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Les oiseaux ne se retournent pas » est un roman graphique qui aborde le difficile sujet de l'exil et de l'identité avec beaucoup de sensibilité et de délicatesse.
Amel a douze ans, elle est orpheline. Elle s'apprête à quitter son pays en guerre et ses grands-parents avec qui elle vivait. Elle fera le voyage jusqu'à Paris avec un couple et ses deux enfants qui sont des amis de la famille. Avant le départ, Amel a dû changer d'identité. Elle se fera maintenant appeler « Nina » et possède un faux passeport. A la frontière, Amel perd la famille avec laquelle elle voyage. Contrainte de continuer seule, elle se dirige vers un camp dans lequel elle va faire la connaissance d'un jeune homme qui joue du oud et se prénomme Bacem.
Amel qui s'est fait voler ses affaires personnelles au sein du camp, décide de partir et de suivre Bacem. Un lien se lie entre les deux jeunes gens et très vite ils deviennent amis. Bacem écrit un poème pour Amel, lui apprend à jouer du oud et lui fait une promesse : ils ne se perdront jamais. Avant la traversée vers l'Italie, les deux amis se confient. Amel apprend au jeune homme qu'elle ne se nomme pas Nina et Bacem lui avoue qu'il a participé à la guerre en s'engageant comme soldat car il voulait se venger. Mais il s'est aperçu qu'il ne pouvait pas tirer sur les gens.
Les deux compagnons sont séparés dans le bateau. La mer s'agite de plus en plus et le précieux oud tombe à l'eau. Amel qui connaît la valeur sentimentale de l'instrument pour son ami, saute afin de le récupérer. Quand elle arrive sur la terre ferme, elle s'aperçoit que l'instrument est cassé et qu'elle a perdu Bacem. Après avoir cherché Bacem partout, Amel, guidée par des oiseaux qui lui parlent dans ses rêves et qui ne se retournent pas, se résout à continuer son chemin, seule, vers la France.
Ce roman graphique est un récit bouleversant sur l'enfance et le déchirement de l'exil. le travail de l'auteure sur le scénario et le graphisme est impressionnant et force le respect. La plume de l'auteure est poétique : beaucoup de musicalité se dégage des mots. Elle a un vrai talent de conteuse. Elle aborde subtilement à travers un dessin et un texte d'une grande justesse, l'enfance, l'amitié, la rencontre, l'entraide, le partage, le deuil, la douleur du déracinement, le danger et la peur, les désillusions, le courage et l'espoir.
L'auteure fait la part belle à l'art (la musique, la poésie). La création artistique permet de s'évader, de s'apaiser, de rêver ; c'est une invitation à la liberté.
Les illustrations, d'une grande richesse, sont incroyables ; beaucoup de force et de profondeur s'en dégagent. J'ai beaucoup apprécié le voyage onirique représenté par le déplacement des oiseaux qui traduit les espoirs d'Amel, la colorisation en noir et blanc avec des touches de couleur qui amène une touche de luminosité et d'espoir. le travail sur le floutage des visages, la calligraphie, les magnifiques ornements d'oiseaux et de fleurs sont remarquables.
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Les oiseaux ne se retournent pas » est un roman graphique de qualité, saisissant de précisions et d'émotions, qui ne laissera aucun lecteur insensible.