il était revenu dans la ville pour s'y perdre comme dans une de ces nuits de musique et de bourbon qui semblaient ne jamais devoir s'achever. »

Il la recherche à cette occasion. Billy le met en garde. Lisbonne est une ville dangereuse pour toi Biralbo et puis « La fille de Berlin, a dit Billy Swann sur un ton comme ennuyé et moqueur. Es-tu bien sûr de ne pas avoir vu un fantôme ? J'ai toujours pensé que c'en était un. »

Mais « Lisbonne était la patrie de son âme, la seule patrie possible de ceux qui naissent étrangers. »

J'ai adoré ce roman pour l'ambiance, pour la trame, pour la beauté de l'écriture. Un vrai régal. Ca sentait le bourbon, je voyais des volutes de fumée et j'entendais Fly me to the moon, Lisboa.
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Quel livre! Quel grand livre! Il est de ceux que je n'oublierai pas. C'est une première rencontre avec Antonio Munoz Molina, mais je sais que je vais partir à la recherche de ses autres romans. Dans ce texte, des villes où je me suis rendue, Saint-Sébatien, Madrid et Lisbonne où j'ai bien cru que le héros principal du livre n'arriverait jamais... de la musique, un pianiste et un trompettiste de génie... L'univers de la nuit, des boîtes de jazz, des bas-fonds, des addictions, des plans tordus, des mauvaises rencontres... Beaucoup de points sordides, mais la noirceur est estompée face à une magnifique et rare histoire d'amour... L'hiver à Lisbonne c'est la fuite, la recherche d'êtres aimés et perdus, la jalousie aussi... Cette histoire semble intemporelle et j'ai eu des difficultés à la situer dans le temps, bien sûr, je l'imaginais pur produit du 20ème siècle, mais dans quelle décennie exactement. J'ai facilement imaginé les années 40/50 avec tenant les rôles des protagonistes, Humphrey Bogart et Lauren Bacall... le cinéma, les livres, la noirceur des films américains sont très présents dans ce roman... jusqu'à ce grand pont rouge de Lisbonne surplombant le Tage (Pont du 25 avril) cousin du Golden Gate... Une histoire beaucoup plus contemporaine que je croyais puisqu'elle se situe sans les années 80 et devient presque contemporaine... Une histoire d'amour intemporelle... Un texte sublime sortant des sentiers battus.
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Antonio Muñoz Molina réussit le tour de force de nous conter tout le long de ce roman, une belle histoire d'amour impossible dans une atmosphère digne d'un film noir où aurait joué Humphrey Bogart. le tout dans une ambiance jazzy de l'époque. On se croirait réellement au cinéma dans un de ces films noir et blanc.

Un vrai régal.

Ce livre arrive vraiment dans le trio de tête de ce que j'ai lu à ce jour de cet auteur.
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C'est la deuxième fois que je me plonge dans un roman d'Antonio Muñoz Molina et, comme dans Pleine Lune, l'auteur créée une ambiance ouatée et se refuse à nous livrer un récit linéaire. On entre donc difficilement dans ce roman, d'autant plus que l'auteur est friand des longues phrases et d'analepses. Un narrateur sans nom et dont on ne saura rien nous parle de son ami Santiago Biralbo, un pianiste de jazz, et de son histoire d'amour avec l'énigmatique Lucrecia. Magnifique écriture très poétique, Molina sait merveilleusement décrire l'attente et l'amour.
"Mais je ne peux pas imaginer quel était le visage qu'a vu Biralbo à cet instant, ni de quelle manière ils se sont retrouvés, ni comment s'est exprimée leur tendresse mutuelle, jamais je ne les ai vus ensemble et jamais je n'ai pu les imaginer ainsi ; ce qui les unissait, ce qui les unit peut-être encore aujourd'hui était un lien qui contenait en lui-même l'essence du secret. Jamais il n'y a eu de témoins, pas même quand l'obligation de se cacher ne les persécutait plus, et si quelqu'un que je ne connais pas s'est trouvé avec eux ou les a surpris un jour ou l'autre dans les cafés ou les hôtels discrets où ils se donnaient rendez-vous à Saint-Sébastien, je suis sûr qu'il n'aura rien pu découvrir de ce qui leur appartenait véritablement : une trame de mots et de gestes, de pudeur et d'avidité, parce que jamais ils n'avaient cru se mériter l'un l'autre et qu'ils n'avaient rien désiré ni possédé qui ne se trouvât qu'en eux-mêmes [...] En se regardant, ils s'appartenaient comme on sait qui on est quand on se regarde dans un miroir."
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L’hiver à Lisbonne ressemble à ces mélopées de jazz aussi difficiles à saisir que les volutes de fumée s'échappant d'une cigarette. Certes il y a une histoire, mais il y a surtout autour de ce roman une musique qui flotte dans l'air et qui vous tourne dans la tête, une mélodie qui nous parle de la passion entre deux êtres, de leur solitude à chacun, de la musique, et du passé qui ne passe pas.

L’histoire ? ou plutôt le scénario, devrais-je dire, ou le script tant ce récit ressemble à s’y méprendre à un scénario de films noir de l’entre guerre.
Santiago Biralbao, pianiste de jazz, vit une passion pour la belle Lucrecia, sous les yeux de son ami, le narrateur témoin qui nous raconte leur histoire. Mais Lucrecia est mariée à Malcom, dit l’Américain, un type peu fréquentable et jaloux qui fait mine de ne pas voir les regards que s’échangent les amants au bar du Lady Bird de Saint Sébastien.

Biralbao joue avec Billy Swann, sans doute le plus grand trompettiste du moment, et avec Oscar le contrebassiste.

Sa passion pour Lucrecia a à peine le temps de s’épanouir que Lucrecia est obligée de s’enfuir avec Malcom direction Berlin. S’en suivra trois ans d’une course cavalcade en quête l’un de l’autre, parcourant plusieurs capitales européennes, avec en ligne de mire une destination finale : Lisbonne. Séparés par la distance, les deux amants s’écrivent pendant deux ans, jusqu’à ce que la correspondance s’arrête brutalement pour Biralbao : sa dernière lettre reviendra inconnue à cette adresse. Il n’y aura que Billy Swann pour donner une ultime lettre de Lucrecia à son pianiste : une lettre curieuse en provenance de Lisbonne, au dos d’un plan d’où brille un nom étrange, Burma. Burma et Lisboa seront les titres de morceaux qui deviendront célèbres.

Biralbao compose Lisboa et pourtant il n’a encore jamais mis les pieds dans la capitale lisboète. Mais le futur est-il forcément devant nous ? Avec Antonio Munoz Molina, rien n’est moins sûr.

Au-delà du récit digne d’un grand film de série noire, c’est toute l’atmosphère de clubs de jazz que Antonio Munoz Molina restitue à merveille. Dans cette mise en abyme provoquée par la construction sous forme de déposition – le narrateur rapporte les bribes que lui livrent Biralbao devenu Giacomo Dolphin au bar du Metropolitano de Madrid – les différentes périodes s’entrechoquent à la vitesse d’un train ou d’un tramway lancé à grande vitesse sur des rails improbables : l’époque du Lady Bird où Biralbao fait la connaissance de Lucrecia et celle du narrateur, l’époque des lettres de Berlin, et les retrouvailles au bout de trois ans au Saint Sébastien, avant la fuite à Lisbonne. Dans l’ombre de Malcom, veille un individu tout aussi peu recommandable : Toussaints Morton et son évanescente secrétaire Daphné.
Ce qui conduit Lucrecia a se sentir perpétuellement suivie et en fuite.

Mais l’autre thème de prédilection de l’auteur est la solitude des êtres malgré leur passion l’un pour l’autre. Le passé de Saint Sébastien ne revient pas, la vie les a changés et bientôt cela n’a même plus d’importance pour Biralbao. Du moins est-ce ce qu’il confie au narrateur, essayant de le convaincre qu’il était désormais au-delà de la recherche de l’amour et du bonheur.

Passion pour Lucrecia, passion pour la musique, passion pour les villes, L’hiver à Lisbonne est donc un récit haletant qui nous embarque de Saint Sébastien à Lisbonne au son d’une mélopée de jazz dont la mélodie n’a pas fini de nous hanter une fois la dernière page tournée.

Et pourtant si, Lucrecia a bel et bien existé le temps d’un récit, et nul doute qu’elle peuplera aussi vos rêves, à vous qui prendrez peut-être un jour le départ en hiver destination Lisbonne....
Lien : https://www.biblioblog.fr/po..
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Un roman noir se déroulant en Espagne et au Portugal, voilà qui retient l'attention. Mais à Madrid, Saint Sébastien, Lisbonne, point de lumière ni de chaleur, seulement des ruelles sombres, des hôtels glauques, des bars et des clubs de jazz dont les néons colorent la nuit et les visages. On se croirait presque dans le Grand Sommeil, s'il n'y avait les sonorités des noms propres, le cri d'une mouette, et la mer, tout de même omniprésente. Comme de juste, on comprend à peine l'intrigue, mais on est immergé dans une atmosphère glauque, faite de bruine pénétrante, de chambres pas très nettes, de vapeurs d'alcool et de lumières électriques. Et bien sûr, on est aussi fasciné par le couple formé par Bogart et Bacall, pardon, Santiago et Lucrecia, qui ne cessent de se rejoindre furtivement, pour se quitter aussitôt, toujours pressés, menacés, incapables de vivre l'un sans l'autre, mais tout aussi incapables de vivre ensemble. L'intrigue est donc secondaire, même si les « méchants poursuivants » sont au final mieux dessinés que ceux des films noirs américains, moins accessoires. Ce qui envoûte encore, c'est la musique, le jazz de Santiago et de Billy Swann son ami, qui pas un instant ne cesse d'accompagner les gestes et les états d'âme des personnages, et qui se fond avec l'écriture hypnotique de Munoz Molina pour rendre le lecteur totalement captif. Et ce qui transporte enfin, mais déroute aussi, c'est la formidable réflexion sur le temps qui passe, ou ne passe pas d'ailleurs, vu que Munoz Molina s'efforce de le suspendre, de le dilater, de le tordre en tous sens. Ses personnages luttent contre sa linéarité, contre l'emprise du passé qui empêche de vivre, de même que Munoz Molina déconstruit la chronologie, entraîne le lecteur d'une époque à l'autre, d'une ville à une autre, dans une sorte d'errance qui, paradoxalement, structure parfaitement le récit. Santiago veut se libérer du passé, sans jamais y parvenir, sauf peut-être quand il joue, tentant finalement de vivre sa vie comme sa musique, au présent. On ressort de cette lecture, mouillé, légèrement ivre, les mains moites, la gorge irritée par la fumée de cigarettes, mélancolique mais heureux. Un grand roman.
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