De fait le virus nous communise. Il nous met sur un pied d'égalité (pour le dire vite) et nous rassemble dans la nécessité de faire front ensemble.
Partout les conditions de travail sont devenues toujours plus complexes et plus dépendantes de logiques technoéconomiques telles que l'écart a augmenté entre la liberté des décideurs et la soumission des exécutants. Ces derniers représentent la grande majorité des populations - qui comportent aussi une part importante de personnes privées de travail et donc de liberté.
Le coronavirus en tant que pandémie est bien à tous égards un produit de la mondialisation. Il en précise les traits et les tendances, il est un libre-échangiste actif, pugnace et efficace. Il prend part au processus par lequel une culture se défait tandis que s'affirme ce qui est moins une culture qu'une mécanique de forces inextricablement techniques, économiques, dominatrices, et le cas échéant physiologiques ou physiques ( pensons au pétrole, à l'atome.)
Faire une expérience, c'est toujours être perdu. On perd la maîtrise. En un sens, on est jamais vraiment le sujet de son expérience. C'est plutôt elle qui suscite un sujet nouveau. Un autre "nous" est en gestation.
La crise actuelle n'est pas seulement sanitaire mais est un produit de l'exaspération des conquêtes dans lesquelles nous nous retrouvons empêtrés et embourbés au point qu'en fait nous ne savons plus comment nous en sortir.
Aujourd'hui toute parole qu'elle soit technoscientifique, politique, philosophique ou morale ou morale, montre sa faiblesse. Il n' y a pas de savoir assuré, pas de programme d'action ou de pensée disponible.
Nous devons réapprendre à respirer et à vivre, tout simplement. Ce qui est beaucoup, et difficile et long - les enfants en font l'expérience. Ils ne savent pas parler, les infantes. Ils ne savent pas moduler leur souffle sur la parole. Mais ils ne demandent qu'à apprendre, et ils apprennent et ils parlent. Soyons des enfants. Recréons un langage. Ayons ce courage.
Une jeune femme a été mise en garde à vue pour avoir affiché à son balcon "macronavirus -aura-t-on bientôt fini ?" Le mot "macronavirus" a déjà circulé depuis quelque temps et on ne voit pas pourquoi une banderole déclenche une opération de police. Ce n'est pas seulement grotesque, c'est de la police politique de la plus minable espèce
L'activité économique est touchée à tous les niveaux, mais l'écart est grand entre l'entreprise multinationale, le petit autoentrepreneur et le cireur de chaussures dans la rue. L'idée d'un revenu dit "universel" revient avec insistance depuis quelque temps, comme une façon de répliquer à l'égalitarisme morbide du virus. Mais quelques soient les mesures techniques, elles devront être telles qu'elles mettront en question l'écart vraiment obscène des revenus qu'on observe depuis trop longtemps.
Sans programme, on touche à l'incalculable qui par définition est hors de prix et vaut en soi, absolument