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Critique de Antyryia



Attention ! Archive confidentielle
Enregistrement audio # 2743 de la Brigade des Affaires Non Conventionnelles.
Conversation interceptée entre Michel Bussi et Guillaume Musso le 18 juin 2020.

- Allô, Michel, c'est Guillaume.
- Salut Guillaume, pourquoi tu chuchotes comme ça ?
- Au cas où on serait sur écoute, je ne veux surtout pas être reconnu.
- Arrête ta parano et parle distinctement ! Alors comment tu vas ? En train d'écrire sûrement ? Ou tu es sur le tournage de la jeune fille et la nuit ?
- Rien de tout ça hélas. J'ai le syndrome de la page blanche et mon éditrice Fantine de Vilette commence à être vraiment menaçante. J'ai reçu une mise en demeure ce midi et je risque d'avoir les huissiers au cul si je ne rends rien d'ici quelques jours.
- Et tu attends quoi de moi exactement ?
( Hésitation de Guillaume Musso )
- Euh, comme on est des potes, les deux auteurs les plus vendus en France, j'ai pensé que peut-être tu pourrais me donner un tuyau. Je ne te demande pas grand chose, juste une bonne idée de départ et après j'enroberai. C'est important de s'entraider dans ce milieu.
- Mais pourquoi tu ne demandes pas à ton frère Valentin plutôt ? Il a de très bonnes idées.
- J'y ai déjà pensé tu vois mais il est pas dans le même trip que moi. Je comprends rien de ce qu'il me raconte.
- Ecoute mon Guillaume, je suis franchement désolé mais moi aussi mes neurones me font défaut. J'ai une vague idée mais rien ne s'articule autour et Les presses de la cité m'appellent tous les jours ou presque. Ils ont kidnappé ma femme et mes enfants et si je ne leur ponds pas quelques chapitres valables d'ici la fin août ils vont les filmer en train d'avaler chacun de mes romans page par page. Et ça sera diffusé en direct sur onnesefichepasdesonediteur.com.
- C'est atroce. Mais si on revenait à mon problème ?
( silence )
- Tu es là Michel ? Je crois que je viens d'avoir une idée !
- Dis toujours ...
- Raconte moi le début de ton histoire, je te file un coup de main. Et je la réadapte à ma façon ni vu ni connu.
- Remarque, c'est vrai que si on s'y prend bien nos lecteurs n'y verront que du feu !
- Faudra quand même qu'il y ait quelques mois qui séparent nos publications si on ne veut pas éveiller les soupçons.
- Ca je vais gérer Michel, je vais demander à Calmann Levy de patienter en publiant mon introuvable premier roman, Skidamarink. Ca me fera gagner pas mal de mois je pense.
- Excellente idée, moi je n'ai plus rien dans mes fonds de tiroir hélas.
- Bon alors c'est quoi cette idée de départ, tu m'intrigues là !
- Reste bien assis mon Guillaume, tu ne vas pas en revenir. Imagine une mère dont le fils meurt noyé le jour de ses dix ans. Elle revient dix ans plus tard sur les lieux du drame et qu'est-ce qu'elle voit ?
( hésitation )
- Une brouette ?
- Euh ... réfléchis encore ?
( on entend presque les rouages de l'engrenage en branle chez Musso qui réfléchit )
- Elle reconnaît son fils dix ans plus tard ?
- Mieux que ça encore ! Elle le reconnaît en effet mais comme si le temps n'avait eu aucune emprise sur lui. Il a toujours dix ans.
- Mais comment c'est possible ? Tu as pu faire des recherches ADN ?
- Je te parle de mon roman là Guillaume. Je sais que je tiens un bon pitch bien accrocheur mais c'est là que j'ai besoin que tu me donnes le déclic pour la suite.
- Et ça va se dérouler où ton histoire ?
- Pays basque et Auvergne si je ne change pas d'avis. Il y a pas mal de légendes à emprunter du côté de Mürol ou du lac Pavin pour étoffer mon scénario.
- Ok Michel, je te remercie pour toutes tes infos.
- Mais tu vas m'aider hein ? C'est ce qu'on a convenu.
- Bah je vais déjà voir ce que je peux en retirer et par quelle pirouette je peux m'en sortir et si j'ai des idées difficilement exploitables je te rappelle comme promis. Mon cerveau est déjà comme une marmite brûlante pour ne pas qu'on puisse faire le moindre rapprochement entre nos romans, faut pas trop m'en demander d'un coup non plus !
- Mais attends, je fais quoi moi ?
- Continue à réfléchir, tu as de l'imagination à revendre ! Merci en tout cas, tu m'as bien aidé !
CLING

Fin de l'enregistrement # 2743


Musso s'était bien rattrapé avec ses deux derniers romans, et je n'ai pas honte de dire qu'ils m'avaient réconciliés avec l'auteur.
Celui-là, c'est du grand n'importe quoi.
Il donne l'impression d'avoir été torché dans l'urgence par un écrivain qui ne s'est même pas relu.
Il rappelle les auto éditions maladroites d'auteurs qui n'ont pas du tout su exploiter leur idée de départ, et si ça avait été écrit par Toto Dupond le bide aurait été total.

Alors oui, on a en effet cette intrigue qui ferre rapidement le lecteur.
Une inconnue amnésique repêchée dans la Seine dont les traits et surtout l'ADN sont similaires à ceux de Milena Bergman, pianiste de prestige morte un an plus tôt dans un crash d'avion.
Qui plus est, cette inconnue de la Seine est enceinte comme l'était Milena Bergman, comme si celle-ci était passée au travers d'une faille temporelle.
Oui, bien sûr, on a envie de savoir en lisant la quatrième de couverture. Mais ce point de départ est une copie conforme du livre Rien de t'efface de Michel Bussi, et qui en comparaison faisait figure de travail d'orfèvre.
Et je n'accuse pas Musso de plagiat puisque je pense qu'il y a déjà eu bien des variantes autour de ce thème dans la littérature, malgré tout j'ai la désagréable impression qu'il a déplacé l'intrigue à Paris ( la seule ville qu'il connaisse avec New York ) et les légendes provençales par la mythologie grecque dans une approche impie.
Mais peu importe ces nombreuses ressemblances, je dirais même heureusement qu'elles sont là pour donner du rythme et du suspense au récit, toutes proportions gardées.

Beaucoup d'auteurs de romans policiers ou de thrillers consacrent du temps à rechercher et décrire les procédures, les liens entre les services, parfois ça peut même devenir indigeste. Musso lui c'est exactement le contraire. Roxane, son héroïne qui enquête sur cette subite réapparition de la pianiste vient d'être mise au placard par sa hiérarchie suite à une faute grave qu'elle a commise. Laquelle ? J'aurais bien aimé le savoir mais l'auteur n'a pas du juger que c'était utile d'en parler. Bref, en quelques heures à peine elle est mise au placard au sommet d'une horloge ( n'importe quoi ) et elle se retrouve avec cette affaire sur les bras. Tout le monde est super sympa avec elle et lui donne toujours toutes les informations dont elle a besoin pour continuer d'enquêter petit à petit pour recomposer toute l'histoire. Personne ne respecte la voie hiérarchique, le protocole, et même ceux qui n'ont pas envie de lui parler finissent par la rappeler.
Trop forte Roxane pour une flic qui vient d'être mise sur la touche.
Y a Valentine aussi, qui fait sa thèse sur la base des affaires non conventionnelles, qui va l'aider à plusieurs reprises et qui disparaîtra du livre brusquement, sans qu'on sache trop pourquoi.
Changement de ton dans la dernière partie où Musso se transforme en véritable auteur de romans noirs. Enfin il essaie, mais on sent bien l'usurpation d'identité, le manque de maîtrise.
On frôle le ridicule à de nombreuses reprises, de nombreuses questions restent sans réponse, en un mot comme en cent c'est bâclé.

Les points positifs ? Il y en a toujours quelques uns.
On ne s'ennuie pas malgré tout, la lecture est facile et rapide, ce n'est qu'à certains moments et surtout à la fin qu'intervient la frustration.
J'ai eu parfois l'impression par le passé que Musso étalait sa culture comme de la confiture mais je change d'avis de romans en romans. Il sait désormais utiliser les bonnes citations aux bons moments, sans en faire... des tartines. Et je pense qu'il est réellement un homme instruit et cultivé, avec lequel j'apprends toujours de petites choses.
Ici par exemple j'ignorais que le mot Tragédie voulait littéralement dire chant du bouc.
Ou que la ville d'Illiers en Eure-et-Loire était devenue en 1971 Illiers-Combray parce que Combray était le nom que Marcel Proust lui avait donnée dans ses oeuvres.
Et il faut quand même bien admettre que c'est original d'avoir placé de nombreuses illustrations pour rendre l'histoire plus crédible : photos, articles de presse, fiches Wikipedia, photo de l'auteur en rabat de couverture : Bel effort pour immerger le lecteur dans l'ambiance du roman et rendre ses énigmes bien réelles.

Mais c'est comme ranger sa chambre en planquant tout sous son lit.

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