A présent je reçois deux fois par jour la mort en visite. Nous nous donnons un baiser appuyé, nous nous asseyons côte à côte, notre conversation est des plus animées. Son corps est merveilleusement parfumé. Quand je lui raconte ma vie, le menton posé sur ses genoux... la rivière débordante, oùj'ai plongé mon adolescence, mes jeux – quand je lui raconte les parties de marelle, mes deux nattes battant au vent, mes courses éperdues derrière un cerf-volant, mes bains au clair de lune au bord de l'étang, quand je lui raconte les éclats de l'astre nocturne quej'attrapais en tendant la main vers l'eau, croyant y pendre un poisson argenté ..., je vois la rosée perler dans ses yeux,j'entends sa voix se nouer.
A présent, je reçois deux fois par jour la mort en visite. Tout en me caressant affectueusement les cheveux, le dos, elle m'a promis de revenir me voir, de ne plus me laisser seule dans le noir, de m'emmener chez elle, dans sa demeure étincelante, et de m'y garder.
Je regarde par la fenêtre les quelques lumières dans la nuit. Lorsque l'avion a décollé, je contemple du ciel mon petit pays, si pauvre, surpeuplé de cent vingt millions d'habitants. Plus l'avion prend de l'altitude, plus il s'estompe, disparaît dans l'épaisseur des nuages. Je continue à regarder en espérant que les nuages vont s'écarter. Mais non, l'avion implacablement continue son ascension et mon pays devient tout à fait invisible. Mon cher pays. Je sursaute en m'entendant soupirer. De soulagement ? D'aise ? Parce que je retrouve la vie ? Ou de douleur ? D'incertitude ? Parce que je suis en train de la perdre ?
Le plus grand poète de notre pays, Shamsur Rahman, écrit :
Talisma a acquis dans notre vie culturelle un nom qui ne laisse personne indifférent. Ses chroniques l'ont rendue célèbre, même au-delà des limites de notre pays. Dans sa lutte contre nombre de nos traditions, elle fait preuve d'un courage remarquable qu'il convient de louer. Elle fustige notre société gangrenée par le machisme et le conservatisme, elle secoue notre immobilisme. Elle n'hésite pas un instant à dénoncer haut et fort, sans le moindre compromis, le fanatisme religieux qui nuit à notre humanité.
Les poètes ne sont pas des êtres à part, hors du monde, ils doivent eux aussi contribuer à guérir la société malade. Dans notre pays [le Bangladesh] où les soirées poétiques rassemblent des gens par centaines, où les poètes jouissent d'une si grande popularité, ce sont eux qui se chargent d'inciter les foules au combat.